Par Mathieu Pinault (Cannexus12 – Lauréat du prix GSEP) 

Quel conseiller, surtout parmi ceux travaillant avec des jeunes adultes, ne s’est jamais retrouvé devant une personne passionnée de jeux vidéos en se disant que cela allait rendre la démarche d’orientation plus difficile? En effet, dans une société où le travail et la productivité sont des valeurs bien ancrées (Mercure et Vultur, 2010), il vient un stade où celui qui perd son temps à jouer à des jeux vidéos est perçu comme un adulte demeuré prisonnier du monde imaginaire de l’enfance, un « attardé » pour reprendre les propos peu élogieux de certains auteurs (Lafrance, 2006). Dans une telle situation, les conseillers passent souvent très rapidement à un autre sujet de discussion et se privent du coup d’une belle occasion de mieux connaître qui ils veulent aider. Et s’ils apprenaient à s’en servir comme un outil de connaissance de soi? 

Une erreur assez fréquente commise par ceux qui s’y connaissent moins en jeux vidéo est de les mettre tous dans le même panier. Or, il peut être extrêmement intéressant de savoir quels sont les types de jeux que préfère la personne aidée. À cet effet, plusieurs classifications des jeux vidéo ont été effectuées, mais celle de Lafrance (2006) se montre particulièrement intéressante puisqu’elle se base sur les principales habiletés employées par le joueur lors de l’activité ludique1. Il y a les jeux physiques ou d’action, qui sollicitent principalement les habiletés manuelles, la dextérité et les réflexes. Ce sont les jeux de sports et les jeux de tirs à la première personne (First Person Shooter). Ensuite, il y a les jeux intelligents, c’est-à-dire ceux qui exploitent les aptitudes de résolution de problèmes et dans lesquels il y a plusieurs énigmes à résoudre. Finalement, il y a les jeux de rôles, de simulation et de stratégie qui demande d’être capable de se mettre dans la peau d’un personnage et de le faire évoluer dans une histoire. Par exemple, toute la famille des Sims, où le principal but du jeu est de faire vivre son avatar (le faire dormir, manger, travailler, se divertir, socialiser, etc.), représente l’exemple typique de ce dernier groupe de jeu. Le groupe de jeux favori de la personne qui désire s’orienter peut en dire long sur le type d’activités qu’elle préfère en général, voire sur les métiers qu’elle pourrait potentiellement aimer : un emploi qui bouge constamment pour l’amateur de jeux physiques ou d’action; un travail qui comporte beaucoup de résolution de problèmes pour celui qui adore les jeux intelligents; un métier où il faut être capable de se mettre dans la peau des autres et être empathiques pour l’amateur de jeux de rôles, de simulation et de stratégie. 

Évidemment, l’orientation d’un jeune ne doit, en aucun temps, se baser uniquement sur les jeux vidéo que ce dernier affectionne particulièrement. Par contre, ceux-ci peuvent représenter une porte d’entrée intéressante pour ouvrir le dialogue avec un amateur de jeux vidéo qui n’a pas vraiment d’expériences de travail significatives. Bref, au lieu de considérer ce divertissement comme une perte de temps et de ne pas pousser l’investigation plus loin, les conseillers d’orientation auraient avantage à poser quelques questions simples pour lui donner un sens. À quels jeux joues-tu? Qu’est-ce que tu y apprécies particulièrement? Quelles habiletés cette pratique développe-t-elle chez toi? Sinon, c’est une expérience riche en informations quant à la connaissance de soi qui se trouve mise de côté… 

1 Avec les progrès technologiques, les producteurs peuvent de plus en plus concevoir des jeux vidéo qui amalgament les caractéristiques des trois différents groupes proposés par Lafrance (2006). Cependant, il y a généralement un aspect du jeu qui prédomine sur les autres. Donc, le classement demeure tout de même possible. 

Mathieu Pinault, c.o. est doctorant en sciences de l’orientation à l’Université Laval. Membre-étudiant au CRIEVAT, ses recherches portent sur la construction identitaire dans les jeux de rôles en ligne massivement multijoueurs chez les jeunes adultes vivant des difficultés d’insertion socio-professionnelle. Pour plus d’informations sur le sujet, vous pouvez communiquer avec lui au: mathieu.pinault.1@ulaval.ca. 

Référence: 

Lafrance, J.-P. (2006). Les jeux vidéo : à la recherche d’un monde meilleur, Paris, Lavoisier . 

Mercure, D., & Vultur, M. (2010). La signification du travail : Nouveau modèle productif et ethos du travail au Québec, Québec, Presses de l’Université Laval.