Cet article présente différentes façons de recruter et intégrer les personnes à besoins atypiques pour créer un partenariat gagnant entre l’employeur et l’employé

Claudia Grenier

author headshotLa pénurie de main d’œuvre qui frappe le pays depuis plusieurs années est une préoccupation constante pour la majorité des entreprises, pandémie ou pas.  Au cours des dernières décennies, certaines stratégies ont aidé à y pallier, telles que la robotisation et l’immigration, mais la menace demeure. Les employeurs doivent donc revoir leurs façons de faire en développement de talents pour combler les postes vacants. Cet article suggère une autre stratégie, pas plus coûteuse en temps et en argent, et qui met de l’avant un bassin de main d’œuvre au potentiel très intéressant : les personnes à besoins atypiques (PBA). Vous serez introduit à différentes façons de les recruter et de les intégrer pour créer un partenariat gagnant entre l’employeur et l’employé.

Qui sont les personnes à besoins atypiques (PBA)?

Ce bassin de main d’œuvre est bien présent et volontaire. Malheureusement, les personnes à besoins atypiques sont souvent victimes de rejet à cause du côté insidieux de leurs problématiques. Ici nous ne parlons pas de handicap physique (moteur, auditif ou visuel) ni de personnes vivant de la discrimination fondée sur leur religion, leur origine ethnique, la couleur de leur peau, leur orientation sexuelle, leur âge ou leur sexe. Même si la réalité de ces personnes engendre diverses problématiques d’intégration en emploi, nous abordons ici les problématiques dont les limites se situent aux niveaux biologique, social, personnel et professionnel (trouble anxieux, trouble déficitaire de l’attention, délinquance, déficience intellectuelle, trouble de la personnalité, etc). Sensibiliser les employeurs au grand potentiel de ces personnes, qui exigent une attention particulière, permettra non seulement de combler des postes vacants efficacement, mais d’amener une philosophie d’empathie à l’entreprise, ce qui risque de bénéficier à l’ensemble des employés.

Que les problématiques soient neurodéveloppementales, psychosociales ou mentales, l’unicité de chaque PBA est à la base de cette approche de recrutement et d’intégration. Par exemple, une personne avec un trouble du spectre de l’autisme (TSA) est souvent vue comme… une personne avec un trouble. Toutefois, au-delà du trouble, il y a le potentiel de la personne. L’employeur pourrait être en présence d’un employé efficace, axé sur la tâche, qui consacre entièrement son temps à une routine de travail constante. En répondant aux besoins de cette personne, l’employeur peut trouver une entente très satisfaisante pour les deux parties.

Il en va de même pour une personne ex-détenue. Les « trous » dans son CV et la stigmatisation dont elle est victime peuvent donner une image négative de son potentiel. Elle souhaite pourtant de tout cœur intégrer le marché du travail. Pour ce faire, elle a besoin d’ouverture et de bienveillance de la part de son employeur, et que celui-ci la voit au-delà de la délinquance. Mais quelles sont les forces d’une personne ayant commis des délits et « payé » pour ceux-ci? Elle peut être débrouillarde, résiliente et réagir rapidement aux imprévus et au danger. Elle a probablement un grand désir de mener une vie normale et sans histoire, après avoir été usée par la criminalité. Elle a sans doute besoin d’un coup de pouce particulier pour répondre aux attentes de l’employeur, mais si elle est bien accueillie et bien intégrée, cette nouvelle recrue a le potentiel de rendre la pareille à son employeur par sa compétence et sa loyauté.

Alors comment recruter et faciliter l’intégration des PBA? Cette approche se veut une adaptation du modèle traditionnel, de la recherche du candidat jusqu’aux premières semaines de travail. Essayer une différente approche à chaque étape permet d’avoir un résultat différent. Oser peut être payant. Voici quelques exemples de moyens différents, parfois pas plus compliqués ni plus coûteux que les moyens traditionnels.

La recherche de candidats

Outre l’affichage et les salons de l’emploi, comment dénicher des personnes volontaires mais qui n’ont pas forcément la capacité de se mettre en valeur ni de chercher un emploi? Les PBA ont parfois besoin d’un filet social pour faciliter leur quotidien, et qui dit filet social, dit communautaire. Les employeurs peuvent donc solliciter les organismes d’aide à l’emploi du territoire pour créer des alliances avec des conseillers qui connaissent bien les PBA. Ces conseillers peuvent les accompagner tout au long du recrutement en favorisant le contact avec les candidats.

L’entrevue

« Où vous voyez-vous dans cinq ans? Parlez-moi de vous. Que feriez-vous dans cette situation? » Ces questions, déjà stressantes pour un candidat régulier, peuvent être insurmontables pour une personne avec un trouble anxieux généralisé et possédant peu d’expérience positive sur le marché du travail. L’employeur peut toutefois prendre quelques minutes avant la rencontre pour lui faire visiter le milieu. Ce court moment peut permettre au recruteur de poser des questions non menaçantes sur l’expérience de la personne avec certains outils de travail, par exemple. Ce contexte peut être beaucoup plus révélateur du potentiel de la personne que celui de l’entrevue traditionnelle.

L’arrivée en poste

Former la personne adéquatement est une chose. L’accompagner dans son quotidien jusqu’à ce que ses repères soient bien ancrés en est une autre. À ce titre, le mentorat interne est une façon efficace de s’assurer qu’une personne à besoins atypiques a tous les outils pour s’intégrer rapidement. Le mentor peut ainsi lui présenter ses tâches, son environnement, ses collègues et les habitudes du milieu de travail, en plus de répondre à ses différentes questions. Dans plusieurs entreprises, cette formule est rassurante et favorable au maintien en emploi du nouvel employé.

Les descriptions de tâches

Pourquoi ne pas adapter la description de tâches à la réalité de ses nouveaux employés? Certaines personnes ont de la facilité à lire et sont sécurisées par les détails. Elles apprécieront donc la version détaillée. D’autres, moins enthousiastes envers la lecture, seront plus à l’aise avec la version abrégée. Enfin, celles qui ne lisent pas (ou difficilement) et qui sont plus interpelées par les images apprécieront une version filmée (ou dessinée, ou en photos). Cette stratégie requiert un peu plus de travail initial de la part de l’employeur, mais elle fait gagner du temps à tout le monde au bout du compte.

Vous voyez? Il est possible de réinventer toutes les étapes du recrutement et de l’intégration, et de les adapter à chaque candidat pour qui le moule traditionnel ne convient pas. Par ailleurs, hormis un peu de temps, aucune des stratégies mentionnées n’implique de cout financier. En ce sens, ce bassin de main d’œuvre potentielle gagne à être connu. C’est à tort qu’on se sent intimidé face à leur réalité : les compétences des personnes à besoins atypiques dépassent bien souvent les contraintes. Et pour les employeurs, il y a une foule d’autres stratégies à découvrir et à appliquer pour les recruter et les intégrer de façon profitable. Il suffit d’être ouvert et de s’informer!

Claudia Grenier, conseillère d’orientation, travaille depuis 2007 chez Trajectoire-emploi, à Lévis, auprès d’une clientèle universelle, typique ou atypique. Elle est la rédactrice du guide « Différents et compétents, recruter et intégrer des personnes à besoins atypiques » (Septembre Éditeur, 2021).

Références

Grenier, C. (2021). Différents et compétents : recruter et intégrer des personnes à besoins atypiques. Septembre Éditeur. septembre.com/livres/differents-competents-1734.html