Group of masked people sitting in circle on chairs talking.Automne 2021

L’avenir hybride : Modifier les services d’emploi pour répondre aux besoins des clients

ACCES Employment réfléchit sur sa transformation numérique et sur ce qu’elle veut mettre de l’avant – et laisser en héritage – alors que la prestation de services poursuit son évolution

Manjeet Dhiman and Aimee Holmes

Author headshotsComme beaucoup d’autres entreprises, ACCES Employment a dû réagir rapidement aux répercussions soudaines et déterminantes de la pandémie de COVID-19. En fait, le secteur des services d’emploi, dans l’ensemble, a agi rapidement pour ajuster ses pratiques de prestation de services de longue date pour les aligner sur les restrictions en matière de santé publique et les protocoles de sécurité.

Les choses que nous tenions pour acquises ont été soudainement et considérablement perturbées – la fréquentation menant à l’inscription de nouveaux clients, la collaboration spontanée entre les collègues et l’énergie qui se dégage dans une pièce quand des douzaines de personnes interagissent à l’occasion d’une activité de réseautage ou d’embauche. En tant qu’un fournisseur de services communautaires axés sur le contact humain, nous avons connu un énorme revirement dans la norme établie de la prestation de services en personne. Et pourtant, nous l’avons fait.

Maintenant, nous sommes impatients de commencer à imaginer les services d’emploi de l’après-pandémie.  Contrairement au début de la pandémie, nous avons maintenant plus de temps et d’occasions pour une réflexion sérieuse et une prise de décision éclairée.  Il y a des avantages indéniables à offrir un modèle de services d’emploi hybride, même si ce n’est pas par nécessité. Pour certains chercheurs d’emploi, qui ont des antécédents professionnels et une habileté numérique, la capacité d’accéder à nos services est améliorée quand ils peuvent suivre leur formation à distance et à leur propre rythme. Pour d’autres clients, ceux qui cherchent à réintégrer le marché du travail après une période d’absence, ceux qui manquent d’habileté numérique, ou qui ont un faible niveau de compétence en anglais, ceux-ci auront le plus souvent besoin d’être servis en personne dans le cadre de services d’orientation professionnelle et de développement de carrière. Dans cet article, nous aspirons à contribuer aux échanges dans l’ensemble du secteur sur la façon de créer un modèle de prestation de services d’emploi hybride.

Mise en place pour une réussite numérique

Avant la pandémie, ACCES était déjà en voie de transformation numérique. La capacité et l’infrastructure technologiques que nous avons développées au cours des dernières années nous ont permis de passer rapidement à la prestation de services entièrement en ligne dès que la pandémie a forcé les entreprises du Canada et du monde entier à fermer leurs portes. Notre capacité à nous adapter et à répondre aux exigences technologiques liées à la prestation de services en ligne a permis à ACCES de continuer à soutenir son personnel et ses clients sans interruption, ou presque. Mais en aucun cas, cela a été facile.

La capacité et l’infrastructure en ligne que nous avions développées dans nos bureaux avaient besoin de disposer de ressources différentes pour la prestation à distance à partir de la maison. Les compétences et le savoir-faire technologiques d’un petit groupe de personnes triés sur le volet doivent maintenant être étendus à tout le personnel. Nous avons adopté une série d’outils et de systèmes pour être en mesure de faire des rencontres virtuelles avec nos clients et avec nos employés. Nous avons intégré la technologie dans tous les aspects de nos activités, non seulement dans la prestation des services, mais également dans l’administration des programmes et des activités de l’ensemble de l’organisme.

Woman wearing earphones and waving at computer screen.
iStock

L’outil que nous avons trouvé particulièrement utile a été le robot conversationnel (chatbot) que nous avons créé et utilisé tout juste avant le début de la pandémie. VERA (Virtual Employment and Resource Attendant) utilise l’intelligence artificielle pour comprendre les demandes des utilisateurs et pour orienter les gens vers les programmes, pour les inscrire à des activités et pour répondre aux questions liées à leur recherche d’emploi. Le robot conversationnel est accessible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7; il offre une interaction axée sur le client et libère le personnel pour des tâches plus complexes. VERA nous a démontré à quel point la technologie, utilisée en parallèle avec l’accès traditionnel aux services, peut aider à améliorer l’accès des clients aux services. Des milliers de personnes ont interagi avec VERA, ce qui nous indique que les clients sont de plus en plus à l’aise avec ce type de technologie et que, non seulement ils aiment le libre-service en ligne, mais qu’ils s’y attendent.

Réflexion sur les défis de la pandémie

La pandémie a eu un effet disproportionné sur les communautés marginalisées et sur les travailleurs essentiels et de première ligne. Nos clients sont principalement de nouveaux arrivants qui ne bénéficient pas d’un réseau professionnel au Canada et qui ont besoin d’être orientés et introduits dans le marché du travail local. S’ils cherchaient un travail dans un secteur touché par des licenciements massifs à cause de la COVID-19, leur processus de recherche d’emploi aura été plus difficile. La pandémie a intensifié les barrières auxquelles doivent faire face nos clients qui ont peu d’habileté numérique et aucun accès à des outils informatiques comme l’Internet ou un ordinateur.

Dorénavant, tous ces facteurs doivent être pris en considération dans la planification et la prestation de nos services. Environ 80 % des clients d’ACCES Employment sont de nouveaux arrivants au Canada. La réduction du nombre d’immigrants nous a fait passer d’une situation où nous avions des listes d’attente constantes, à une situation où nous avons besoin de stratégies novatrices pour entrer en contact avec ceux qui ont besoin de nos services.

En vue de prendre des décisions éclairées sur la façon d’améliorer nos services, nous avons recueilli l’opinion des membres de notre personnel sur l’efficacité de la prestation virtuelle de chaque élément de programme, de la prise en charge au soutien après l’embauche. Nous avons ajouté des questions en ce sens aux sondages d’évaluation que les clients remplissent à la fin de nos programmes. Les réponses indiquent que les services virtuels offrent des avantages indéniables pour un certain nombre de clients, d’employés et d’employeurs. Les clients économisent du temps et de l’argent en accédant aux services en ligne sans avoir à se déplacer ni à organiser la garde des enfants. La possibilité pour les clients de visionner des séances enregistrées et de suivre des cours de formation en ligne, au moment qui leur convient, est aussi un avantage pour eux. Les employeurs avec qui nous travaillons ont adopté les activités d’embauche virtuelles et trouvent qu’il est plus facile de s’impliquer dans nos programmes, lorsqu’ils n’ont pas à se rendre à l’un de nos bureaux.

Par contre, des clients et des employés ont soulevé des limites à la méthode virtuelle. Quelques clients nous ont dit avoir constaté que les activités d’embauche virtuelles sont moins efficaces que celles qui ont lieu en personne. Ils trouvent plus difficile d’interagir avec leurs pairs et donc, d’établir leur réseau professionnel au Canada. Il y a aussi les clients qui n’ont tout simplement pas pu accéder à nos services faute d’accès à Internet. Même si nos équipes à ACCES Employment ont travaillé fort pour rester connectées et pour améliorer leurs compétences en technologies, de nombreux employés se plaignent du manque de contact interpersonnel, d’interactions avec les autres équipes et de séances de remue-méninges créatives.

Réponse aux besoins à venir

Afin d’équilibrer les besoins et les préférences de tous les intervenants, ACCES Employment est en train de créer un modèle de services hybride qui combinera la prestation virtuelle et la prestation en personne. Ce modèle comprendra des séances diffusées en direct auxquelles certains clients assisteront en personne et d’autres y participeront en ligne. Cette méthode exigera de nous d’examiner les pratiques exemplaires en matière de participation virtuelle et de déterminer la meilleure installation et le meilleur équipement pour assurer une prestation de services efficace.

En outre, notre modèle hybride de l’après-pandémie offrira plus d’options aux clients qui feront en sorte que l’accès à tous les éléments de nos services sera possible en personne ou en ligne. Ce qui comprend l’accueil et l’évaluation individuels, le soutien à la recherche d’emploi, le mentorat, le réseautage de pairs, les ateliers et le suivi de soutien.

Le modèle de services hybride d’ACCES Employment intégrera de nombreuses recommandations qui ont été faites dans le cadre d’une récente étude approfondie menée par le secteur des services d’établissement et par le groupe de travail sur la technologie, laquelle met l’accent sur la nécessité de prendre en compte où en est le client sur le plan de l’habileté numérique et de l’utilisation d’Internet : « Les organismes ne doivent pas s’appuyer sur une seule technologie particulière, mais créer une multi-plateforme, adopter des stratégies de communications à canaux multiples fondées sur l’utilisation réelle de la technologie par les clients ».

Nous sommes impatients d’ouvrir de nouveau nos portes pour servir nos clients, particulièrement ceux qui sont aux prises avec d’importants obstacles à l’emploi. Il y aura des ajustements, pratiques et psychologiques, à l’intention des employés et des clients au retour du travail à nos bureaux. Notre modèle de prestation de services hybride croisera notre modèle de travail hybride pour le personnel, lequel sera cohérent avec les tendances et les attentes en milieu de travail après la pandémie.

Dans cet article, nous avons présenté quelques-unes des questions et considérations qui seront prises en compte lors de la modélisation de nos programmes et services au cours des prochains mois. Si la pandémie de COVID-19 comporte de bons côtés pour le secteur des services d’emploi, l’un de ceux-là serait l’occasion de réfléchir en profondeur sur la façon dont nous devrions fournir des services qui répondent aux besoins de nos divers intervenants.

Recommandations du secteur des services d’établissement et du groupe de travail sur la technologie (Un rapport en anglais) :

  1. Élaborer une feuille de route pour appuyer la transformation organisationnelle numérique
  2. Établir une vision commune et sectorielle pour l’habileté numérique
  3. Établir une prestation hybride de services d’établissement pour Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada
  4. Établir les compétences de base du secteur
  5. Établir une méthode de renforcement des capacités sectorielles à l’échelle nationale
  6. S’assurer que les nuances sectorielles sont prises en compte

Manjeet Dhiman est vice-présidente directrice, Services et initiatives stratégiques et Aimee Holmes est directrice, Services en ligne à ACCES Employment, qui dessert annuellement 40 000 chercheurs d’emploi. Nos services sont principalement fournis dans sept localités de la région du Grand Toronto; certains de nos programmes sont accessibles aux chercheurs d’emploi partout dans la province et nos programmes avant l’arrivée sont mis à la disposition des personnes dont l’accueil au Canada a été approuvé.

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Woman is working at warehouse for online sellerAutomne 2021

L’entrepreneuriat au service du développement de carrière

Les professionnels du développement de carrière qui connaissent les alternatives qu’offre l’entrepreneuriat pourront dorénavant mieux soutenir leurs clients

Andréanne Leduc, CPA, CA

author headshotLorsque les gens ré-imaginent le développement de leur carrière, ils tentent principalement d’obtenir une promotion, de changer d’emploi ou ils envisagent même une réorientation professionnelle. Mais, qu’en est-il de l’entrepreneuriat dans tout ça?

Dans ce monde du travail en changement, les professionnels du développement de carrière qui connaissent les alternatives qu’offre l’entrepreneuriat pourront dorénavant mieux soutenir leurs clients à la recherche d’un emploi ou désireux de nouveauté.

Les cinq formes d’entrepreneuriat

Parfois, un emploi ne suffit plus à combler notre besoin d’estime et d’accomplissement de soi, qui réfère à la pyramide des besoins développée par le psychologue américain Abraham Harold Maslow. Pour réussir à combler ces besoins, de plus en plus de personnes pourraient considérer l’entrepreneuriat comme option à leur développement de carrière. Cependant, les différentes formes d’entrepreneuriat étant peu connues, plusieurs croient qu’il faut quitter son emploi pour se consacrer à temps plein à la création d’une nouvelle entreprise. Ce n’est pourtant pas l’unique option.

Il existe cinq formes d’entrepreneuriat, qui offrent chacune des avantages et des inconvénients :

  1. l’intrapreneuriat;
  2. la reprise d’une entreprise existante;
  3. la création d’une entreprise en franchise;
  4. la création d’une entreprise par essaimage;
  5. la création d’une entreprise en Ex-nihilo.

Il est important de connaître ces différentes formes afin d’avoir davantage d’options à offrir aux clients lorsqu’ils se questionnent sur leur développement de carrière. Voici les deux formes qui offrent des opportunités plus accessibles pour toutes les personnes à la recherche d’un nouvel emploi ou d’un nouveau défi.

L’intrapreneuriat : pour le développement professionnel et organisationnel

Prenons l’exemple d’un employé qui n’est pas satisfait de ces responsabilités ou qui ne trouve plus la passion ni la motivation dans les tâches qu’il accomplit au travail. Un changement d’emploi pourrait être envisagé, mais avant de prendre cette décision, il doit s’assurer d’avoir considéré toutes les options au sein de son organisation.

  • A-t-il pris le temps de discuter avec son supérieur?
  • A-t-il partagé les raisons de son insatisfaction?
  • A-t-il manifesté ses intérêts et ses motivations?

L’employé qui prend l’initiative de partager ces informations à son supérieur pourrait se voir offrir de nouvelles responsabilités plus stimulantes ou accéder à d’autres opportunités dans l’organisation, comme une promotion. L’intrapreneuriat va au-delà de ces situations plus couramment rencontrées.

L’intrapreneuriat prend forme lorsqu’un employeur met en place des politiques et une culture d’entreprise permettant le développement des compétences professionnelles de ses employés, et lorsqu’il encourage les comportements entrepreneuriaux au sein de l’entreprise.

Pour l’employé intrapreneur, c’est l’occasion parfaite d’apprendre, d’expérimenter et de découvrir, sans assumer tous les risques qu’un entrepreneur prend. Pour l’employeur, c’est l’opportunité idéale pour développer de nouveaux projets et principalement, pour garder ses employés les plus créatifs et innovants.

L’intrapreneuriat est donc la forme d’entrepreneuriat la plus accessible avec une grande valeur ajoutée potentielle pour les employés et les organisations.

Comme professionnels du développement de carrière, lorsque vous pratiquez au sein d’une organisation, vous avez le pouvoir d’influencer les changements sur la culture et les politiques de celle-ci. L’intrapreneuriat devient donc une alternative intéressante à mettre de l’avant auprès de votre employeur pour combler les besoins des employés désirant de nouveaux défis avant qu’ils ne se tournent vers un nouvel employeur.  Une intervention gagnant-gagnant!

Création d’une entreprise en Ex-nihilo (à temps partiel)

Cette seconde forme d’entrepreneuriat implique de fonder une nouvelle entreprise de A à Z. Celle-ci est souvent perçue comme une obligation, nécessitant que l’employé quitte définitivement son emploi pour s’adonner à temps plein au développement de son entreprise. Pourtant, il est possible de créer et d’opérer son entreprise à temps partiel, c’est-à-dire tout en maintenant un emploi. Il s’agit d’une option qui devrait être considérée au même moment et au même titre que les autres options pour le développement de carrière d’un client.

Démarrer son entreprise à temps partiel offre plusieurs avantages pour l’entrepreneur, dont le maintien de la sécurité financière. Étant l’une des plus grandes barrières empêchant les gens de passer à l’action pour réaliser leur projet d’affaires, le choix de cette forme d’entrepreneuriat à temps partiel élimine ce frein. Puisque l’entrepreneur conserve son emploi, il peut réaliser chacune des étapes du démarrage de son entreprise à son rythme. Il a l’opportunité de prendre le temps d’évaluer les éléments-clés de succès de son entreprise et ainsi, augmenter ses probabilités de réussite. Ce qui peut être négliger lorsqu’il y a une pression financière d’obtenir des revenus rapidement.

Pour y parvenir, il importe que la personne ait un minimum de connaissances et de compétences en entrepreneuriat et en démarrage d’entreprise. Ses formations, ses expériences et ses aspirations doivent être cohérentes avec son projet d’affaires afin d’assurer sa crédibilité en tant qu’entrepreneur. Des ressources existent pour aider les personnes à identifier si la voie de l’entrepreneuriat et de la création d’une entreprise en Ex-nihilo est la bonne, ainsi que pour valider leur idée et leur démarche d’affaires. Que ce soit par des formations, par l’entremise d’un coach d’affaires, par la réalisation d’un plan d’affaires détaillé ou d’un « business model canevas » plus concis, par exemple, plusieurs outils et ressources existent pour faciliter la prise de décision et ainsi, réduire le risque de commettre des erreurs fréquemment rencontrées lors d’un démarrage d’entreprise.

Conclusion

L’entrepreneuriat offre assurément une multitude d’opportunités pour les personnes désireuses de développer leurs connaissances et leurs compétences. Le marché du travail étant en évolution, comme professionnels du développement de carrière, vous avez l’opportunité d’élargir votre boîte à outils pour proposer à vos clients un éventail de possibilités, dont un mélange de travail conventionnel et d’entrepreneuriat. L’ajout de connaissances liées aux cinq formes d’entrepreneuriat, plus précisément à l’intrapreneuriat et à la création d’une entreprise en Ex-nihilo à temps partiel, vous permettra d’offrir plus d’options intéressantes à vos clients et davantage adaptées au marché du travail actuel. Les organisations auront aussi tout intérêt à considérer davantage ces différentes formes d’entrepreneuriat afin de pouvoir retenir leurs employés les plus créatifs et innovants.

Andréanne Leduc est CPA, CA et conseillère à la pratique professionnelle, management et comptabilité de management à l’Ordre des CPA du Québec. Également entrepreneure depuis une dizaine d’années, elle accompagne d’autres entrepreneurs en démarrage et en croissance d’entreprise. Madame Leduc partage aussi son expertise aux organismes en développement économique ainsi qu’aux professionnels en développement de carrière par l’entremise de conférences et d’ateliers. Depuis 2019, elle est l’auteure du blogue Signé D, où elle y ajoute des témoignages et des avis d’experts pour inspirer et motiver les gens à passer à l’action avec leur projet professionnel et entrepreneurial.

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Little girl playing in toy kitchen.Automne 2021

Créer des activités pour le développement de l’identité des jeunes enfants

L’exploration des professions à un âge précoce est importante pour ouvrir les possibilités dans l’imaginaire de l’enfant

Caroline Arsenault

Author headshotY a-t-il un livre qui a marqué votre enfance au point d’avoir influencé votre choix professionnel? Pour moi, ce fut Martine à l’école. Je suivais la protagoniste dans toute sa journée en classe et j’enviais déjà le travail de l’institutrice! C’est sans surprise que je peux dire que cette lecture a eu un impact sur mon propre choix de carrière : l’enseignement a été ma porte d’entrée sur le marché du travail.

Cet exemple banal démontre bien la mécanique qui s’installe dès le plus jeune âge face au développement de l’identité vocationnelle. Les enfants ont le réflexe naturel de s’imaginer dans des professions auxquelles ils ont été exposés. On constate même que, malgré l’accès grandissant à l’information, les ambitions de carrière sont pratiquement déjà établies dès l’âge de sept ans. L’enfant s’imagine déjà dans des professions qu’il peut exercer selon son genre, sa race et son origine socioculturelle et rejette celles auxquelles il ne croit pas pouvoir accéder en plus de celles dont il ignore l’existence.

L’exploration des professions à un âge précoce est donc assez importante pour ouvrir les possibilités dans l’imaginaire de l’enfant. Pour ce faire, certaines lignes directrices doivent être prises en considération afin de rendre cette exploration positive et profitable, tout en laissant l’enfant être un enfant!

Devenir une grande personne, une expérience à la fois : le développement de l’identité des enfants

Nous avons tous vu un enfant faire semblant. Le plus souvent, il mime ce qu’il a déjà vu ou entendu. Lorsque vient le temps de planifier des activités d’apprentissage ou de loisirs, il est donc important de lui présenter des expériences variées à travers desquelles il aura l’occasion de se positionner et développer sa perception de lui-même. Il peut naturellement avoir tendance à choisir des jeux qui lui plaisent. Cependant, lui proposer des activités qui sont moins en lien avec ses gouts et ce qu’il connait déjà pourrait lui ouvrir de nouveaux horizons et enrichir différentes facettes de son identité.

Si l’on se rapporte aux stades de développement de l’identité d’Erickson, on sait que la période couvrant les premières années du primaire est cruciale pour son sentiment de compétence ou d’infériorité face à une tâche. C’est pourquoi les nouvelles expériences méritent d’être présentées de façon ludique et adaptée à son niveau, afin qu’il en retire du positif. En plus d’influencer grandement son tout jeune sentiment d’efficacité personnelle, les activités dans lesquelles il peut vivre des réussites et du plaisir l’amèneront à développer une curiosité saine envers le monde du travail.

Rendre concrète la jungle du travail abstraite : ce que les grandes personnes font vraiment quand ils vont travailler

Ma belle-sœur est conseillère juridique pour une municipalité du Québec. Pas la peine de vous dire que ma nièce de 5 ans n’est pas vraiment exhaustive dans sa description quand on lui demande : « qu’est-ce qu’elle fait comme travail, ta maman? ». Quand on s’y attarde, on se rend compte qu’il existe une panoplie de métiers dont la description est assez obscure ou même inconnue des enfants (et même de plusieurs adultes!).

Il en va de même pour les concepts de champs d’intérêts, de compétences et de qualités, pourtant nécessaires à la construction de soi. La vulgarisation peut s’avérer être un bon défi. C’est pourquoi le recours à des émissions, à des spectacles ou à des livres pour enfants qui présentent les contenus associés au monde du travail peut être d’une grande utilité. En utilisant un langage et des images adaptées au niveau de l’enfant, il devient plus facile de plonger dans l’univers d’un métier moins connu.

De plus, il est très intéressant de faire des liens directs et concrets avec le quotidien de l’enfant. Sans le réaliser, chaque jour, il utilise des espaces et des services publics grâce à différents travailleurs. Par exemple, on peut lui montrer, concrètement, le travail d’un arpenteur-géomètre qui mesure la dénivellation d’un terrain ou encore la composition d’un produit ménager créé par un chimiste. Ainsi, les métiers méconnus deviennent plus familiers par leur proximité avec sa propre expérience.

Les clés d’une belle activité orientante pour jeunes enfants 

Après 40 ans à développer des guides et outils pour différentes clientèles, notre équipe a su identifier certains points à prendre en considération pour qu’une activité et les outils qui l’accompagnent soient propices au développement de l’identité de l’enfant.

1. Ouvrir les horizons et éveiller la curiosité

Quand un outil d’exploration professionnelle est développé, il faut porter une attention particulière au contenu pour que les différents domaines, compétences, profils d’intérêts, environnements et outils de travail soient présentés de manière équilibrée. Ainsi, le jeune est placé devant un éventail varié de possibilités et a l’occasion de se positionner par rapport à celles-ci. Il en va de même pour les niveaux de formation associés aux différents métiers. Le fait de présenter des professions de niveau secondaire à universitaire, sans discrimination, est important, surtout pour un jeune âge. Au préscolaire et premier cycle du primaire, il n’est pas la peine d’insister sur le parcours scolaire pour s’y rendre; on mise surtout sur l’exploration et la découverte de soi et du monde.

2. Rendre l’activité concrète et amusante

En créant des mises en situation ou des occasions d’être au cœur de l’action, l’enfant peut prendre le rôle du professionnel et incarner le métier. Par exemple, organiser une excursion pour créer un herbier peut s’apparenter au travail d’un technicien en biologie. Faire une expérience pour trouver le moyen d’allumer une ampoule avec différents matériaux peut rappeler le travail d’un électricien ou même d’un ingénieur qui résout des problèmes. Les activités de réinvestissement et de synthèse permettent, par la suite, d’exprimer ce qui l’attire et ce qu’il aime moins afin de développer sa capacité à prendre des décisions et à émettre son opinion.

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3. Démystifier le monde du travail et faire des liens avec sa propre expérience

Il ne faut pas craindre de mettre en valeur des termes en lien avec la connaissance de soi, le monde du travail et les domaines spécifiques, tant qu’ils sont présentés dans un vocabulaire compréhensible et appuyés d’exemples concrets. Le recours à des définitions pour les nouveaux mots permet également d’élargir le champ lexical de l’enfant et de lui offrir la possibilité de mieux décrire le monde qui l’entoure, mais aussi de mieux se définir lui-même.

Rendre concret l’abstrait est plus facile avec des mots appropriés et des images claires. Puisque l’enfant est constamment en train d’observer le monde qui l’entoure, de recueillir des informations et de tenter de les organiser dans son esprit, aidons-le à voir ce monde des grands comme un terrain de jeu rempli de défis stimulants!

Caroline Arsenault est conseillère d’orientation ayant également une expérience d’enseignante. Elle travaille chez Septembre éditeur, où elle conseille les professionnels de l’orientation et de l’éducation sur des outils et contenus qui favorisent et facilitent l’intervention orientante pour une clientèle de tous âges. Leur nouvelle collection Mon travail, présentant 30 métiers et activités variées, s’adresse aux enfants de 5 à 8 ans et sera lancée cet automne chez Septembre éditeur!

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Man sitting at desk looking at laptop with pensive expression.Automne 2021

Les professionnels du développement de carrière doivent avoir accès à différents outils pour approfondir leurs connaissances de l’IMT

Malgré l’importance de l’information sur le marché du travail pour la recherche d’emploi, peu de professionnels du développement de carrière sont formés dans ce domaine 

Liz Betsis et Anthony Mantione 

author headshotsCertaines des décisions les plus importantes qu’une personne prendra dans sa vie sont liées à l’éducation et la carrière. Très tôt, nous nous préparons à faire ces choix : durant l’enfance quand nous nous imaginons faire différents métiers; à l’adolescence, quand on nous demande ce qu’on aimerait faire plus tard. Et ça ne s’arrête pas là. Les changements de carrière à mi-parcours sont de plus en plus fréquents et même attendus. Ajoutez à cela une pandémie mondiale, et l’importance de prendre ces décisions importantes en s’appuyant sur une analyse approfondie des faits est on ne peut plus évidente. 

Dans ce contexte, les faits réfèrent aux informations sur le marché du travail (IMT). En clair, l’IMT est toute information qui aiguille les décisions que prennent les Canadiens dans le monde du travail, ce qui inclut les données sur l’éducation, les traitements et les salaires, les exigences d’emploi, les perspectives d’emploi, et toutes autres données liées au marché du travail. Pour pouvoir aider leurs clients à déterminer quels emplois sont offerts et en demande et à développer une carrière durable, les professionnels du développement de carrière (PDC) doivent maîtriser l’IMT, et y avoir accès. Autrement dit, s’ils ne disposent pas des connaissances nécessaires pour trouver et utiliser l’IMT, aider leurs clients à atteindre leurs objectifs de carrière risque d’être plus difficile. 

Une recherche menée par le Conseil de l’information sur le marché du travail (CIMT) a démontré que, au Canada, de tous les professionnels en développement de carrière interrogés, 4  personnes sur 10 trouvent l’IMT difficile à comprendre et seulement 35 % affirment avoir reçu une formation dans ce domaine. L’IMT est essentielle au processus décisionnel des personnes à la recherche d’un emploi au Canada et c’est d’autant plus vrai face à l’incertitude croissante et les besoins urgents provoqués par les répercussions de la COVID-19. 

Pour remédier à ce problème, le CIMT a d’abord proposé de créer une série de guides destinée à former les professionnels du développement de carrière aux méthodes d’utilisation des outils et ressources d’IMT dans un contexte de prestation de services. 15 PDC issus de différents domaines de spécialisations et provenant des quatre coins du Canada ont été invités à un atelier visant à mieux comprendre leurs approches et ainsi déterminer comment l’IMT pourrait être exploitée et quelle forme devrait avoir le guide idéal.  

Deux points importants sont ressortis de cet atelier. Premièrement, la plupart des sources d’IMT utilisent un jargon lourd et nécessitent des connaissances spécialisées ou un investissement afin d’être cernées et comprises. Ce qui amène les PDC à s’appuyer davantage sur des sources d’IMT informelles tels les réseaux sociaux ou sur leurs propres perceptions. Deuxièmement, les PDC veulent améliorer leurs connaissances en matière d’IMT, mais il existe peu d’options peu coûteuses, souples et autodirigées, voire aucune, permettant aux PDC d’obtenir un soutien pratique pour intégrer efficacement l’IMT dans leurs pratiques.  

Ghassene Jerandi, LMIC

Les PDC, en particulier ceux ayant un contact direct avec la clientèle, sont incroyablement occupés. Ils servent des clients dans tout le pays ayant des besoins uniques et variés. Bien que la plupart des clients souhaitent obtenir de l’aide pour décrocher un emploi, certains enjeux d’employabilité doivent d’abord être traités. Par exemple, les PDC sont souvent amenés à aider leurs clients à trouver des solutions de transport, des services de garde et des services de santé mentale avant même d’aborder les questions d’emploi. Ce qui veut dire qu’ils n’ont pas le temps de lire des rapports volumineux et exhaustifs sur l’IMT. Si certains ont recours à des sources informelles, d’autres se tournent vers un collègue désigné officieusement comme la personne responsable de l’IMT au sein de leur organisation. 

Le rôle crucial que joue l’IMT pour aider les clients à cibler des objectifs professionnels réalistes et atteignables est reconnu. La Fondation canadienne pour le développement de carrière (FCDC), avec le soutien d’Emploi et Développement social Canada et différents intervenants du secteur, a élaboré un nouveau cadre de compétences pour les professionnels du développement de carrière. Ce dernier désigne la capacité de maintenir à jour ses connaissances du marché du travail comme l’une des compétences de base. Les connaissances de l’IMT sont également évaluées dans le cadre de la nouvelle certification professionnelle pancanadienne. 

Le CIMT a donc proposé la création d’une microcertification pour aider les professionnels du développement de carrière à approfondir leurs connaissances de l’IMT. Elle comprend plusieurs modules d’apprentissage indépendants, fondés sur le nouveau cadre de compétences pour les PDC. Ainsi, les professionnels du développement de carrière disposeront des compétences et des connaissances relatives au marché du travail canadien requises pour obtenir la nouvelle certification professionnelle pancanadienne. Chaque module – qui peut être suivi individuellement – durera environ une heure et comprendra une variété d’activités et d’évaluations pour stimuler la participation et évaluer l’apprentissage. Les personnes qui choisiront de suivre tous les modules de la série seront admissibles à un microcertificat approuvé par le CIMT et la FCDC. Le premier module devrait être au point au début de l’année 2022 et les autres modules suivront tout au long de l’année. 

Les PDC ont souvent du mal à trouver et à utiliser l’IMT alors qu’ils doivent répondre aux besoins uniques d’une clientèle hétérogène. La maîtrise de l’IMT par les PDC –la connaissance du marché du travail et les compétences requises pour aider les clients à trouver et à utiliser l’information nécessaire à leur prise de décision – est une compétence importante, mais pour laquelle il existe peu ou pas de formation. Les PDC doivent avoir accès à des outils et à des ressources libres et faciles d’accès. La création d’un microcertificat en IMT leur permettra d’acquérir les connaissances et les compétences nécessaires pour utiliser ces outils. Ils pourront ainsi mieux répondre aux divers besoins de leurs clients dans un marché du travail émergent et en constante évolution. 

Liz Betsis est économiste au Conseil d’information sur le marché du travail (CIMT), où elle contribue aux projets de recherche actuels et prospectifs sur l’avenir du travail, l’innovation et la formation du capital humain. Issue du milieu des arts visuels, elle aime toujours créer et découvrir de nouvelles œuvres. 

Anthony Mantione est économiste principal au Conseil d’information sur le marché du travail (CIMT), où il étudie et analyse principalement des questions relatives aux besoins en compétences du marché du travail canadien. Pour ce faire, notamment, il cerne et mesure les pénuries de main-d’œuvre et les déficits de compétences, explore les nouvelles technologies de classification des compétences et développe des outils visant à favoriser l’accessibilité de l’IMT. 

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fountain pen on notebookAutomne 2021

Mot de l’éditrice

Lindsay Purchase

Dans vos rêves les plus fous, quelle image avez-vous du développement de carrière au Canada? Quelle est votre vision d’un système idéal, d’un état d’esprit, d’une approche ou d’une ressource qui aiderait les gens à chaque étape de leur carrière?

Dans le tourbillon de nos activités quotidiennes, ce genre de réflexion sur la vue d’ensemble est très vite oubliée. Visualiser ce qui pourrait être ne semble pas toujours pratique, quand il faut travailler dans les limites de ce qui est. Mais dans ce numéro du magazine Careering sur le thème « Le développement de carrière repensé », nous espérons susciter des questions et un dialogue sur les changements que les gens souhaitent voir dans le domaine. Vous ne pouvez pas le réaliser, si vous ne pouvez pas l’imaginer.

Après dix-huit mois de pandémie aux effets perturbateurs et souvent dévastateurs, nous sommes arrivés à un moment qui semble propice pour la réflexion. Ce numéro de Careering se penche à la fois sur le chemin parcouru – les changements qui ont été apportés dans le secteur, par choix ou par nécessité – et sur le chemin que doit prendre le développement de carrière au Canada. Les stratégies, les études de cas et les idées présentées par les auteurs de ce numéro sont le reflet d’une ferme conviction que nous pouvons faire mieux qu’un simple retour à la « normale ».

Il y en a pour tout le monde dans ce numéro – offert exclusivement en ligne à ceric.ca/fr/magazine-careering – avec des articles sur l’éducation au choix de carrière, de la maternelle à la fin du secondaire et au niveau postsecondaire; la reconsidération des méthodes de développement de la main-d’œuvre; les services d’orientation de carrière hybrides; les milieux de travail inclusifs; l’évaluation et la communication de la valeur du développement de carrière; et bien plus encore.

Et vous ne voudrez pas manquer notre page multimédia qui publie les réponses des lecteurs à la question « Quelle est votre vision idéale du développement de carrière au Canada? » Vos idées sur l’avenir du secteur alimentent notre enthousiasme et notre espoir quant aux nombreuses possibilités qui nous attendent!

Alors que vous composez avec votre horaire chargé et les nouveaux défis de l’automne, nous espérons que vous accorderez aussi du temps à la réflexion et aux conversations sur la façon dont nous pouvons tous repenser le développement de carrière.

Bonne lecture – et, voyez grand!

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Young woman wearing backpack sitting on rock in forested area overlooking water.Automne 2021

L’importance d’une approche globale de la personne dans le développement de carrière chez les Autochtones

Les intervenants en développement de carrière autochtones intègrent la vision du monde de l’interdépendance dans leur pratique pour offrir des services tous azimuts

Tina-Marie Christian, Seanna Quressette et Kevin Ned

Author headshotsVous rappelez-vous votre première conversation, enfant, sur l’éducation et le rapport au travail? Quel âge aviez-vous? Étiez-vous avec vos parents, vos grands-parents, votre tante favorite ou votre oncle préféré?

Vous avez peut-être oublié cette conversation depuis longtemps. À l’époque, vous n’avez pas réalisé que celle-ci – et les suivantes – modèleraient votre vision de l’éducation et de l’emploi. Chez les Autochtones, ces conversations étaient bien différentes.

Le développement de carrière dans une perspective autochtone est à la fois similaire et qualitativement différent du développement de carrière dans une perspective allochtone. Un important contexte historique façonne l’expérience éducative et professionnelle de certains membres des premiers peuples, sans compter ce qui est vécu aujourd’hui et qui a également une portée sur le parcours professionnel des travailleurs autochtones.

L’idée d’une approche identique pour tout le monde de l’orientation professionnelle est dépassée. Les pratiques actuelles de counselling d’emploi sont beaucoup plus axées sur les besoins individuels – il s’agit d’une approche centrée sur la personne. Et c’est particulièrement vrai pour le client autochtone à la recherche d’un emploi. Avant de nous pencher en profondeur sur les débouchés actuels et futurs qui s’offrent aux Autochtones, nous devons marquer un temps d’arrêt pour réfléchir à la source des connaissances et aux expériences de vie qui façonnent leurs choix.

L’héritage traumatique des pensionnats

La nouvelle de la découverte récente de sépultures anonymes d’enfants sur les sites d’anciens pensionnats autochtones canadiens affecte toutes les communautés autochtones. Les survivants des pensionnats et leurs enfants et petits-enfants revivent le traumatisme de ces écoles.

En 1996, un rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones a révélé les traumatismes et les sévices subis par plusieurs générations forcées de fréquenter les pensionnats pour Autochtones. Ces établissements disaient scolariser et acculturer les élèves autochtones. Dans les faits, on y offrait un enseignement où l’endoctrinement religieux, les travaux domestiques et agricoles et la servitude prenaient le pas sur l’éducation. Le cadre éducatif et les réalisations scolaires étaient médiocres.

De nombreux enfants de survivants des pensionnats ont arrêté leurs études dès l’âge permis, à 16 ans. En outre, il n’était pas facile de faire des études postsecondaires, faute de soutien ou d’intérêt de la part de l’entourage à cet égard. La fréquentation du système scolaire canadien n’était d’ailleurs pas valorisée par la famille. Pour compliquer les choses, le système patriarcal du ministère des Affaires indiennes créait de nombreux obstacles aux études postsecondaires. Comme on le remarque dans l’ouvrage A Short History of Aboriginal Education in Canada publié en 2009, peu d’élèves dépassaient le niveau primaire, quel que soit le nombre d’années passées à l’école. Les auteurs rapportent qu’en 1930, seuls 3 % des élèves autochtones avaient dépassé la sixième année, et que les trois quarts de tous ceux qui étaient scolarisés étaient en première, deuxième ou troisième année.

L’ancien pensionnat de Kamloops où les restes de 215 enfants ont été retrouvés. (iStock)

Cette situation a empêché de nombreux Autochtones d’accéder au marché du travail. Certains aînés croient que c’était à dessein, car les lois entravaient également les efforts en matière d’entrepreneuriat et d’emploi en restreignant la mobilité et en empêchant l’accès aux capitaux. Les agents des Indiens employés par le ministère fédéral des Affaires indiennes devaient fournir des laissez-passer pour quitter la réserve, limitant ainsi l’accès au marché du travail.

Lorsque les étudiants autochtones parvenaient à accéder à l’enseignement supérieur, ils étaient souvent mal préparés sur le plan scolaire et estimaient que les méthodes d’enseignement ne correspondaient pas à leur façon d’apprendre et d’acquérir des connaissances. Le traumatisme intergénérationnel et l’impact des pensionnats continuent d’affecter les chercheurs d’emploi et les étudiants d’aujourd’hui. De nombreux enfants de survivants des pensionnats ont connu des problèmes de santé mentale, notamment d’anxiété et de toxicomanie, au cours de leurs études postsecondaires.

Bâtir un avenir meilleur en éducation

La progression naturelle de l’apprentissage par la découverte et l’ascension scolaire continue dont les Canadiens ont bénéficié n’a rien à voir avec l’approche autocratique et paternaliste prescrite par les Affaires indiennes. La colonisation a fait fi de tout le processus de développement vécu par les Canadiens lors de la révolution industrielle. Les peuples autochtones sont passés d’un apprentissage et d’un enseignement traditionnels sur le terrain à une approche très structurée en classe qui ne faisait pas de place à l’apprentissage par l’expérience.

« Beaucoup apprennent mieux dans un contexte relationnel, par l’expérience pratique, en ayant l’objet d’étude sous les yeux. »

Malgré les défis auxquels ils ont été confrontés, les dirigeants autochtones et leurs communautés ont maintenu le cap sur l’autonomie. Le lobbying politique formel a commencé dès 1972 par la publication de la déclaration de principe La maîtrise indienne de l’éducation indienne par la Fraternité des Indiens du Canada (maintenant l’Assemblée des Premières Nations), un document qui a été le fer de lance des changements apportés au système éducatif pour les populations autochtones.

Les établissements d’enseignement commencent à comprendre les difficultés que rencontrent certains étudiants autochtones et adoptent des méthodes d’apprentissage plus inclusives, avec le soutien d’aînés, de défenseurs des intérêts des Autochtones et de centres d’apprentissage autochtones. Beaucoup apprennent mieux dans un contexte relationnel, par l’expérience pratique, en ayant l’objet d’étude sous les yeux. Dans une vision du monde intégrée autochtone, l’apprentissage fait appel au cœur, à l’esprit et au corps. Le mode de transmission du savoir autochtone implique l’explication de la raison d’être de l’apprentissage, la compréhension des relations qui se construisent à travers l’apprentissage et l’utilisation d’images et d’exemples concrets dans l’enseignement.

En mars 2021, le Conference Board du Canada a indiqué qu’il existe au pays plus de 80 établissements autochtones qui desservent plus de 10 000 étudiants par an, une augmentation de 15 % en 15 ans. C’est grâce à ces établissements que nous commencerons à voir des changements significatifs dans les taux de poursuite des études et de diplomation des étudiants autochtones au niveau postsecondaire.

Une fiche d’information publiée en 2018 par l’Assemblée des Premières Nations sur l’éducation autochtone révèle que près de la moitié (47 %) des Autochtones ayant fait des études postsecondaires ont obtenu un diplôme collégial. Parmi les facteurs qui continuent d’affecter les étudiants autochtones figurent le manque de confiance ou de préparation, le fait que ce ne soit pas une priorité personnelle, le coût, les responsabilités personnelles ou familiales et la santé.

Entrer sur le marché du travail

D’autres obstacles encore se dressent entre les Autochtones et l’emploi. Le faible niveau d’alphabétisation, par exemple, est une barrière à l’embauche qui trouve son origine dans les traumatismes intergénérationnels et l’histoire coloniale. Sur le plan pratique, il y a aussi l’accès limité aux garderies et aux transports ou encore l’absence de permis de conduire, qui découlent en partie de l’éloignement de certaines communautés. Les différences culturelles, les compétences en matière de communication, les normes sociales et les stéréotypes jouent tous également sur l’accès à l’emploi des Autochtones.

Parmi les stéréotypes se trouve l’image déformée que se font la plupart des allochtones des réserves, souvent caractérisée par la pauvreté et le manque de débouchés. C’est sans penser au développement économique qui a cours dans de nombreuses communautés ni aux services polyvalents dont leurs membres bénéficient, notamment en matière d’éducation, d’emploi, de santé, de santé mentale et de développement social.

Ces services jouent un rôle important pour aider les étudiants et les personnes en recherche d’emploi – et risquent être sollicités encore davantage à l’avenir, la population active autochtone augmentant trois à cinq fois plus vite que la population active dans son ensemble. Le soutien à la jeunesse, particulièrement, pourrait prendre une importance capitale, comme environ la moitié de la population autochtone a moins de 25 ans.

Le rôle des intervenants en développement de carrière autochtones

Heureusement, il existe aujourd’hui de nombreux programmes de formation solides – à l’intérieur et à l’extérieur des réserves – pour aider les Autochtones en recherche d’emploi. Ces programmes de formation comprennent la formation professionnelle et la formation générale.

Il faut noter que, souvent, les services ne s’arrêtent pas à l’orientation professionnelle. S’inscrivant ainsi dans la vision du monde de l’interdépendance, les conseillers d’orientation professionnelle autochtones sont souvent chargés d’aider leurs clients de diverses manières, qu’il s’agisse de les orienter vers des services de counselling ou de toxicomanie, de gérer les données relatives aux clients, d’organiser des entretiens de premier contact, de contribuer à la préparation des CV ou d’aider les travailleurs à communiquer avec les employeurs.

C’est cette vision globale du monde et de la personne qui rend l’intervenant en développement de carrière autochtone si précieux. Financé par le gouvernement fédéral et offert par Emploi et Développement social Canada, le Programme de formation pour les compétences et l’emploi destiné aux Autochtones est conçu pour aider les peuples autochtones à améliorer leurs compétences et à trouver un emploi.

Ressources pour les intervenants en développement de carrière afin de mieux soutenir les clients autochtones :

Le Programme de formation finance les organismes de prestation de services autochtones qui conçoivent et offrent des services de formation professionnelle aux membres des Premières Nations, aux Inuits, aux Métis et aux Autochtones vivant en milieu urbain ou non affiliés dans leurs collectivités. Il propose également de la formation sur le cheminement professionnel et une certification pour les conseillers en développement de carrière autochtones (intervenant en développement de carrière certifié).

L’un des grands avantages du Programme de formation est le sentiment de sécurité qui peut naître chez le client autochtone du fait d’être en relation avec un autre membre des peuples autochtones. Ces intervenants en développement de carrière autochtones connaissent les protocoles, ne sont pas choqués par le vécu des familles et sont capables d’entrer en relation avec les clients à toutes les étapes de leur parcours professionnel.

De plus, l’intervenant autochtone sert de modèle à ceux qui entrent ou reviennent sur le marché du travail. Ils le voient comme l’un des leurs qui a suivi une formation et qui est maintenant là pour offrir des services.

Les intervenants en développement de carrière autochtones jouent également un rôle important en renseignant les employeurs sur la manière de travailler avec des employés autochtones, et aident les entreprises à se familiariser avec la culture et l’histoire autochtones ainsi qu’avec les protocoles liés à l’emploi.

Les diplômés autochtones du programme d’intervention en développement de carrière du Collège Douglas ont de nombreuses belles histoires à raconter, qui nous rappellent le travail colossal restant à accomplir sur le chemin de la réconciliation. Car se souvenir est le premier pas vers une nouvelle vision d’avenir.

Tina-Marie Christian, M.A. en gestion organisationnelle, B.Ed., originaire de la Nation Syilx (Okanagan) et membre de la Première Nation Splatsin (Enderby, C.-B.). Mme Christian est titulaire d’une maîtrise ès arts en gestion organisationnelle, d’un baccalauréat en éducation (des adultes) et d’un diplôme associé en administration des affaires (marketing). Elle a plus de 40 ans d’expérience de travail au sein d’organisations autochtones dans les domaines de l’éducation et du développement du personnel, de la défense des droits, du développement communautaire et personnel, et de la santé et du bien-être. Mme Christian donne le cours de développement de carrière autochtone au Collège Douglas. 

Seanna Quressette, M.Ed., CCDP, a plus de 30 ans d’expérience en développement de carrière et enseigne depuis plus de 20 ans aux intervenants en développement de carrière autochtones. Mme Quressette est coordonnatrice de la formation professionnelle continue à la faculté des études communautaires appliquées du Collège Douglas.

Kevin Ned est membre de la bande de la haute Nicola et intervenant en formation à l’emploi pour la Première Nation de Westbank. M. Ned œuvre dans le domaine de la formation et de l’emploi depuis plus de 20 ans, dont 14 ans à titre de directeur de l’enseignement pour la bande d’Okanagan. Il a également été conseiller de bande pendant 12 ans et possède un diplôme en gestion du Nicola Valley Institute of Technology, un certificat en intervention en développement de carrière et un certificat de praticien en compétences essentielles du Collège Douglas.

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