Justifier les pauses personnelles dans un contexte professionnel
Aider les clients à réfléchir à leur interruption professionnelle afin qu’ils puissent y faire face en toute confiance lors de la recherche d’emploi
Marie-Hélène Collin, Éric Damato et Mélanie Grégoire
La vie nous amène son lot d’imprévus et de surprises qui se répercutent sur notre trajectoire professionnelle. Que ce soit un congé de maladie, un accident, une année sabbatique ou un congé de maternité/paternité qui se prolonge, les interruptions professionnelles font vivre une panoplie d’émotions. Parfois, elles sont positives; d’autres fois, elles se rapprochent d’un niveau plus ou moins élevé de détresse.
Certaines personnes prennent volontairement une pause entre deux emplois pour se refaire une santé psychologique avant de reprendre le travail. D’ailleurs, lorsque cela est possible et souhaitable, il n’est pas rare qu’un conseiller propose à son client de prendre un recul avant d’entamer une recherche active d’emploi.
Peu importe les raisons qui motivent les interruptions de la vie professionnelle, celles-ci peuvent être difficiles à justifier sur un curriculum vitae ou en entrevue de sélection. Certaines personnes s’inquiètent des « trous » dans leur parcours. D’autres, en apparence plus ingénieux, trichent en allongeant des dates d’emplois ou en changeant de titre d’emploi. Cette stratégie est risquée, car les entreprises peuvent vérifier la véracité des informations indiquées dans les CV. Cela pourrait même être vu comme une fraude justifiant un congédiement. C’est également inutile, car à compétences égales, la majorité des employeurs s’intéressent davantage au « savoir-être » des candidats, à leur personnalité. Le « savoir-faire », lui, peut s’enseigner en cours d’emploi.
Ainsi, plusieurs chercheurs d’emploi cherchent à « combler les trous dans leur CV » ou à « expliquer les embuches » qu’ils ont traversées pour augmenter leurs chances de décrocher le poste convoité. Au fond, comment justifier a posteriori leur décision d’avoir pris une pause professionnelle? Nous vous proposons d’évaluer la question selon une approche où vous tenez compte de plusieurs facteurs, puisque la réponse dépend de la nature de la pause, des pertes et des gains perçus, de même que de l’attitude de la personne qui a pris la décision. Chaque situation comporte des avantages et des inconvénients; pendant que certains la considèrent comme une opportunité, d’autres la décrivent comme une incontournable barrière à surmonter.
Le rôle du conseiller en développement de carrière
Le conseiller en développement de carrière est formé pour aider à distinguer les faits des émotions, de façon à les traduire en expériences, en compétences et en habiletés susceptibles d’enrichir le profil d’employabilité de son client.
Son rôle est d’amener à la conscience de son client ce qu’il a appris de son expérience et la manière de l’interpréter. Au moment où le client évalue la pertinence de révéler sa pause professionnelle, le conseiller l’aide à prendre une décision éclairée sur l’information à divulguer.
Il est alors primordial que le conseiller fasse preuve de vigilance : il doit trouver le meilleur moyen d’aider son client, sans lui dicter « quoi et comment faire ». Il revient au client de « se faire une tête » par lui-même sur la question, dans le respect de ses propres valeurs et du discours qu’il souhaite mettre de l’avant pour adresser (ou non) ce chapitre personnel de sa vie.
Pour aider le client à approfondir sa réflexion, nous proposons de lui poser certaines questions qui lui permettront de mettre des mots sur ses expériences de vie dans un contexte professionnel :
- Qu’est-ce qui a justifié cette exclusion temporaire du marché du travail?
- Qu’a-t-il appris?
- Quelle(s) compétence(s) particulière(s) a-t-il eu l’occasion de développer?
- Quel sens donne-t-il à cette période?
- Comment transposer cet enrichissement dans le cadre professionnel souhaité?
- En quoi cette période de recul a-t-elle été nécessaire (le cas échéant) sur le plan professionnel ?
Transformer les expériences vécues en forces transférables
Voici d’abord quelques exemples concrets de situations de vie qui ont permis à des personnes qui ont vécu des pauses professionnelles de développer des forces transférables.
Exemples de situations qui ont mené à une pause professionnelle | Forces développées |
Accident qui nécessite de suivre un programme de réadaptation |
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Désir de faire du bénévolat dans un organisme communautaire |
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Désir de faire du volontourisme |
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Nécessité de prendre soin d’un proche malade ou en fin de vie |
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Désir d’abandonner un travail ou un contexte professionnel insatisfaisant |
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Tout au long de cet échange, il est tout à fait pertinent de faire appel à la créativité positive pour transformer les expériences vécues en développement des compétences qui améliorent le « savoir-être » en continu. D’où la pertinence de se faire accompagner par un professionnel pour objectiver les circonstances et leur impact sur sa vie professionnelle.
Une fois que le client a identifié ce qu’il souhaitait évoquer sur son CV et en entrevue de sélection, le conseiller peut émettre son opinion sur la façon de présenter l’information.
Par exemple, il peut lui proposer de changer la chronologie de ses expériences pour mettre l’emphase sur ses compétences, lui suggérer de retirer quelques courtes expériences peu significatives afin d’alléger le contenu, ou encore lui conseiller de grouper ses expériences pour réduire l’impression d’instabilité causée par ses fréquents changements d’emploi. Tout est dans l’attitude et l’art de dire les choses.
Au-delà des mots, qu’est-ce qui est le plus important?
On dit que le fait de trouver un sens à une situation qui semble avoir dérivé du chemin initialement tracé peut en changer la perception complète. En ce sens, le fait d’être bien avec le discours avancé lui donne toute sa crédibilité.
Marie-Hélène Collin est conseillère d’orientation depuis plus de 15 ans et associée, services aux individus chez Brisson Legris.
Éric Damato est conseiller d’orientation organisationnel depuis plus de 20 ans et associé, services organisationnels chez Brisson Legris.
Mélanie Grégoire est co-propriétaire de la firme Brisson Legris, titulaire d’une maîtrise en sociologie, spécialisée en réintégration professionnelle, titulaire de la désignation RVP, auteure et conseillère en réintégration professionnelle depuis plus de 20 ans.