Par Deirdre Pickerell

Une réflexion sur 10 tendances passées et futures en développement de carrière au Canada

À l’occasion du 10anniversaire du CERIC, il me semble opportun de réfléchir à l’évolution du secteur du développement de carrière au cours des dernières années ainsi qu’à son avenir. À cet égard, voici 10 tendances en développement de carrière que nous avons recensées, ma collègue Roberta Neault, spécialiste en stratégies de vie, et moi-même, alors que nous étions en route vers Winnipeg, où nous devions travailler avec des intervenants en développement de carrière. Ces tendances sont présentées sans ordre particulier. À chaque lecteur de déterminer les plus pertinentes.

1.  Certification/professionnalisation

Ces 10 à 15 dernières années, des efforts ont été déployés pour hausser le niveau de professionnalisme des intervenants en développement de carrière, et de nombreuses régions ont établi des certifications. Il existe de multiples certifications/accréditations générales (p. ex., intervenant en développement de carrière certifié en Alberta et en Colombie-Britannique, Certified Employment Strategist, Certified Career Strategist, Global Career Development Facilitator-Canada et intervenant en orientation scolaire et professionnelle). Il existe aussi des certifications spécialisées pour les prospecteurs d’emplois et les stratèges en entrevue et en curriculum vitae, ainsi que diverses spécialités dans le domaine de l’évaluation (p. ex., les dimensions de la personnalité, l’indicateur de types psychologiques Myers-Briggs et l’inventaire des intérêts professionnels Strong), dont certaines sont parmi les premières auxquelles ont pu accéder les intervenants en développement de carrière. Outre ces certifications, les intervenants en développement de carrière sont appelés à suivre une formation continue, car ils ne doivent pas négliger leur développement professionnel dans l’exercice de leurs fonctions auprès des clients.

2.  Formation et éducation continue

Les intervenants en développement de carrière ont accès à une vaste gamme de formules de formation et de développement professionnel. Grâce à diverses technologies, ils peuvent perfectionner leurs connaissances, partout et en tout temps, grâce à des webinaires en direct réguliers, à des programmes de téléapprentissage interactifs, et même à des présentations PowerPoint commentées, consultables à volonté. Comme les séances en personne sont encore très en demande, les établissements d’enseignement demeurent nombreux à offrir des cours en face à face, des éducateurs se rendent chez des fournisseurs de services régionaux pour offrir une formation personnalisée, et des associations professionnelles offrent des conférences, des journées de formation et des symposiums. Les intervenants en développement de carrière n’ont jamais eu autant d’occasions de développement professionnel.

3.  Technologie

Les progrès technologiques continuent d’avoir une incidence déterminante sur le travail des intervenants en développement de carrière. Des données fiables et à jour sont maintenant accessibles d’un simple clic, et les clients technos disposent de plus en plus d’informations et comptent sur les intervenants en développement de carrière pour les aider à en faire le tri. De plus, de nouveaux services de consultation et de coaching en ligne se présentent comme des solutions de rechange intéressantes aux modèles de service traditionnels sur lesquels s’appuient encore de nombreux intervenants en développement de carrière. Enfin, les médias sociaux sont sans nul doute l’avancée technologique la plus marquante. Facebook, LinkedIn, Twitter, Instagram et Pinterest ne sont que quelques-uns des outils liés aux médias sociaux qui transforment la façon de travailler des intervenants en développement de carrière et leur posent des questions d’ordre éthique, auxquelles il n’y a pas de réponses simples.

4.  Décalage des compétences

Devant l’émergence de nouvelles compétences et la transformation de leur travail, certains intervenants en développement de carrière constatent un décalage entre leurs compétences acquises et celles qui sont maintenant requises dans le cadre de leur travail. C’est ce qui ressort d’une étude menée en 2013 auprès d’intervenants en développement de carrière de la Colombie-Britannique. Cette dernière a en effet montré que les intervenants en développement de carrière se sentaient dépassés devant la nécessité de s’ajuster au nouveau modèle de prestation de service, et d’autre part sous-utilisés du fait que leurs principales compétences n’étaient plus valorisées.

5.  Nouvelles théories et nouveaux modèles

Même si de nombreuses théories traditionnelles du développement de carrière conservent la cote (p. ex., espace de vie et durée de vie de Super, profil RIASEC de Holland), les intervenants en développement de carrière doivent se familiariser davantage avec un grand nombre de nouvelles théories et les intégrer à leur pratique. Mentionnons la théorie du chaos professionnel de Bright et Pryor, la théorie de la sérendipité de Krumboltz, la planification intégrée vie-carrière de Hansen et la théorie des systèmes relative au développement de carrière de Patton et McMahon. Maints intervenants en développement de carrière pourraient également s’inspirer de modèles de développement de carrière, dont celui de l’orientation professionnelle fondée sur la culture d’Arthur et Collins, du cheminement de carrière de Niles et Amundson et de l’engagement professionnel de Neault et Pickerell. Certains de ces modèles ont été présentés dans le numéro de décembre 2011 du Journal of Employment Counseling, intitulé « Special Thoughts on Theories ». On ne peut passer à côté de ce numéro, qui contient 13 articles rédigés par certains des plus éminents chercheurs en développement de carrière.

6.  Importance de la diversité

Pendant de nombreuses années, les intervenants en développement de carrière ont eu tendance à travailler avec un groupe précis de clients, p. ex. les jeunes, les travailleurs âgés, les immigrants ou les personnes handicapées. Cependant, dans certaines régions, la tendance est de plus en plus au modèle du guichet unique, de sorte que les intervenants en développement de carrière doivent travailler avec différentes clientèles. Dans ce contexte, ces derniers doivent avoir une connaissance de base des préoccupations les plus courantes de chacune des clientèles et savoir comment y répondre. Il existe en outre une tendance connexe à la conceptualisation de la diversité. Aujourd’hui, les intervenants en développement de carrière reconnaissent les vastes différences entre les clientèles, au-delà de la race ou de l’origine ethnique, et tiennent compte de facteurs comme la religion, les caractéristiques physiques, l’orientation sexuelle, le lieu géographique, les antécédents scolaires et la situation socioéconomique.

7.  Carrières internationales

Certains intervenants en développement de carrière doivent composer avec la mobilité de la main-d’œuvre à l’échelle mondiale. Ils voient les nouveaux arrivants au Canada comme des immigrants (c’est-à-dire des personnes désireuses de s’y enraciner, d’en faire leur lieu de résidence à long terme et d’y fonder une famille) et conçoivent des services en fonction de cette perception. Cependant, la tendance actuelle est de situer le travail dans le cadre de l’économie mondiale. Et un grand nombre de nouveaux arrivants envisagent probablement une carrière à l’échelle internationale. Ils vont là où il y a du travail et, si le Canada ne peut ou ne veut reconnaître leur formation et leurs compétences professionnelles, ils iront ailleurs.

8.  Développement de carrière en milieu de travail

Ce n’est que depuis cinq à sept ans que le développement de carrière semble être devenu un élément clé de la stratégie de gestion du personnel des entreprises. Cela pourrait être dû, en partie, aux récentes études montrant que le développement de carrière soutenu par l’employeur est un facteur clé de l’engagement des employés. Même si la tendance veut que les employeurs offrent des services de développement de carrière à leurs employés, la plupart de ces services sont offerts par des professionnels des ressources humaines et des conseillers en développement organisationnel, et non par des intervenants en développement de carrière. Même s’ils ont les connaissances requises, nombre d’intervenants en développement de carrière comprennent mal le langage des affaires et ne sont pas suffisamment outillés pour naviguer dans l’univers des entreprises.

9.  Pratique fondée sur les données probantes

Grâce, du moins en partie, au Groupe de recherche canadien (GDRC) sur la pratique en développement de carrière fondée sur les données probantes, les intervenants en développement de carrière sont sensibilisés plus que jamais à l’importance de faire la démonstration de la valeur des services qu’ils offrent. Plus important encore, le cadre de travail élaboré par le GRDC offre une structure permettant de montrer l’incidence des services fournis au-delà des données que pourrait exiger un organisme subventionnaire (p. ex., nombre de clients ayant trouvé un emploi).

10.  Évaluation

Selon de récentes études, les intervenants en développement de carrière s’intéressent à la formation en évaluation et reconnaissent en avoir besoin. Cependant, il semble régner une certaine confusion quant à ce que recouvre le terme. Pour certains, il s’agit d’un test ou d’un outil (p. ex. l’inventaire des intérêts professionnels Strong et l’indicateur de types psychologiques Myers-Briggs), alors que, pour d’autres, il s’agit d’un processus permettant de déterminer les besoins des clients. Dans l’avenir, les intervenants en développement de carrière devront connaître les deux aspects (c.-à-d., d’un côté, les outils d’évaluation qui sont à leur disposition ainsi que la façon de bien les choisir et utiliser et aussi d’interpréter correctement les résultats et, de l’autre, le processusd’évaluation permettant de cerner rapidement les besoins des clients).

Il y a certainement d’autres tendances pertinentes à découvrir dans le secteur névralgique du développement de carrière. Et l’on peut trouver beaucoup d’informations sur chacune des tendances dont j’ai parlé ici. J’espère que les lecteurs voudront en savoir davantage. C’est une période extrêmement emballante pour tous ceux qui œuvrent dans le développement de carrière au Canada.

 

Deirdre Pickerell, Ph. D., conseillère en ressources humaines agréée, GCDF-i, compte plus de 20 ans d’expérience dans les secteurs du développement de carrière, de l’éducation des adultes et de la gestion des ressources humaines. Elle s’est distinguée dans le domaine du développement de carrière, à l’échelle locale, nationale et internationale, par la conception de programmes novateurs ainsi que par une généreuse contribution au chapitre du leadership, des services de consultation et du mentorat. Elle est récipiendaire du prix Stu Conger 2014 de leadership en développement de carrière et en orientation professionnelle.

Les tendances en développement de carrière : commentaires des membres des communautés en ligne ContactPoint et OrientAction

Laura Dutton, Toronto @youthoughtright : Une tendance majeure/un problème majeur aujourd’hui est le SOUS-emploi des jeunes. Dans les médias, on parle beaucoup de chômage chez les jeunes, mais je crois que le sous-emploi est un problème encore plus grave.

Kelly Boucher, Kitchener @kellyboucher : Les médias sociaux, comme bien d’autres activités et services virtuels, ont eu (et auront) une incidence majeure sur le secteur du développement de carrière.

Cathy Keates, Kingston @ckeates : Une tendance importante est le fait que l’on parle de plus en plus de la santé mentale et de son incidence sur le développement de carrière ainsi que de sa relation avec ce dernier. La question de la santé mentale comporte plusieurs aspects – par exemple, chez nos étudiants, nous voyons un niveau d’anxiété élevé en ce qui a trait à leur avenir ou leur carrière, et les problèmes de santé mentale rendent difficiles la recherche d’emploi et l’exploration de carrière.