L’exploration des professions à un âge précoce est importante pour ouvrir les possibilités dans l’imaginaire de l’enfant

Caroline Arsenault

Author headshotY a-t-il un livre qui a marqué votre enfance au point d’avoir influencé votre choix professionnel? Pour moi, ce fut Martine à l’école. Je suivais la protagoniste dans toute sa journée en classe et j’enviais déjà le travail de l’institutrice! C’est sans surprise que je peux dire que cette lecture a eu un impact sur mon propre choix de carrière : l’enseignement a été ma porte d’entrée sur le marché du travail.

Cet exemple banal démontre bien la mécanique qui s’installe dès le plus jeune âge face au développement de l’identité vocationnelle. Les enfants ont le réflexe naturel de s’imaginer dans des professions auxquelles ils ont été exposés. On constate même que, malgré l’accès grandissant à l’information, les ambitions de carrière sont pratiquement déjà établies dès l’âge de sept ans. L’enfant s’imagine déjà dans des professions qu’il peut exercer selon son genre, sa race et son origine socioculturelle et rejette celles auxquelles il ne croit pas pouvoir accéder en plus de celles dont il ignore l’existence.

L’exploration des professions à un âge précoce est donc assez importante pour ouvrir les possibilités dans l’imaginaire de l’enfant. Pour ce faire, certaines lignes directrices doivent être prises en considération afin de rendre cette exploration positive et profitable, tout en laissant l’enfant être un enfant!

Devenir une grande personne, une expérience à la fois : le développement de l’identité des enfants

Nous avons tous vu un enfant faire semblant. Le plus souvent, il mime ce qu’il a déjà vu ou entendu. Lorsque vient le temps de planifier des activités d’apprentissage ou de loisirs, il est donc important de lui présenter des expériences variées à travers desquelles il aura l’occasion de se positionner et développer sa perception de lui-même. Il peut naturellement avoir tendance à choisir des jeux qui lui plaisent. Cependant, lui proposer des activités qui sont moins en lien avec ses gouts et ce qu’il connait déjà pourrait lui ouvrir de nouveaux horizons et enrichir différentes facettes de son identité.

Si l’on se rapporte aux stades de développement de l’identité d’Erickson, on sait que la période couvrant les premières années du primaire est cruciale pour son sentiment de compétence ou d’infériorité face à une tâche. C’est pourquoi les nouvelles expériences méritent d’être présentées de façon ludique et adaptée à son niveau, afin qu’il en retire du positif. En plus d’influencer grandement son tout jeune sentiment d’efficacité personnelle, les activités dans lesquelles il peut vivre des réussites et du plaisir l’amèneront à développer une curiosité saine envers le monde du travail.

Rendre concrète la jungle du travail abstraite : ce que les grandes personnes font vraiment quand ils vont travailler

Ma belle-sœur est conseillère juridique pour une municipalité du Québec. Pas la peine de vous dire que ma nièce de 5 ans n’est pas vraiment exhaustive dans sa description quand on lui demande : « qu’est-ce qu’elle fait comme travail, ta maman? ». Quand on s’y attarde, on se rend compte qu’il existe une panoplie de métiers dont la description est assez obscure ou même inconnue des enfants (et même de plusieurs adultes!).

Il en va de même pour les concepts de champs d’intérêts, de compétences et de qualités, pourtant nécessaires à la construction de soi. La vulgarisation peut s’avérer être un bon défi. C’est pourquoi le recours à des émissions, à des spectacles ou à des livres pour enfants qui présentent les contenus associés au monde du travail peut être d’une grande utilité. En utilisant un langage et des images adaptées au niveau de l’enfant, il devient plus facile de plonger dans l’univers d’un métier moins connu.

De plus, il est très intéressant de faire des liens directs et concrets avec le quotidien de l’enfant. Sans le réaliser, chaque jour, il utilise des espaces et des services publics grâce à différents travailleurs. Par exemple, on peut lui montrer, concrètement, le travail d’un arpenteur-géomètre qui mesure la dénivellation d’un terrain ou encore la composition d’un produit ménager créé par un chimiste. Ainsi, les métiers méconnus deviennent plus familiers par leur proximité avec sa propre expérience.

Les clés d’une belle activité orientante pour jeunes enfants 

Après 40 ans à développer des guides et outils pour différentes clientèles, notre équipe a su identifier certains points à prendre en considération pour qu’une activité et les outils qui l’accompagnent soient propices au développement de l’identité de l’enfant.

1. Ouvrir les horizons et éveiller la curiosité

Quand un outil d’exploration professionnelle est développé, il faut porter une attention particulière au contenu pour que les différents domaines, compétences, profils d’intérêts, environnements et outils de travail soient présentés de manière équilibrée. Ainsi, le jeune est placé devant un éventail varié de possibilités et a l’occasion de se positionner par rapport à celles-ci. Il en va de même pour les niveaux de formation associés aux différents métiers. Le fait de présenter des professions de niveau secondaire à universitaire, sans discrimination, est important, surtout pour un jeune âge. Au préscolaire et premier cycle du primaire, il n’est pas la peine d’insister sur le parcours scolaire pour s’y rendre; on mise surtout sur l’exploration et la découverte de soi et du monde.

2. Rendre l’activité concrète et amusante

En créant des mises en situation ou des occasions d’être au cœur de l’action, l’enfant peut prendre le rôle du professionnel et incarner le métier. Par exemple, organiser une excursion pour créer un herbier peut s’apparenter au travail d’un technicien en biologie. Faire une expérience pour trouver le moyen d’allumer une ampoule avec différents matériaux peut rappeler le travail d’un électricien ou même d’un ingénieur qui résout des problèmes. Les activités de réinvestissement et de synthèse permettent, par la suite, d’exprimer ce qui l’attire et ce qu’il aime moins afin de développer sa capacité à prendre des décisions et à émettre son opinion.

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3. Démystifier le monde du travail et faire des liens avec sa propre expérience

Il ne faut pas craindre de mettre en valeur des termes en lien avec la connaissance de soi, le monde du travail et les domaines spécifiques, tant qu’ils sont présentés dans un vocabulaire compréhensible et appuyés d’exemples concrets. Le recours à des définitions pour les nouveaux mots permet également d’élargir le champ lexical de l’enfant et de lui offrir la possibilité de mieux décrire le monde qui l’entoure, mais aussi de mieux se définir lui-même.

Rendre concret l’abstrait est plus facile avec des mots appropriés et des images claires. Puisque l’enfant est constamment en train d’observer le monde qui l’entoure, de recueillir des informations et de tenter de les organiser dans son esprit, aidons-le à voir ce monde des grands comme un terrain de jeu rempli de défis stimulants!

Caroline Arsenault est conseillère d’orientation ayant également une expérience d’enseignante. Elle travaille chez Septembre éditeur, où elle conseille les professionnels de l’orientation et de l’éducation sur des outils et contenus qui favorisent et facilitent l’intervention orientante pour une clientèle de tous âges. Leur nouvelle collection Mon travail, présentant 30 métiers et activités variées, s’adresse aux enfants de 5 à 8 ans et sera lancée cet automne chez Septembre éditeur!