Certaines années d’études ont une importance cruciale. Voilà la conclusion fondamentale d’une récente recherche financée par l’Institut canadien d’éducation et de recherche en orientation (CERIC), qui révèle que l’année d’études joue un rôle prépondérant en matière d’exploration de carrières. Selon cette recherche, les élèves de 5e et 6e année se distinguent des autres au chapitre de la planification de carrière et manifestent une curiosité et un intérêt particulièrement marqués pour les choix de carrière.

Career Trek, en partenariat avec l’Université de Winnipeg et l’Université du Manitoba, a mené une étude de deux ans auprès de 500 élèves de la 3e à la 12e année dans quatre districts scolaires du Manitoba. Les élèves en question provenaient de deux groupes. Ceux du premier groupe avaient participé à Career Trek – programme d’intervention précoce destiné à exposer les élèves, dès la 5e et la 6e année à diverses occasions de carrière accessibles au terme d’études postsecondaires –, tandis que ceux du groupe de contrôle n’avaient pris part à aucun programme d’information sur les carrières.

L’objectif du projet (dont le titre original est L’exploration de carrières : une mise en œuvre de la théorie sociale cognitive de l’orientation chez les jeunes à risque) consistait à examiner comment l’éveil aux perspectives de carrière évolue au fil de l’adolescence. Il portait aussi sur les facteurs qui influent sur l’intérêt pour l’exploration de carrières, par exemple les parents. L’étude visait à déterminer comment des interventions adaptées au développement des élèves peuvent répondre à leurs besoins au chapitre de l’exploration de carrières.

Les faits saillants du rapport, intitulé Creating a Lifelong Career Development Model (création d’un modèle de développement de carrière à long terme), sont les suivants :

  • Intérêt : Dans le cadre de cette étude, les élèves du primaire se sont montrés plus intéressés que les élèves plus âgés par l’exploration de carrières. Ces résultats permettent de conclure à l’importance des pratiques, tant à l’école, à la maison et dans la communauté, qui favorisent et, surtout, maintiennent l’intérêt des élèves pour les perspectives de carrière en les incitant à trier les idées en fonction de ce qu’ils aiment et de ce qu’ils n’aiment pas. En outre, bien que les programmes en ligne génèrent un volume d’information extraordinaire, il ne s’agit pas nécessairement du format idéal pour sensibiliser les jeunes à l’exploration de carrières à partir de la 7e année. Pour eux, l’«action » est généralement plus pertinente et significative. C’est en effet par des activités d’apprentissage expérientiel que les enfants stimulent le plus leur intérêt pour les choix de carrière.
  • Planification : Par rapport aux élèves plus âgés, les élèves de 5e et 6e année se sont montrés plus sensibles à l’importance de la planification pour songer aux carrières possibles. La planification est une compétence incontournable dans le domaine de l’exploration de carrières. Les élèves un tant soit peu sensibilisés à la nécessité d’aborder l’exploration de carrières d’une manière structurée – en ayant un objectif bien défini qu’ils peuvent décrire et une stratégie pour l’atteindre, ou en ayant plusieurs choix de carrière devant eux et un plan pour s’orienter vers ces choix – seront plus efficaces dans la prise de décisions relatives à leur avenir professionnel.
  • Curiosité : Selon les conclusions de l’étude, le nombre d’années d’études des élèves est inversement proportionnel à leur curiosité par rapport aux carrières. Le « relâchement » qui se produit entre la 6e année et les quelques années suivantes peut limiter l’exploration et faire en sorte que l’élève ait des attentes et des aspirations irréalistes par rapport à l’avenir. Par conséquent, il convient d’adopter des interventions qui rallument la curiosité de l’élève à ce stade de son développement. Comme le souligne l’étude, le fait que les jeunes manifestent moins – ou, comme on peut le penser, pas du tout – de curiosité pour l’exploration de carrières ne doit pas être considéré comme un passage obligé de leur développement : il faut plutôt voir cette curiosité comme une tendance qui peut être maintenue ou stimulée par des interventions appropriées dans le milieu.
  • Engagement des parents : L’année d’études de l’élève joue un rôle prépondérant dans l’engagement des parents : ceux-ci sont en effet plus enclins à soutenir activement l’exploration de carrières chez leurs enfants de 5e ou 6e année que lorsque leurs enfants sont plus âgés. Cette constatation est conforme aux conclusions d’autres études, selon lesquelles l’engagement des parents tend généralement à diminuer lorsque l’élève commence l’école intermédiaire. Des parents interrogés dans le cadre de précédentes études ont par ailleurs révélé qu’ils auraient aimé eux-mêmes avoir un meilleur encadrement de leurs parents en ce qui concerne leur orientation professionnelle, mais qu’ils ne savent pas vraiment comment offrir ce type de soutien à leurs propres enfants.

Des interventions adaptées

La baisse d’intérêt pour le choix de carrière et le déclin des comportements d’exploration de carrières qui se manifestent chez l’élève dès la 7e année donnent à penser qu’une intervention plus directe serait nécessaire à l’adolescence, recommande l’étude. Il pourrait être approprié d’informer les parents que par leur engagement, ils peuvent influer sur les comportements d’exploration de carrières de leurs adolescents. De même, en collaboration avec des organismes communautaires voués à l’épanouissement des jeunes, il pourrait être judicieux d’organiser des séances éducatives à l’école pour mettre en relief les avantages que retirent les jeunes de conversations amorcées à l’initiative d’un parent et d’activités axées sur l’exploration de carrières.

Par ailleurs, la conclusion selon laquelle les élèves manifestent une baisse d’intérêt pour la planification de carrière au secondaire nous porte à croire que la stratégie actuelle de développement de carrière (qui consiste à commencer l’exploration des débouchés professionnels au cours des dernières années du secondaire) ne répond pas aux besoins des élèves. À la fin du secondaire, ils se trouvent en effet à un stade particulièrement exigeant en ce qui concerne le développement du cerveau, l’affirmation de l’identité, les relations avec les pairs et le programme scolaire. Comme le précise l’étude, cela ne signifie pas pour autant qu’il faut éviter d’aborder la question du développement de carrière à la fin du secondaire. Toutefois, cette conclusion confirme la nécessité de « faire germer » tôt l’intérêt pour l’exploration de carrières. Elle atteste également la pertinence de mettre en œuvre différentes interventions à l’intention des élèves de la fin du secondaire pour aborder les questions de nature professionnelle en tenant compte des changements qu’ils vivent sur les plans social, psychologique et du développement.

Les conclusions de cette étude sont pertinentes pour les systèmes scolaires ayant le mandat de faciliter le développement de carrière des jeunes. Elles sont aussi pertinentes pour les personnes appelées à élaborer des programmes d’études, les conclusions du projet ayant révélé que les élèves de 5e et 6e année ont une capacité nettement plus importante à prendre part à des activités d’exploration de carrières que les élèves plus âgés. Cette étude présente aussi un intérêt pour les programmes communautaires : ses résultats soulignent en effet que les activités d’exploration de carrières qui se déroulent hors du cadre scolaire peuvent constituer un moyen efficace de stimuler l’intérêt des jeunes au choix de carrière.

Le CERIC octroie des fonds pour la recherche et la mise sur pied de projets d’apprentissage en développement de carrière. Ce projet s’inscrit dans l’un des domaines prioritaires du CERIC en ce qui concerne la recherche appliquée et universitaire : l’intervention précoce pour aider à la prise de décision en matière de choix de carrière des enfants.