Selon des études de cas américaines et canadiennes, des industries et des collectivités rurales ont recours à des approches créatives pour attirer de nouveaux talents

Kristin Kirkpatrick et Scott Fisher

Cet article a été publié conjointement avec le magazine Career Developments de la National Career Development Association (NCDA).

Le secteur agricole fait le plein de talents sous le prisme de la diversité

Pour faire face au défi colossal qu’est celui de nourrir une population en croissance rapide avec moins de ressources, certains des plus grands acteurs du secteur de l’agroentreprise à l’échelle mondiale ont uni leurs forces pour penser de façon stratégique au réservoir de talents nécessaire pour stimuler rapidement l’innovation et l’agriculture. Ayant récemment mis sur pied un centre d’éducation et de recherche en partenariat avec l’Université du Colorado, les membres du regroupement du nouveau « Center for an Enhanced Workforce in Agriculture » comprennent des sociétés investies telles que ADM, Bayer, Bunge, Cargill, Land O’Lakes, Caterpillar, DuPont et Tyson Foods.

Alors que la population mondiale connaîtra une croissance fulgurante au cours des trois prochaines décennies, atteignant pas moins de 9,7 milliards d’habitants d’ici 2050, des experts estiment que nous devrons produire plus de nourriture dans les 30 prochaines années que dans toute l’histoire de l’humanité. Comme si le défi n’était pas déjà assez complexe, nous devrons répondre à la demande alimentaire en utilisant moins de ressources que jamais et en réduisant au minimum notre impact sur l’environnement. À vrai dire, plus tôt cette année, le département de l’Agriculture des États-Unis (USDA) a annoncé sa volonté d’accroître la production agricole de 40 % tout en réduisant de moitié son empreinte environnementale. Dans le secteur, il est largement reconnu que les solutions nécessaires pour surmonter ces défis devront reposer en grande partie sur des innovations qui permettront de stimuler la production tout en atténuant l’impact environnemental. Pour ce faire, il faudra fort probablement s’appuyer sur le déploiement de technologies actuelles et émergentes, comme l’agriculture de précision, la génomique, l’élevage de précision ou encore l’analyse prévisionnelle de données. Toutefois, nous ne pouvons pas nous fier uniquement à la technologie. Nous devons également penser à des façons stratégiques de mettre sur pied des équipes qui développeront ces innovations et d’attirer les contributeurs individuels qui pourront soutenir leurs travaux.

L’enjeu entourant l’alimentation des générations futures a mené, en 2016, à la création d’un regroupement sectoriel nommé « Together We Grow » (TWG). Lancé par Michael D’Ambrose, directeur principal des Ressources humaines d’ADM, et Tom Vilsack, ancien secrétaire de l’Agriculture sous la présidence de Barack Obama, TWG est actif d’un bout à l’autre du pays pour sensibiliser les gens et permettre à plus de personnes de participer aux efforts déployés pour nourrir la planète. Together We Grow, qui regroupe certains des plus grands acteurs du secteur de l’agroentreprise, a pour but de former une main-d’œuvre agricole qualifiée, diversifiée et inclusive. Pour y arriver, le regroupement compte sur la collaboration d’une cinquantaine de membres – dont des entreprises modernes des secteurs alimentaire et agricole, des établissements d’enseignement, des agences gouvernementales et des organismes nationaux à but non lucratif – qui ont à cœur d’améliorer et d’accroître la diversité du secteur de l’agroentreprise. Par exemple, Land O’Lakes, une coopérative agricole du Minnesota, cherche des moyens plus efficaces de mobiliser et de retenir des talents d’origine latino-américaine dans le domaine de l’agriculture. Les commanditaires du regroupement investissent dans la recherche pour permettre la création de projets pilotes évolutifs et fournir une plateforme de partage de pratiques exemplaires axées sur la formation d’une main-d’œuvre pour l’avenir.

La diversité est une stratégie reconnue pour stimuler l’innovation. Selon des études menées par McKinsey & Company (Hunt, Layton et Prince, 2015; Hunt, Yee et Prince, 2018) et par la revue Harvard Business Review (Rock et Grant, 2016), les équipes diversifiées trouvent plus de solutions pour résoudre un problème donné, sont plus objectives et consciencieuses dans leurs discussions, génèrent un plus grand nombre d’innovations et offrent une meilleure rentabilité. Le « Center for an Enhanced Workforce in Agriculture » de TWG a défini les grandes lignes de la diversité et assure un suivi des caractéristiques de base que sont le sexe, la race, l’origine ethnique, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, la capacité et le statut d’ancien combattant.

Une organisation ne pourrait à elle seule répondre aux enjeux complexes liés à l’insécurité alimentaire et à la faim dans le monde au cours des 30 prochaines années. Composé de membres aux intérêts variés, Together We Grow souhaite aider plus de personnes issues de la diversité à se voir comme les prochains leaders du secteur de l’agriculture.

People having a work meeting through a video call
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Favoriser la diversité au sein de la main-d’œuvre rurale

Professions North/Nord (PNN) est un programme régional canadien unique qui vise à créer de nouveaux réservoirs de talents au sein de populations diversifiées. Sa force réside dans sa capacité à mobiliser des personnes réparties sur une zone de près de 800 000 kilomètres carrés. Il s’agit là d’une tâche colossale, étant donné la faible densité de population et les grandes distances qui séparent les localités. Toutefois, le projet est demeuré en place grâce à la création de techniques et d’outils adaptés à ces conditions. Ces techniques et ces outils ont servi à inciter des professionnels qualifiés à se joindre à la main-d’œuvre de régions rurales, éloignées ou du Nord. Bon nombre de ces professionnels sont des immigrants qui ont étudié à l’étranger et qui, en tant que nouveaux résidents de la province, n’ont pu faire attester leurs titres de compétences.

Établi en 2010, PNN fait partie d’un réseau de programmes de mise à niveau. Ces programmes, offerts pour la plupart dans de grands centres urbains, permettent aux professionnels hautement qualifiés formés à l’étranger d’entrer plus facilement sur le marché du travail. Le programme PNN est offert à la faculté de gestion de l’Université Laurentienne du nord de l’Ontario. Cette région, qui peut sembler lointaine et isolée, présente pourtant une foule d’avantages pour les professionnels et leurs familles. Un des défis récurrents du programme consiste à briser les stéréotypes non avérés et à mettre en lumière les formidables possibilités et la qualité de vie offertes dans nos centres et la région.

Un des projets mis sur pied, « Spotlights », vise à promouvoir nos centres auprès de professionnels établis dans de grandes régions urbaines qui ne réalisent peut-être pas leur haut degré de compétence. Des événements interactifs et diffusés en direct ont fait la promotion de régions rurales, éloignées ou du Nord dans le but d’y attirer de nouveaux talents. Les conférenciers se trouvaient dans chacune des villes et régions présentées, alors que tous les aspects logistiques étaient coordonnés depuis notre bureau central – parfois à 16 heures de distance! Des gens de partout ont pu participer aux diffusions en direct. Certains étaient dans des salles de cours, d’autres se trouvaient à la maison. Certaines personnes occupant un emploi de subsistance se sont même jointes à nous depuis leur voiture, pendant leur pause dîner! Les participants ne venaient pas tous du Canada. En effet, certains se trouvaient à l’étranger, notamment en Chine. La plateforme était robuste et facile d’emploi. Le partage d’écrans permettait d’alterner entre les vidéos en direct du bureau central et les conférenciers à distance. De plus, les options de clavardage dynamique procuraient une expérience complète et transparente.

Une leçon importante que nous avons tirée de ces événements est le fait que le contact prend tout son sens lorsqu’il est possible de simuler une expérience en direct réaliste pour les membres de l’auditoire. C’est particulièrement crucial quand il s’agit de faire la promotion de notre région (rurale, éloignée et située au Nord) auprès du grand public. À vrai dire, les résidents de grandes régions urbaines sont étonnés d’apprendre les possibilités et la qualité de vie que notre région peut leur offrir. Une fois que l’on établit ce contact important, il est possible de véhiculer un message beaucoup plus fort, ce qui permet d’attirer des professionnels et d’accroître la main-d’œuvre avec plus de succès.

Kristin Kirkpatrick, MURP, est directrice générale de Together We Grow et du Center for an Enhanced Workforce in Agribusiness de l’Université du Colorado. Mme Kirkpatrick se spécialise dans les changements de systèmes visant à stimuler les occasions et à favoriser l’équité. Elle possède une maîtrise en planification urbaine et régionale ainsi qu’un diplôme de premier cycle de l’Université du Colorado.

Scott Fisher, MAIOP, CCDP, est titulaire d’une maîtrise de l’Université du Colorado et professionnel en développement de carrière agréé depuis plus de 15 ans. Il est actuellement gestionnaire de projets pour le programme Professions North/Nord de l’Université Laurentienne à Sudbury, en Ontario. M. Fisher siège au conseil d’administration du Conseil canadien pour le développement de carrière (3CD) et est membre du comité du contenu et de l’apprentissage du CERIC.

Références 

Hunt, V., Layton, D., & Prince, S. (2015). Why Diversity Matters. https://www.mckinsey.com/business-functions/organization/our-insights/why-diversity-matters

Hunt, V., Yee, L., Prince, S., & Dixon-Fyle, S. (2018). Delivering through diversity. https://www.mckinsey.com/business-functions/organization/our-insights/delivering-through-diversity

Rock , D., & Grant, H. (2016). Why Diverse Teams Are Smarter. https://hbr.org/2016/11/why-diverse-teams-are-smarter