Par Caterina Mamprin

Le bien-être est un concept fréquemment discuté depuis les vingt dernières années. Dans la littérature scientifique, le bien-être est tantôt perçu comme la somme des facteurs positifs et négatifs vécus par l’individu (Diener et al., 1985), où l’individu est plutôt passif, ou encore l’engagement actif de l’individu dans sa croissance personnelle (Waterman et Kroger, 1993). Le bien-être est alors associé à une démarche à plus long terme. Cette dernière se rapproche davantage du développement professionnel. Certains auteurs lient ces deux conceptions du bien-être au travail pour arriver à avoir une conception plus holistique de ce phénomène.

Au travail, il est possible de mettre sur pied des activités collectives qui favorisent, à la fois, la gestion des facteurs positifs et négatifs au quotidien et qui permettent aux travailleurs d’avoir accès aux ressources nécessaires pour tendre aussi vers la croissance et le développement professionnel. Plus précisément, nous avons étudié un groupe de parole conçu et mené pour favoriser le bien-être au travail, offert à des enseignants au secondaire. Alors que ce contexte était très particulier, nous croyons que celle-ci peut être adaptée à d’autres secteurs d’activité.

Les groupes de parole consistent à créer un espace sécuritaire où les travailleurs peuvent s’exprimer et partager des ressentis, des émotions ou des pensées et discuter de questions communes (Bouville, 2005). Il est important de distinguer cette activité d’une thérapie de groupe. Dans le cas de notre recherche, ceux-ci avaient lieu une fois par mois durant deux heures (huit rencontres), sur le lieu de travail. Il est important, pour favoriser l’expression libre dans le cadre de ces activités de favoriser un climat « sécuritaire » pour la parole en s’assurant que les individus adoptent une attitude de non-jugement et que les informations discutées dans les groupes de parole demeurent confidentielles. Dans le cas de notre recherche, un animateur, ayant une formation en psychologie, s’assurait que ces éléments soient respectés. Au regard de nos résultats, il est possible de percevoir plusieurs avantages pour ce type d’activité, autant pour le bien-être que le développement professionnel, et ce, au niveau individuel, interpersonnel et organisationnel.

En ce qui concerne le bien-être au travail et le développement professionnel au niveau individuel, les enseignants ont perçu le groupe comme un élément positif de leur environnement de travail; ils pouvaient partager et échanger sur des enjeux et des défis vécus au quotidien avec d’autres enseignants qui vivaient des situations à la fois similaires et différentes. Les membres du groupe pouvaient donc apporter un autre éclairage sur les thèmes abordés. Pour certains, cela leur a permis de se remettre en question et de trouver des façons d’améliorer des aspects de leur travail. Donc, au regard du bien-être au travail et du développement professionnel, le groupe de parole leur permettait de se libérer des tensions qu’ils vivaient au quotidien, mais aussi de s’engager dans une démarche de développement professionnel et personnel en questionnant leurs pratiques et en trouvant des solutions pour réaliser les changements nécessaires.

Dans une perspective interpersonnelle, les individus ont pu sympathiser avec des enseignants qui vivaient des situations similaires à la leur et identifier des participants qu’ils pourraient solliciter en cas de problème. Les groupes leur ont également permis de discerner si les enjeux vécus étaient de nature individuelle ou collective. En ce sens, à la fin, les enseignants ont demandé à l’animateur de partager certains de leurs constats avec l’organisation.

Finalement, au niveau organisationnel, les enseignants étaient reconnaissants que l’école leur offre cet espace. Aussi, en ayant pris le temps d’échanger et de clarifier leurs besoins, l’école a donc pu mieux comprendre comment soutenir ses enseignants et, d’une certaine façon, favoriser le développement professionnel et leur bien-être au travail.

Caterina Mamprin termine un doctorat sous la direction de Garine Papazian-Zohrabian et est chargée de cours à l’Université de Montréal. Elle détient un baccalauréat en psychologie et une maîtrise en orthopédagogie. Ses intérêts de recherche portent principalement sur le soutien social sur le bien-être au travail chez les enseignants.

Bibliographie

Bouville, J.-M. (2005). Pourquoi tant de groupes de parole ? Dans D. Bass & H. De Gaevel (dir.), Au fil de la parole, des groupes pour le dire (p. 75). Saint-Agne, France: Eres.

Diener, E., Emmons, R. A., Larsen, R. J. et Griffin, S. (1985). The satisfaction with life scale. Journal of Personality Assessment, 49(1), 71-75. doi: 10.1207/s15327752jpa4901_13

Waterman, A. S. et Kroger, J. (1993). Finding something to do or someone to be: A eudaimonist perspective on identity formation. Dans J. Kroger (dir.), Discussions on ego identity (p. 147-167). Mahwah, New Jersey: Psychology Press.