par Nathalie Perreault pour OrientAction

Entrevue avec Mme Christine Cuerrier, c.o.

Christine Cuerrier est chargée d’affaires professionnelles, pour la section orientation de l’Ordre des conseillers et conseillères d’orientation et des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec (OCCOPPQ) et responsable de la conception et de l’implantation du programme de mentorat pour ses membres. De 2001 à 2003, elle a été directrice d’une recherche pancanadienne sur les pratiques de mentorat au Canada, qui a conduit à la publication du livre Le mentorat et le monde du travail au Canada : Recueil des meilleures pratiques ainsi que de cinq guides pratiques sur le même sujet aux éditions de la Fondation de l’entrepreneurship. Elle a également reçu le prix Mentoras 2004 décerné par la Fondation de l’entrepreneurship.

Christine Cuerrier est chargée d’affaires professionnelles, pour la section orientation de l’Ordre des conseillers et conseillères d’orientation et des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec (OCCOPPQ) et responsable de la conception et de l’implantation du programme de mentorat pour ses membres. De 2001 à 2003, elle a été directrice d’une recherche pancanadienne sur les pratiques de mentorat au Canada, qui a conduit à la publication du livre Le mentorat et le monde du travail au Canada : Recueil des meilleures pratiques ainsi que de cinq guides pratiques sur le même sujet aux éditions de la Fondation de l’entrepreneurship. Elle a également reçu le prix Mentoras 2004 décerné par la Fondation de l’entrepreneurship.

OrientAction (OA) : Nous assistons depuis quelques années à une montée de popularité pour tout ce qui s’apparente au « coaching », au parrainage ou au mentorat. Comment expliquez-vous l’émergence du phénomène de mentorat aujourd’hui?

Christine Cuerrier (CC) : C’est premièrement un phénomène démographique : la composition de la main-d’œuvre active, formée dans une grande proportion par les « baby boomers », combinée à la réingénierie de plusieurs grands secteurs d’activités ont provoqué le départ d’une main-d’œuvre qualifiée qui possède les savoirs, le savoir-faire et le savoir-être. Ce phénomène a fait réaliser l’importance de gérer la relève et de favoriser les transferts intergénérationnels des connaissances.
De plus, la formation, le développement et la mise à jour des compétences des personnes en général et des travailleurs en particulier doivent rester constants et efficaces pour que les organisations atteignent leurs objectifs, restent rentables et soient à la fine pointe des exigences de leur marché respectif. C’est pourquoi ces formes de soutien et d’apprentissage, plus expérientiels que la formation traditionnelle, se développent dans les divers milieux préoccupés par le développement de compétences. On peut souhaiter aussi que la gestion plus humaine des ressources en soit à revaloriser la relation humaine afin de favoriser l’engagement et le sentiment d’appartenance.

OA : Dans quels contextes retrouve-t-on des projets de mentorat?

CC : On retrouve des programmes de mentorat à l’interne dans les plus ou moins grandes entreprises pour répondre à des besoins de gestion des ressources humaines comme la gestion de la relève, l’intégration des nouveaux, le développement de compétences, etc. On retrouve aussi des programmes de mentorat dans les milieux de l’éducation, les associations à but non lucratif ou les associations professionnelles (ordres, etc.) pour des visées qui concernent le soutien à l’insertion professionnelle, à l’entrepreneuriat, la planification de carrière, l’intégration des jeunes, etc. Le genre d’organismes, les objectifs et les clientèles visés, et les environnements dans lesquels fonctionnent les programmes de mentorat sont donc très variés. C’est pourquoi la structure des programmes varie beaucoup en fonction de ces éléments.

OA : Quelle distinction devrions-nous faire entre le « coaching », le parrainage et le mentorat?

CC : Un des guides pratiques mentionnés plus haut, le Répertoire de base, a abordé ces distinctions, car on a observé beaucoup de confusion par rapport à ces différents concepts qui, ceci étant dit, représentent tous des formes d’aide et de développement. Je vous réfère donc aux distinctions du guide :

  • Le coaching : Gendron et Faucher (2002) mettent l’accent sur l’aspect organisationnel du coaching en le définissant comme suit : « Le coaching est un mode de gestion et d’interaction qui vise l’atteinte des objectifs de l’entreprise en suscitant l’engagement et l’empowerment des employés et des équipes de travail et en améliorant leur performance ». Le mentorat  vise d’abord à répondre aux besoins personnels et professionnels de l’employé, lesquels ne se limitent pas à l’amélioration de sa performance, au développement de ses compétences ou à l’amélioration de son efficacité personnelle, comme le coaching.
  • Le parrainage : Un parrain peut être un actif défenseur et un fougueux motivateur pour plusieurs personnes; il peut agir au niveau du financement d’une équipe sportive et, en même temps, instaurer un système de bourses dans une institution scolaire. Ses seules contraintes sont le temps et la limite à sa générosité. Dans une organisation, les rôles du parrain concernent notamment l’introduction de leurs protégés dans les sphères d’influence, la recommandation aux personnes-clés d’une organisation, le soutien politique et l’initiation aux règles du jeu plus implicites.
  • Le mentorat est une forme d’aide volontaire favorisant le développement et l’apprentissage, basée sur une relation interpersonnelle de soutien et d’échanges dans laquelle une personne d’expérience investit sa sagesse acquise et son expertise, afin de favoriser le développement d’une autre personne qui a des compétences à acquérir et des objectifs professionnels à atteindre.

Ainsi, le coaching concerne plus précisément le développement de compétences (savoir-faire) dans le but d’améliorer les performances de l’individu; le parrainage concerne le soutien politique et/ou financier d’une élite choisie, tandis que le mentorat se traduit par le développement d’une relation privilégiée, gratuite et à long terme entre le mentor et son mentoré et cible l’individu dans sa globalité (savoir-faire, savoir-être et projet de vie).

OA : Quels sont les principaux bénéfices recherchés par les mentors et les mentorés dans une telle relation?

CC : La sécurité professionnelle, la consolidation de son identité, la valorisation et l’augmentation de l’estime de soi, le développement de compétences, la confrontation réciproque des pratiques et des idées par la réception de rétroactions honnêtes, la proposition de défis, et la précision du projet de vie dans une visée à long terme. Le mentorat est une relation qui devient réciproque; alors, plusieurs de ces bénéfices sont ressentis par le mentor autant que le mentoré, même si on sait que la relation mentorale se centre d’abord et avant tout sur les besoins du mentoré. Le mentor en est souvent à une étape de son développement qui lui fait ressentir le besoin de transmettre, léguer; le mentorat est alors un moyen très valorisant pour satisfaire ce besoin!

OA : Quelles sont les principales difficultés rencontrées dans les projets de mentorat?

CC : Assurer la pérennité, car la majorité des programmes de mentorat fonctionnent avec peu de moyens (financiers et ressources), avec des coordonnateurs qui peuvent investir moins de 20 % de leur temps à la gestion de leur programme. De plus, s’ils n’obtiennent pas clairement le soutien de leur organisation, ils ont de la difficulté à maintenir le développement de leur programme, à faire un suivi adéquat des dyades et assurer une évaluation et une amélioration continue.

OA : Que retenez-vous des expériences de mentorat que vous avez observées au Canada?

CC : Les distinctions se situent surtout dans la structure des programmes de mentorat mis en place à l’interne dans une organisation (GRH), comparée aux programmes qui se dirigent vers la communauté; l’analyse des besoins, la formation et l’encadrement sont plus formalisés dans les programmes à l’interne. Ceux-ci souhaitent par ailleurs obtenir plus d’outils sur le retour sur l’investissement, car ils doivent rendre des comptes sur leur efficacité de façon plus pointue. Les programmes de mentorat mis en place dans les zones rurales présentent aussi un niveau informel plus grand que les programmes des zones urbaines, car « tout le monde connaît tout le monde » et chacun aime bien se prendre en main sans avoir besoin de « l’aide » de quelqu’un d’autre …
Il se trace aussi de nouvelles tendances : l’utilisation des nouvelles technologies qui brisent l’isolement et facilitent les communications dans les régions éloignées, le tri mentorat (le mentor est jumelé à un mentoré, qui lui-même est le mentor d’un plus jeune (moins expérimenté)), et l’utilisation de Champion (personnage connu) ou de Chef mentor (leader), pour donner de la notoriété et faciliter le recrutement.
Mais de façon générale, des coordonnateurs passionnés, des participants qui y croient et des pratiques de haute qualité.

OA : Quels seraient les ingrédients essentiels pour favoriser la réussite d’un projet de mentorat?

CC : Souplesse, volontariat, confidentialité, comme valeurs fondamentales; bonne analyse des besoins, formation des participants, suivi des dyades et évaluation de la qualité de la relation mentorale : ce sont les conditions gagnantes mises en évidence par notre recherche.

OA : Comment ce modèle pourrait-il inspirer des conseillers qui travaillent dans différents secteurs?

CC : Le modèle de référence et les outils proposés dans les publications de la Fondation de l’entrepreneurship nous assurent que ce qui s’appellent mentorat l’est vraiment (les confusions avec le coaching, le parrainage, le tutorat sont fréquentes….) et que les programmes mis en place, s’ils suivent les étapes d’implantation suggérées par le modèle, respectent les règles de l’art, ont des ressources adéquates, et répondent à des besoins bien définis afin de faciliter l’évaluation des programmes. Les conseillers peuvent appliquer le mentorat pour répondre à divers besoins, tels le développement de carrière, l’insertion professionnelle, la gestion de la relève, le développement de compétences, l’intégration professionnelle, etc. et ce, quel que soit leur milieu de travail (communautaire, éducation, entreprises privées, fonction publique, etc.) ou leurs clientèles, jeunes, adultes, immigrantes, etc. C’est une ressource importante pour toute personne qui s’intéresse à la question, qui facilite le marketing du concept dans une organisation ou une communauté, et qui suggère des principes d’application rigoureux et gagnants.

OA : Dans quelle mesure les conseillers seniors pourraient-ils guider les nouveaux conseillers ou les futurs conseillers dans leur propre développement de carrière?

CC : Par exemple, le programme de l’Ordre professionnel des conseillers et conseillères d’orientation et des psychoéducateurs, psychoéducatrices du Québec visent deux objectifs : faciliter l’intégration des jeunes professionnels dans leur nouveau milieu de travail, et faciliter la transitions pour les professionnels qui changent de secteurs de pratique. Le programme suggère aux dyades une formule d’entente mutuelle, des règles d’éthique et un mode de fonctionnement qui contribuent à combler les attentes du mentoré. Les conseillers seniors sont bien placés pour apporter plus de sécurité professionnelle à un jeune qui débute, l’aider à identifier ses forces et ses limites, l’encourager devant les nouveaux défis, le confronter dans ses pratiques, ses choix et les décisions qu’il prend; le jeune professionnel a besoin de ce miroir, de ce reflet et de ce soutien, car il est souvent isolé dans son milieu, avec peu de temps et de possibilité pour obtenir rétroaction et conseils. Cette aide lui assure de ne pas toujours référer au mode d’apprentissage par essais et erreurs! Et pour le mentor, c’est le retour du pendule, le legs de sa sagesse et de son expertise souvent acquises avec acharnement, et c’est une forme de développement professionnel qui s’inscrit bien dans l’étape du mitan de la carrière!

 

Nathalie Perreault est conseillère d’orientation et elle travaille depuis 1998 à la conception et au développement d’outils Internet dans le domaine de l’orientation, de la formation, de l’emploi et des ressources humaines (ex. : MonEmploi.com et REPÈRES Internet). Elle a également rédigé plusieurs courts articles destinés au grand public, dont les chroniques Vigie Carrière publiées dans les quotidiens La Presse et Le Soleil entre mai 2001 et mai 2002. La Société GRICS lui a confié le mandat de superviser le développement du site OrientAction en collaboration avec l’équipe de Contact Point et avec la participation de plusieurs acteurs liés au domaine du développement de carrière de partout au Canada. Courriel : admin@orientaction.ca