Par Jenny Blake

Une structure en quatre étapes pour planifier le prochain pas

Que faire quand notre emploi de rêve ne nous ressemble plus?

Je travaillais dans le domaine de la formation, de l’accompagnement et du développement de carrière à Google depuis plus de cinq ans quand j’ai pris une année sabbatique pour publier mon premier livre, Life After College [1]. J’adorais mon emploi et j’occupais un poste parfait, du moins en apparence, mais j’éprouvais un certain manque. Je pensais que quelque chose ne tournait pas rond chez moi. Comment était-il possible d’atteindre un plateau dans l’une des entreprises les plus prisées auprès des travailleurs? Devais-je tout simplement avaler la pilule et rester ou prendre le risque de partir pour me lancer en affaires à temps plein – un choix qui suscitait à la fois terreur et exaltation chez moi?

Au bout du compte, j’ai décidé de sauter le pas. Depuis six ans que j’ai quitté Google, je gère ma propre entreprise à titre de stratège de carrière et conseillère en stratégies commerciales, d’auteure et de conférencière. Je n’ai jamais été aussi heureuse et en forme. Cependant, ce n’est pas toujours rose d’être travailleuse autonome. J’ai vécu, inutilement, beaucoup d’angoisse en apprenant à composer avec les points d’équilibre liés de la gestion de l’entreprise et à explorer les « prochaines étapes » sans pouvoir compter sur une paie régulière. Lorsque mon solde de banque s’est approché de zéro, après deux ans d’exploitation de mon entreprise, la noble question « Que feriez-vous si vous saviez que vous ne pouviez pas échouer? » s’est transformée en une question plus urgente « Que faire quand on a le dos au mur? ».

Aucun des livres sur la gestion de carrière de ma bibliothèque ne me semblait très utile pour me sortir du pétrin. J’ai donc entamé des recherches et j’ai fini par écrire un livre, Pivot, sur les qualités indispensables à avoir pour faire preuve de souplesse face au changement et élaborer une méthode de planification du prochain pas avec plus de clarté et facilité. Si le changement représente la nouvelle constante dans la gestion de carrière, nous avons tous intérêt à miser sur cet aspect.

En effectuant mes recherches pour le livre, j’ai rencontré de nombreuses autres personnes qui avaient poursuivi une carrière couronnée du succès, selon les normes traditionnelles, mais qui, après avoir atteint un plateau, avaient éprouvé un besoin inexplicable de changer leurs façons de faire. Peut-être ressentez-vous cette envie aussi. Peut-être envisagez-vous (ou un client envisage-t-il) de délaisser un salaire substantiel, de quitter ou de démarrer votre entreprise ou de prendre un congé prolongé. Vous pourriez éprouver de l’insatisfaction ou de la frustration par rapport à votre travail pour d’autres raisons : les exigences insuffisantes de votre poste ou de votre entreprise ou l’attrait d’un nouveau domaine qui correspond mieux à vos valeurs et intérêts et où vous pouvez apporter une contribution plus significative.

De nos jours, les employés ne travaillent plus dans la même entreprise pendant 40 ans, pour bénéficier d’un confortable régime de retraite à la sortie [2]. Aujourd’hui, le durée moyenne de l’emploi se situe entre quatre et cinq ans, et bien souvent, le poste de l’employé change radicalement au cours de cette période [3]. Parmi les travailleurs de 25 à 34 ans, la durée moyenne de l’emploi descend à trois ans [4]. Vous vivez peut-être déjà cette nouvelle réalité, qui vous impose des changements de carrière, qu’ils soient petits ou grands, effectués par choix ou par la force des choses, beaucoup plus souvent que par le passé (ou par rapport aux prévisions de votre plan quinquennal). À vrai dire, les plans quinquennaux ne sont plus suffisamment souples pour nous aider à nous retrouver dans ce nouveau contexte. Les circonstances changent trop vite pour prévoir ou planifier à long terme. Il nous faut de nouvelles compétences afin de gérer le processus de changement, que ce soit pour planifier notre développement de carrière au sein de notre poste actuel ou pour réaliser un changement plus important sur le plan de l’entreprise, de l’industrie, de l’horaire de travail ou d’un facteur parmi tant d’autres.

Le pivot représente le nouveau plan A

En règle générale, quand nous employons le mot « pivot » dans le cadre d’un changement de stratégie commerciale, nous le considérons comme le plan B : un changement d’orientation visant à protéger l’entreprise contre une chute des profits ou des prévisions désastreuses. L’entreprise pivote en réaction à l’échec du plan A, soit le plan original. Quant à notre carrière, le fait d’apprendre à pivoter doit toutefois constituer le plan A. Le pivot, dans le cadre de notre rôle et tout au long de notre carrière, devient la norme.

Selon ma définition, le recours au pivot dans la gestion de carrière revient à doubler la mise sur les aspects qui fonctionnent en vue d’adopter résolument une nouvelle orientation connexe. Il s’agit d’un processus délibéré et méthodique pour composer avec les changements de carrière.

Les moments ponctuels de réussite dans une carrière – les promotions, les lancements et les gratifications financières – sont agréables, mais ils ne constituent qu’une petite fraction de l’expérience globale. En doublant la mise sur les aspects les plus fonctionnels tout en réfléchissant au passage vers la prochaine étape, nous accélérons le processus d’expérimentation et de changement. Nous pouvons avancer avec confiance, sachant que nous disposons déjà des outils nécessaires pour atteindre notre but.

Le pivot en tant qu’attitude revient à déterminer nos principales forces et notre vision sur un an pour tester ensuite les idées connexes, pas à pas. Nous parviendrons ainsi à rehausser notre carrière sans céder à la panique et chercher à franchir des étapes démesurées, trop éloignées de nos activités actuelles.

La méthode pivot comporte quatre phases, qui consistent à se poser, à rechercher, à mettre à l’épreuve et à lancer :

  1. Posez-vous en vous concentrant sur ce que vous avez déjà accompli et les aspects qui fonctionnent déjà. Établissez vos bases et clarifiez vos valeurs, forces et intérêts ainsi que votre vision de l’avenir sur un an. À quoi ressemblera le succès, d’ici un an?
  2. Recherchez des occasions qui vous aideront à doubler la mise sur les forces et les intérêts déterminés lors de la première phase, en restant à l’affût des personnes, des compétences et des projets associés. Quelles nouvelles compétences pouvez-vous acquérir? À qui pouvez-vous parler? Quelles occasions de petits projets pouvez-vous saisir pour approfondir l’exploration?
  3. Mettez à l’épreuve les nouveaux aspects en effectuant de courtes expériences à faible risque. Il s’agit de tester votre nouvelle orientation, voire plusieurs nouvelles orientations, pour déterminer celle qui vous convient le mieux ainsi que les domaines qui commencent à évoluer tout seul. Une mise à l’épreuve pourrait correspondre à l’inscription à un cours ou au lancement d’un projet « 10 % » au travail, comme un club de lecture ou une journée de bénévolat à l’échelle de l’entreprise. Pendant cette expérimentation, vous pouvez recueillir des données et des commentaires en temps réel afin de corriger le tir au fur et à mesure.
  4. Lancez le projet après avoir répété les trois premières phases autant de fois qu’il le faut pour vous sentir en confiance dans votre nouvelle orientation. Le lancement représente le moment où vous prenez la grande décision d’aller de l’avant en acceptant tous les risques. Peur et incertitude pourraient encore se manifester, mais idéalement, l’exaltation et la motivation l’emporteront. Vous aurez réduit les risques et augmenté vos chances de réussir en suivant le processus de pivot.

Il est impossible de prévoir le parcours complet au départ, et ce n’est pas le but de l’exercice. Si les prochaines étapes étaient évidentes et se géraient à l’aide d’une simple feuille de calcul, vous les auriez déjà franchies ou vous seriez en train de vous ennuyer. Quand vous saisissez de nouvelles occasions, l’aspect électrisant réside dans les risques et l’incertitude qui y sont associés – ainsi que dans notre évolution et notre transformation en cours de route.

Apprendre à accueillir le nouveau contexte professionnel à bras ouverts, au lieu d’y résister, peut constituer un atout et un avantage. Quand le pivot devient la nouvelle norme, vous pouvez apprendre à apprécier le risque calculé et l’incertitude, en échange d’aventure, de souplesse, de liberté et de possibilités.

 

Jenny Blake est auteure, stratège de carrière, conseillère en stratégies commerciales et conférencière à l’échelle internationale. Elle aide les gens à s’organiser mentalement, à dépasser l’épuisement professionnel et à bâtir une carrière durable et dynamique qui fait leur bonheur. Lauréate du prix Axiom Award pour le livre PIVOT: The Only Move That Matters Is Your Next One (Portfolio/Penguin Random House, septembre 2016), elle a également publié le livre Life After College(Running Press, 2011).

Références

[1] Jenny Blake, Life After College (Philadelphia : Running Press, 2011).

[2] Tyler Cowen, « Dearth of Investment in Young Workers », New York Times, le 7 septembre 2013. Adresse : www.nytimes.com/2013/09/08/business/a-dearth-of-investment-in-young-workers.html

[3] Bureau of Labor Statistics, « Employee Tenure in 2014 », le 18 septembre 2014.

Adresse : www.bls.gov/news.release/pdf/tenure.pdf.

[4] Bureau of Labor Statistics, « Employee Tenure in 2014 », le 18 septembre 2014.

Adresse : www.bls.gov/news.release/pdf/tenure.pdf.