Diplômés universitaires et sous-employés : pistes d’intervention
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13 juin, 2016Par Émilie Grégoire
Nous parlons beaucoup plus souvent du chômage que du « sous-emploi », mais les jeunes Canadiens affichent le deuxième taux de sous-emploi le plus élevé de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), ce qui entraîne des conséquences négatives tant pour les personnes que pour l’ensemble de l’économie
Le marché du travail se révèle fort plus complexe que le fait d’être en emploi ou de ne pas l’être. Contrairement à la problématique – très visible – du chômage, le sous-emploi est quant à lui rarement abordé[1]. Il présente des conséquences importantes sur la main-d’œuvre car il ne lui permet pas d’utiliser à sa juste valeur les compétences qu’elle possède.
Le sous-emploi, la surqualification et la sous-utilisation sont des notions apparentées, mais elles ne sont pas tout à fait équivalentes. Le sous-emploi a trait principalement aux personnes qui ont un emploi mais dont les compétences et la disponibilité à travailler sont sous-utilisées. La surqualification, quant à elle, ne concerne que les personnes dont les compétences sont sous-utilisées mais ne tient pas compte des différences relatives à leur situation sur le marché du travail. La sous-utilisation est une notion plus inclusive en ce qu’elle englobe les sous-employés et les surqualifiés, mais s’étend également aux personnes découragées par la recherche d’emploi qui ont renoncé à offrir leurs services sur le marché du travail [2].
« La jeunesse du Canada est extrêmement bien instruite, mais possède également le deuxième taux de sous-emploi le plus élevé parmi les pays de l’OCDE »[3]. Le Congrès du travail du Canada rapporte que le taux de sous-emploi, au Canada en 2013, était de 14,2 %, soit le double du taux de chômage de 7,1 %[4]. Entre 2007 et 2011, la proportion de jeunes qui estimaient être en situation de sous-emploi aurait presque doublé, passant de 2,2 % à 4,0 %[5]. Pour les jeunes de 15 à 24 ans pour la même année, 27,7 % vivaient en situation de sous-emploi, soit plus de deux fois leur taux de chômage (13,7 %)[6]. Environ 24,6 % des jeunes détenant un baccalauréat en 2005 vivaient une situation de sous-emploi puisque leur métier ou profession n’exigeait pas d’études universitaires[7].
Il semble ardu de bien comprendre les causes du sous-emploi. Naturellement, la scolarisation de plus en plus importante des jeunes augmente leur risque de se retrouver dans cette situation. Le sous-emploi peut également être influencé par l’offre et la demande changeantes en termes de diplômes, les progrès technologiques et l’hétérogénéité des travailleurs[8]. D’autres facteurs indirects peuvent également influencer le sous-emploi, tels que la structure de l’économie, la migration des jeunes ainsi que la qualité de l’information sur le marché du travail (IMT)[9]. En ce qui a trait à l’IMT, il est avant tout question de jumelage entre l’offre et la demande de travailleurs[10]. En effet, pour effectuer un choix éclairé, les jeunes doivent disposer des bons renseignements tant sur les programmes disponibles que sur les besoins des employeurs et sur les compétences pouvant faire l’objet de rareté de main-d’œuvre. Également, les employeurs exigent parfois des niveaux d’éducation, d’expérience professionnelle et de compétences plus élevés que ce que le poste requiert en réalité[11], une situation que le CCJ a également constaté à quelques reprises dans le passé.
En somme, il semblerait qu’aucune analyse approfondie n’ait été réalisée pour bien comprendre les causes du sous-emploi en contexte canadien[12].
Les conséquences, pour les jeunes, semblent être davantage de l’ordre des disparités entre l’apprentissage acquis durant les études et les compétences auxquelles l’expérience professionnelle donne accès[13]. Les jeunes immigrants présenteraient les taux de sous-emploi les plus élevés[14]. En effet, à l’instar du CCJ, Statistique Canada soulève quelques raisons pour lesquelles les immigrants vivent davantage en situation de sous-emploi : arrivée récente au pays, manque d’information sur le marché du travail et faible réseau de contacts professionnels[15].
De façon générale, le sous-emploi entraîne une déqualification ou dégradation des compétences, qui à son tour agit sur la qualité de la main-d’œuvre et la productivité d’une nation :
Le chômage et le sous-emploi des jeunes génèrent des coûts élevés en matière sociale et économique, qui entraînent non seulement un ralentissement économique, mais aussi une érosion de la base d’imposition, des dépenses de sécurité sociale accrues et un investissement inutilisé dans l’éducation et la formation[16}.
En 2013, l’OCDE lance son plan d’action pour les jeunes afin d’une part de lutter contre le sous-emploi et d’autre part d’élargir leurs perspectives d’emploi à long terme.
La même année, le CCJ propose dans son avis sur les transitions entre l’école et le marché du travail qu’une analyse approfondie soit menée afin de mieux comprendre les causes et les conséquences du sous-emploi, en portant une attention particulière aux jeunes[17].
La Fondation canadienne en développement de carrière soulève plusieurs pistes de solutions, telles que le soutien aux partenariats industrie-études, l’investissement dans les stages rémunérés et les programmes coopératifs ainsi que des incitatifs financiers, pour les employeurs, afin d’embaucher les jeunes et leur offrir une formation plus pratique pour favoriser leur maintien en emploi[18].
Bien que le sous-emploi touche particulièrement les travailleurs, ses effets se répercutent également tant sur les entreprises que sur l’économie dans toute sa globalité. Cela représente autant de raisons pour lesquelles nous devons en connaître davantage sur le sous-emploi pour agir rapidement afin d’en réduire les effets.
Émilie Grégoire possède une formation en administration publique et en administration des affaires. Elle cumule plus de 10 années d’expérience en gestion et coordination de projets, en développement organisationnel et en demandes de financement. Les quatre dernières années lui ont permis de développer une solide expertise dans le secteur de l’employabilité des jeunes. Entre autres choses, elle rédige des avis et mémoires destinés au gouvernement du Québec et qui portent sur les problématiques d’emploi vécues par les jeunes de 18 à 35 ans.
Le Comité consultatif Jeunes (CCJ) a la responsabilité de définir les problématiques vécues par les jeunes dans leurs démarches d’intégration, de réintégration et de maintien en emploi. Il est composé de 15 membres issus d’employeurs, de syndicats, de regroupements étudiants, d’organismes en employabilité, en développement régional ou en défense de droits (ccjeunes.org). Il est financé par la Commission des partenaires du marché du travail (CPMT).
[1] Association des comptables généraux accrédités (CGA) du Canada. 2012. Le chômage des jeunes au Canada : bousculer les idées reçues, 69 pages. Repéré à : http://www.cga-canada.org/fr-ca/ResearchReports/ca_rep_2012-10_youthunemployment_f.pdf, p. 17.
[2] CGA, 2012, p. 37.
[3] Fondation canadienne pour le développement de carrière (FCDC). 2015, Septembre. Communiqué de presse : Les partis doivent agir face au sous-emploi et au chômage chez les jeunes. Repéré à : https://www.ccpa-accp.ca/wp-content/uploads/2015/09/PressRelease_CCDF_Sept4.2015_FR.pdf.
[4] Congrès du travail du Canada. 2014. Underemployment is Canada’s Labour Market Challenge: A Profile of Canada’s Labour Market, note de recherche. Repéré à : http://canadianlabour.ca/sites/default/files/media/2014%20-%20CLC%20Underemployment%20Is%20Canadas%20Real%20Challenge.pdf, p. 5.
[5]CGA, 2012, p. 12.
[6] Congrès du travail du Canada, 2014, p. 4.
[7] CGA, 2012, p. 12.
[8] CGA, 2012, p. 13.
[9] CGA, 2012, p. 13.
[10]CGA, 2012, p. 58.
[11] Canada2020. Le chômage et le sous-emploi chez les jeunes : obstacles à la réalisation du plein potentiel économique du Canada, 25 pages. Repéré à : http://canada2020.ca/wp-content/uploads/2014/11/2014_Canada2020_PaperSeries_FR_Issue-04_FINAL.pdf, p. 6.
[12] CGA, 2012, p. 13.
[13] CGA, 2012, p. 17.
[14] Canada 2020, 2014, p. 8.
[15] 2013. La situation des jeunes a-t-elle changé au Canada? Regards sur la société canadienne. 12 pages. Repéré à : http://www.statcan.gc.ca/pub/75-006-x/2013001/article/11847-fra.pdf, p. 1.
[16] Organisation internationale du travail (OIT). 2012. Un guide pratique pour les organisations d’employeurs – Relever les défis de l’emploi des jeunes, 134 pages. Repéré à : http://www.ilo.org/public/french/dialogue/actemp/downloads/projects/tackling_ye_guide_fr.pdf, p. 1.
[17] Comité consultatif Jeunes. 2014. Les transitions des jeunes entre l’école et le marché du travail, 33 pages, p. 12.
[18] Fondation canadienne pour le développement de carrière (FCDC). 2015, Septembre. Communiqué de presse : Les partis doivent agir face au sous-emploi et au chômage chez les jeunes. Repéré à : https://www.ccpa-accp.ca/wp-content/uploads/2015/09/PressRelease_CCDF_Sept4.2015_FR.pdf.