Note de l’éditrice
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21 janvier, 2013Comment animer des ateliers de recherche d’emploi qui rencontrent les besoins réels des personnes immigrantes formées à l’étranger
Il existe un angle mort qui fait en sorte que la personne immigrante formée à l’étranger ne comprend pas quand vient le moment de s’orienter sur l’autoroute du marché du travail nord-américain, et l’essentiel des services d’employabilité consisterait à lui montrer cet angle mort lors des ateliers de recherche d’emploi. Tant que la personne immigrante ne prend pas conscience de l’existence de cet angle mort, certains aspects des exigences du marché du travail passeront inaperçus. Jamais ces personnes ne sauront comment ces exigences s’appliquent sur leurs objectifs de carrière. Nous parlons ici de la barrière d’incompréhension interculturelle.
L’objectif de notre article est ainsi de questionner l’efficacité des services d’emploi offerts aux personnes immigrantes, d’en montrer les lacunes et de proposer une façon effective d’animer des ateliers de recherche d’emploi qui rencontreront les besoins réels des personnes immigrantes formées à l’étranger.
Des ateliers incompréhensibles pour des personnes formées à l’étranger
Les ateliers offerts aux personnes immigrantes se présentent sous forme de cours intensifs, souvent de trois à quatre semaines, et présentés pendant environ six heures par jour. On y enseigne comment rédiger un curriculum vitae gagnant, comment contacter les employeurs et comment se préparer pour une entrevue avec eux, comment contacter et élargir ses réseaux de contact, bref, tout le processus nécessaire pour trouver un emploi. On s’attendrait donc à ce que les personnes formées à l’étranger, souvent très scolarisées du reste, n’éprouvent pas de difficultés à se trouver un emploi. Cependant, beaucoup d’entre elles ne trouvent pas le travail recherché ou finissent dans des jobs pour lesquelles elles sont surqualifiées, à l’exemple des médecins qui conduisent des taxis ou des ingénieurs qui gèrent de petits magasins de quartier. De quoi conclure qu’il y a un problème quelque part. Mais lequel? C’est ce à quoi nous tentons de répondre dans les lignes qui suivent.
Trois études concluent à l’inefficacité des services d’employabilité
Le succès d’une personne immigrante formée à l’étranger sur le marché du travail nord-américain dépend de notre capacité à l’aider à comprendre de quelle façon les exigences des employeurs s’appliquent sur ses objectifs de carrière. L’expérience canadienne ou, dans nos mots à nous « la compréhension à la lumière canadienne », est ce qui est considéré comme important par les employeurs, et toute préparation d’une personne immigrante à accéder au marché du travail suppose qu’on la prépare à comprendre le contenu de cet environnement tel que décrit par les employeurs. Vraisemblablement, selon trois études citées ci-dessous, ce n’est pas ce qui arrive sur le terrain.
a) Incapacité des personnes immigrantes à présenter leurs compétences dans une entrevue
Un rapport du Environics Research Group rapporte que des employeurs se sont plaints que « quand bien même des immigrants présenteraient d’excellents curriculum vitae avec d’excellentes qualifications, ils ne pourraient pas les embaucher, car, souvent, les immigrants sont incapables de bien présenter leurs compétences dans une entrevue d’embauche ». (Environics, Bringing employers into the immigration debate, Fall 2004)
b) Des ateliers sur la recherche d’emploi trop génériques
Dans un autre rapport, l’étude de CIITE conclut que « beaucoup de programmes offerts aux immigrants sont très génériques et ne prennent pas en compte les spécificités des professions. Les connaissances et les expériences antérieures soutenues par les personnes immigrantes sont dépourvues du contexte du marché du travail (nord-américain) et sont souvent offertes par des non-spécialistes ». (CIITE, Understanding the employment service needs)
c) Manque de compréhension culturelle comme barrière majeure à l’employabilité
Enfin, un article de Ross Finie statue que « le manque de compréhension culturelle constitue la barrière majeure à l’employabilité des personnes formées à l’étranger. Quand bien même la personne immigrante aurait les qualifications et les compétences exigées, la compréhension exacte de ce que l’employeur cherche est, quant à elle, trop souvent absente ». (Ross Finie, Bringing immigrants up to speed)
Comment animer des ateliers de recherche d’emploi qui rencontrent les besoins réels des personnes immigrantes
Faciliter l’adaptation d’une personne immigrante formée à l’étranger, c’est d’abord et avant tout l’informer de sorte qu’elle comprenne tout ce qu’il lui faudra faire, et ce, de façon autonome. Sans cette compréhension, la personne immigrante, fut-elle médecin ou ingénieur dans son pays d’origine, s’en trouve dépourvue des capacités nécessaires pour pouvoir conduire sa propre recherche d’emploi. Pour ce faire, aider une personne immigrante à s’orienter sur le marché de l’emploi suppose qu’on la considère comme un étranger à qui l’on apprend à conduire, pour la première fois, et sur une autoroute à plusieurs voies. Lui apprendre l’existence de l’angle mort est non seulement utile mais aussi vital.
Pour que les ateliers de recherche d’emploi actuellement offerts aux personnes immigrantes puissent atteindre leurs objectifs, il faudrait que ceux-ci s’attèlent à accomplir deux choses en concentrant leurs efforts pour :
a) Aider la personne immigrante à s’affranchir de la barrière d’incompréhension interculturelle.
b) Éviter à la personne immigrante de tomber dans un autre piège et deuxième barrière, c’est-à-dire celui d’avoir l’impression d’avoir compris et la conviction de posséder toute l’information alors qu’il n’en est rien.
C’est souvent ce dernier qui anéantit chez les personnes immigrantes tout effort d’améliorer leur score au niveau de l’intégration dans la société canadienne et qui leur fait perdre des années pendant lesquelles elles auraient pu travailler (si elles avaient su avant), occasionnant dans la plupart des cas un sentiment d’incapacité et de déception tout à la fois, qui font s’évaporer tous les espoirs qu’elles avaient eus au moment d’être admises au Canada.
Fréderic Nzeyimana est titulaire d’une maitrise en Anthropologie de l’Université de Montréal et travaille présentement comme spécialiste en employabilité chez JVS Toronto. Il possède dix années d’expérience de travail dans des programmes d’intégration des immigrants autant sur le marché du travail qu’en milieu scolaire. Chercheur passionné des questions qui touchent aux problèmes d’intégration des immigrants, Frédéric est auteur d’un guide sur l’intégration des nouveaux arrivants dans les écoles. Courriel : fredericn35@sympatico.ca