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17 octobre, 2014Par Tom Staunton
De plus en plus d’emplois sont remplacés par des robots, et cela pourrait devenir un problème de justice sociale
« L’automatisation, c’est Voldemort : la force terrifiante dont personne ne veut prononcer le nom », a commenté un répondant dans le cadre d’un sondage effectué récemment par Pew Institute. Terrifiante, à quel point de vue? « Je ne suis pas certain que les emplois vont complètement disparaître », a observé un autre participant à ce sondage, « mais les emplois qui subsisteront seront moins bien rémunérés et moins stables que les emplois d’aujourd’hui. » La peur que suscitent les effets de la technologie sur le marché de l’emploi nous semble peut-être nouvelle, mais les perceptions de ce genre s’inscrivent dans une riche tradition qui remonte aux luddites.
Les luddites et le marché du travail en mutation
Les luddites sont des artisans du XIXe siècle qui se révoltèrent contre la mécanisation de l’industrie textile britannique en attaquant et en détruisant la machinerie qui, selon eux, remplaçait leur main-d’œuvre qualifiée.
Il devient de plus en plus évident que les luddites, même si ce mot comporte une connotation négative, avaient vu juste : les avancées de la technologie et de l’automatisation détruisent des emplois. Tout comme l’invention du métier à tisser mécanique a réduit le recours aux tisserands, l’invention du moteur a eu des répercussions sur une foule d’emplois associés aux chevaux, et l’Internet réoriente la vente en magasin vers le commerce en ligne, ce qui transforme visiblement le marché de l’emploi.
Nous sommes encore en train de reprendre notre souffle après avoir pris conscience des bouleversements créés par l’Internet sur le marché du travail, mais la deuxième phase de cette révolution nous touche déjà. L’impact des progrès de la robotique suscite des inquiétudes de plus en plus vives. Dans un TEDTalk en 2013, Andrew McAfee a prédit que la progression rapide des capacités des robots mettrait en péril une foule d’emplois traditionnels. Réfléchissez à ce que la voiture sans conducteur de Google peut représenter pour les chauffeurs de taxi et les travailleurs des services de transport en commun. Que signifiera l’avènement de Siri pour le service à la clientèle? Que signifiera l’aspirateur-robot Roomba pour le personnel d’entretien ménager? Je suis un peu surpris que des gens travaillent encore dans les cuisines des établissements de restauration rapide. Dans combien de temps les robots les remplaceront-ils?
Il y a certes de quoi inquiéter quiconque souhaite aplanir les inégalités sociales. L’une des principales similitudes des emplois que j’ai nommés est qu’ils sont fréquemment occupés par des gens peu qualifiés qui proviennent de milieux socio-économiques défavorisés. Si une personne est peu scolarisée et a peu de compétences à offrir sur le marché du travail, son emploi risque d’être plus mécanique et de lui procurer peu de possibilités de relations interpersonnelles. C’est précisément le genre d’emploi que les robots sont appelés à remplacer. Il est donc vraisemblable que les robots accentuent les inégalités sociales.
Peut-être se demande-t-on encore s’il s’agit de difficultés passagères après quoi les travailleurs seront réaffectés à de meilleurs emplois, ou s’il s’agit d’une tendance durable marquée par un chômage accru, mais cela n’est pas mon propos. La question que je me pose est la suivante : si les robots transforment le marché du travail et provoquent à tout le moins des pertes d’emplois, comment soutiendrons-nous les personnes touchées par ce changement? Si les gens qui seront vraisemblablement touchés proviennent de milieux socio-économiques défavorisés, ce changement sera particulièrement préoccupant et relèvera du domaine de la justice sociale.
Des solutions politiques : transformer la structure
J’estime qu’en notre qualité de professionnels du développement de carrière (en particulier ceux qui travaillent dans les secteurs de l’éducation ou des services sociaux), nous ne devons pas nous borner à soutenir les gens. Nous devons également trouver des moyens d’avoir prise sur leur environnement. Ils pourraient, selon moi, militer en faveur d’un certain nombre de choses.
- Renforcer les droits des travailleurs Lorsque des entreprises décident de remplacer un humain par une machine, elles choisissent d’accorder la primauté aux impératifs commerciaux, au détriment des besoins d’une personne. Les entreprises doivent être concurrentielles, mais les pouvoirs publics pourraient faire en sorte qu’il soit plus difficile pour les entreprises de licencier leurs employés, pour s’assurer que les entreprises qui invoquent la nécessité pour ce faire disent vrai.
- Prolonger les études Que faire si la carrière à laquelle on s’est destiné disparaît? En pareil cas, il apparaît nécessaire de trouver de meilleurs moyens de financer l’enseignement public en tant que processus d’apprentissage continu qui s’étend sur toute une vie. Somme toute, le financement de la reconversion professionnelle représente un investissement à long terme plus judicieux que celui du chômage.
- Favoriser le développement de carrière continu Si l’éducation devient l’affaire de toute une vie, il serait logique que ce soit la même chose pour le soutien au développement de carrière. En faisant de l’éducation au choix de carrière la prérogative des jeunes, on suppose que les gens travaillent la majeure partie de leur vie dans le domaine qu’ils ont choisi en début de carrière, mais le chômage technologique semble remettre cette conception en cause.
Des solutions personnelles : soutenir les individus
Si les solutions politiques sont primordiales en raison de leur portée, pour les professionnels du développement de carrière qui sont confrontés à la réalité, la question immédiate consiste toujours à savoir comment aider la personne qui est en face d’eux.
- L’adaptation plutôt que l’adéquation La théorie de l’orientation professionnelle semble de plus en plus avoir dépassé l’idée que les gens peuvent être appariés à un poste en particulier dans une optique de stabilité à long terme. Malgré cette tendance, la majorité de notre travail (à tout le moins au Royaume-Uni, où je travaille) repose encore sur le principe de l’appariement, c’est-à-dire sur la croyance que l’on peut rationnellement orienter définitivement quelqu’un vers une carrière. Compte tenu de la rapidité du changement sur le marché de l’emploi, les individus doivent pouvoir faire face à l’éventualité de la redondance, déterminer les postes émergents et acquérir les compétences nécessaires. Voilà pourquoi l’adaptation est la compétence en gestion à long terme la plus précieuse que nous puissions inculquer à tout individu.
- Encourager l’adhésion au progrès technologique L’un des autres impacts du renforcement de l’automatisation du milieu du travail est que les gens seront appelés à travailler aux côtés de robots puisque certains aspects de leur travail sont en voie d’automatisation. Selon moi, un objectif de l’orientation professionnelle et de l’éducation au choix de carrière devrait être que les gens soient plus ouverts au changement et mieux disposés à adopter des méthodes qui leur seront peut-être nécessaires en cette nouvelle ère de la robotique.
- Mettre l’accent sur les compétences de haut niveau Les prédictions sur l’avenir du travail sont fréquemment perçues comme étant du ressort des fous et des illuminés, mais il est certain qu’il y aura toujours des emplois dans les domaines où les humains ne peuvent inventer des moyens automatisés pour effectuer une tâche. Par conséquent, il est bon d’encourager les jeunes qui réfléchissent à leur futur à acquérir des compétences et à privilégier les disciplines pour lesquelles les compétences que les robots ne possèdent pas (encore) sont recherchées.
Bien que la nature exacte du changement soit peut-être encore floue, il semble certain que la technologie représente une menace durable pour le marché du travail en général, et pour les travailleurs les moins favorisés en particulier. En tant que spécialistes du développement de carrière, nous devons faire figure de visionnaires et exercer des pressions en faveur de l’instauration de politiques et de pratiques qui tiennent compte de ce type de changement.
Tom Staunton est conseiller en orientation à l’Université de Derby au Royaume-Uni. Il s’intéresse particulièrement à la manière dont l’apprentissage de la théorie de l’orientation professionnelle peut aider les étudiants à planifier leur cheminement de carrière. De plus, il blogue régulièrement sur runninginaforest.wordpress.com et est actif sur Twitter (@tomstaunton84) et LinkedIn.