Par Ron Wener

Se renseigner sur l’histoire des peuples autochtones afin de mieux adopter la diversité dans le développement de carrière

Au moment de mes études dans les années 1970 et 1980, j’ai été très peu exposé à l’histoire des peuples autochtones et ce que j’ai appris était extrêmement limité et biaisé. J’ai appris beaucoup de stéréotypes sur les « Indiens », mais j’ai été peu exposé à la vérité. L’information portait surtout sur les efforts de « civilisation des autochtones » sans qu’il soit question des terribles expériences qu’ont vécues les peuples autochtones. Ce que j’ai appris au cours des dernières années m’a fait me sentir inculte. J’ai aussi ressenti de la culpabilité et de la honte. Bien que j’aie réussi à surmonter en partie mon manque de connaissances, il semble que les connaissances que j’ai acquises soient surtout superficielles et théoriques.

J’ai donc été heureux d’apprendre que l’Exercice avec couverture de KAIROS serait présenté lors du congrès national en développement de carrière Cannexus cet hiver. L’exercice était décrit comme « une expérience d’apprentissage interactive qui favorise la sensibilisation et la compréhension des relations entre les peuples autochtones et non autochtones du Canada. Les participants vivent de façon concrète des situations comme la période avant les premiers contacts, l’élaboration des traités, la colonisation et la résistance ». J’avoue que je n’étais pas persuadé de l’utilité d’une séance de 90 minutes à 7 heures du matin. Pourtant, cette expérience a complètement changé ma perspective.

Une reconstitution de relations passées

L’exercice consistait à réunir 70 personnes dans une pièce, debout sur des couvertures qui se touchaient. Chaque couverture représentait un territoire du Canada. Les animateurs ont lu des parchemins où il était question de traités, de maladies, de lois et des pensionnats indiens. Il était difficile de voir les participants quitter les couvertures en raison de la colonisation ou de la maladie. Tout au long de l’exercice, des participants étaient retirés des couvertures pour représenter les gens qui étaient déplacés ou qui mouraient. La population et l’identité autochtones diminuaient sous nos yeux. L’espace sur les couvertures devenait plus restreint pour représenter la colonisation du territoire.

Même si j’avais lu sur les pensionnats indiens, cette partie de l’exercice est celle qui a le plus contribué à ma transformation. J’ai du mal à décrire ce que j’ai ressenti à l’écoute des histoires d’enfants retirés de force de leurs familles pour subir des abus et perdre leur identité. Il était très émouvant d’être rappelé de l’incidence sur la vie entière d’une personne d’avoir été arrachée à sa famille à un jeune âge et ne plus jamais retrouver ses racines.

À un autre moment, j’ai été choisi pour représenter ce que vivait une personne autochtone qui choisissait d’exercer certaines professions. Comme avocat, je n’étais plus couvert par la Loi sur les Indiens et je ne pouvais pas retourner dans ma communauté. En même temps, j’étais considéré comme un étranger au sein de la « société canadienne ». Je me trouvais donc entre les couvertures pour illustrer le fait que je n’avais aucune appartenance. Mon identité était incomplète. Il était difficile d’imaginer ce que pouvaient ressentir ceux qui avaient vécu ces expériences.

Sensibiliser pour informer sur l’inclusion

À la fin de l’exercice, j’étais très ému. Comment des colons pouvaient-ils traiter des êtres humains comme nous avons traité les Autochtones? Les animateurs nous ont expliqué que le but de cet exercice n’était pas de nous faire ressentir de la culpabilité ou de la colère, mais de nous renseigner sur l’expérience des Autochtones. Ils ont souligné la nécessité de continuer à nous renseigner et de nous concentrer sur les progrès.

L’atelier s’est terminé par un cercle de discussion. Nous devions expliquer la signification de l’expérience. Tout le monde avait la larme à l’œil. Beaucoup de participants ont fait un lien entre cette expérience et leur situation personnelle. Il est clair que nous avons tous beaucoup appris d’une manière unique et percutante. Personnellement, j’étais tellement submergé par l’émotion que j’ai été incapable de parler quand mon tour est venu. Je n’arrivais pas à exprimer ce que je ressentais.

Nous avons été extrêmement chanceux, car certains participants, qui étaient des Autochtones, ont expliqué en termes très touchants la signification de cette expérience pour eux. Il était difficile de les écouter, mais important de prendre connaissance de leur perspective. J’ai tellement appris d’eux sur l’urgence du travail que nous avons à accomplir comme nation. Deux mois se sont écoulés depuis cet exercice et j’ai encore de la difficulté à en parler. Je tente d’assimiler ce que j’ai appris. Depuis, j’ai lu le rapport intégral de la Commission de vérité et réconciliation (CVR) et je cherche des façons de poursuivre mon apprentissage. J’espère pouvoir contribuer par l’apprentissage, l’écoute et le soutien aux efforts de la CVR et des communautés autochtones.

J’ai beaucoup parlé de cette expérience avec mes collègues du campus et notre aîné y organisera l’Exercice avec couverture de KAIROS au cours des prochaines semaines. J’estime que cela favorisera la compréhension au sein de notre université. J’ai la chance d’évoluer dans un milieu de travail qui reconnaît que nous avons beaucoup à apprendre, qui travaille très fort à l’acceptation de la diversité et qui est continuellement à la recherche de façons d’approfondir les connaissances au sujet des autres collectivités et des perspectives différentes. Cela est essentiel pour nous tous qui travaillons dans le domaine du développement de carrière, compte tenu du caractère unique de nos clients et de l’histoire de notre pays.

 

BIO DE L’AUTEUR

Ron Wener est stratège de l’emploi au centre de carrière de l’Université de Toronto Mississauga (UTM) et spécialiste en développement de carrière passionné pour son travail. Il possède plus de 25 ans d’expérience en développement de carrière auprès des étudiants universitaires. Il a travaillé dans chacun des trois centres de carrière du campus de l’Université de Toronto et a également œuvré au centre de carrière de l’Institute of Technology de l’Université de l’Ontario (UOIT). Il adore faire des promenades quotidiennes à l’UTM pour explorer la nature et avoir des interactions avec les chevreuils.