Favoriser une culture de travail positive dans un contexte de changement
L’entretien des relations au sein de l’équipe est resté une priorité absolue alors que le Centre de carrières de l’Université de l’Alberta a dû faire face à des changements rapides du contexte de travail pendant le confinement
Blessie Mathew et Amy Roy Gratton
Comme c’était le cas partout dans le monde, le mois de mars 2020 a marqué le début d’un grand chamboulement du milieu de travail à l’Université de l’Alberta. Blessie Mathew, la directrice du Centre de carrières, a dû relever le défi de transférer en quelques jours plus de 50 employés à plusieurs endroits différents afin qu’ils puissent travailler à distance. Tous les employés étaient déstabilisés, car on les a subitement arrachés à leur routine, et ils devaient trouver une façon de réorganiser l’équilibre entre le travail (qui a augmenté de façon spectaculaire pendant quelques mois), les soins, la scolarité, la vie de famille et d’autres responsabilités dans un contexte de confinement.
Le point de vue d’une directrice
Au milieu des innombrables demandes qui accompagnent une telle situation marquée par des changements opérationnels rapides, il aurait été plus facile de fournir à notre personnel une liste de ressources en santé mentale et d’espérer que ceux qui en ont besoin cherchent eux-mêmes à obtenir de l’aide. Cependant, essayer de nous soutenir les uns les autres de manière passive n’a jamais été notre façon de faire; nos employés s’investissent dans leurs relations de travail et sont fiers de savoir que notre souci du bien-être des autres va bien au-delà de la productivité et du rendement. Face aux changements rapides que représentait le passage au travail à distance, j’ai ressenti le besoin de protéger et d’entretenir notre culture de travail unique. Il était clairement impératif de se concentrer sur le bien-être mental, la consolidation d’équipe authentique et le maintien d’un lien étroit avec notre lieu de travail.
J’ai demandé aux employés du Centre de carrières de se porter volontaire et de former des paires afin de tenir le rôle de chefs du moral des troupes pendant deux semaines. En gros, les chefs du moral des troupes seraient chargés de trouver des moyens de maintenir le lien au sein de notre équipe et de veiller à ce que nous ayons des occasions de rester en contact les uns avec les autres tandis que nous passions au travail à distance. C’étaient les seuls paramètres fournis; le reste dépendait des chefs du moral des troupes.
Le point de vue d’une chef du moral des troupes
Ce qui n’était au départ qu’une simple requête – « Quelqu’un aimerait-il être chef du moral des troupes afin de voir si cette idée fonctionne? » – s’est transformé en un engagement de plus de 12 semaines qui a contribué à revitaliser la dynamique de notre équipe. Nos premiers chefs du moral des troupes ont pris soin de commencer les choses en douceur, ce qui a permis à tout le monde de s’habituer à l’idée avant de décider combien de temps on voulait consacrer à cette initiative. Pour les employés, il était facile de participer aux activités, car elles demandaient peu de temps et d’efforts. On s’échangeait des messages comme « Envoyez-nous une photo de votre nouveau lieu de travail » ou « Quels restaurants soutenez-vous localement? » ou « Échangez une photo qui illustre ce que vous faites en dehors du travail ». Ces simples requêtes ont évolué pour se transformer en légers aperçus de la vie de nos collègues à la maison, en plaisanteries amusantes, en discussions sérieuses et en un désir commun de soutenir les entreprises locales. Le deuxième duo de chefs du moral des troupes s’est concentré sur le bien-être mental, en demandant aux employés d’échanger leurs diverses stratégies de soin de soi, ce qui s’est finalement traduit par la création d’une liste de ressources utiles.
Pour moi, deux activités se sont distinguées des autres, car elles reposaient sur un effort d’équipe : la création des armoiries du Centre de carrières et les « Pand-Emmys ».
Armoiries du Centre de carrières
Les chefs du moral des troupes nous ont demandé de suggérer un symbole ou une image qui, selon nous, devrait faire partie des armoiries représentant notre équipe. Certaines personnes ont proposé des symboles comme un loup protégeant sa meute et des éléphants protégeant les membres les plus vulnérables de leur troupe. D’autres symboles faisaient également allusion au mentorat et à la croissance, aux relations, à la communauté, à l’amitié, au multiculturalisme et, bien sûr, au café et à la nourriture. Notre mission a été traduite en latin : donner aux personnes talentueuses les moyens de développer leurs compétences, leurs connaissances, leurs expériences et leurs relations. Nous avons demandé à un étudiant du secondaire cherchant à élargir son portfolio d’intégrer les diverses propositions dans un dessin. Le résultat final, dévoilé lors d’une réunion du personnel, consistait en une œuvre reflétant nos valeurs collectives.
Les Pand-Emmys
Les prix Emmys de la pandémie (les « Pand-Emmys ») étaient des prix décernés par les pairs et qui visaient à récompenser nos collègues en télétravail. Au total, 46 candidatures ont été soumises pour ces prix dans des catégories telles que « Meilleur travail en coulisses », « Meilleur acteur de soutien » et « Meilleure émission de télé-réalité ». Alors que certaines candidatures étaient plutôt amusantes, d’autres, plus senties, étaient le fruit d’une appréciation sincère. Lors d’une réunion du personnel, des membres de l’équipe ont annoncé les catégories de prix et les gagnants. Certains employés se sont pleinement investis dans cette activité, en faisant jouer de la musique et en déchirant avec enthousiasme les enveloppes pour révéler les noms des gagnants.
Chacun des membres de l’équipe a gagné au moins un prix Pand-Emmy, et les chefs du moral des troupes ont envoyé aux gagnants des certificats sur lesquels figuraient nos armoiries. Pour ajouter à la surprise, une catégorie a été créée pour nos enfants et nos animaux de compagnie, qui sont un peu comme des acteurs de soutien, puisqu’ils ont souvent fait des apparitions lors de nos réunions virtuelles. Cette activité nous a permis d’avoir l’impression d’être soutenus et compris, chacun ayant sa propre façon de trouver l’équilibre entre le travail et la vie personnelle, qui sont devenus intimement liés.
Voici quelques conseils pour réussir votre activité visant à stimuler le moral des troupes :
1. Faites de la consolidation d’équipe une priorité. Les activités de consolidation d’équipe peuvent sembler superflues par rapport aux défis opérationnels qui se posent dans l’immédiat. Cependant, le fait d’accorder la priorité aux liens qu’entretiennent les membres de votre équipe les uns avec les autres et avec lieu de travail peut avoir une influence positive sur la santé mentale, l’engagement et la productivité du personnel.
2. Demandez aux employés de se porter volontaires par paires. Les membres de l’équipe peuvent ainsi se soutenir les uns les autres lorsque la charge de travail fluctue. Les employés étaient plus susceptibles de se porter volontaires lorsqu’ils avaient quelqu’un avec qui réfléchir et planifier. De plus, les chefs du moral des troupes tâchaient de scénariser les activités relativement à l’engagement recherché, et ils pouvaient faire un compte rendu ensemble si les activités ne se déroulaient pas comme prévu.
3. Encouragez les employés à s’approprier les initiatives. Il faut permettre aux chefs du moral des troupes de faire preuve de créativité et leur donner la liberté de concevoir des activités qui suscitent un sentiment positif et d’authenticité.
4. Essayez de nouvelles choses, même si ça ne fonctionne pas toujours. Il ne faut pas s’en faire si certaines idées ne fonctionnent pas comme prévu ou donnent un résultat complètement inattendu. Au début, certaines activités peuvent sembler étranges, mais si les membres de votre équipe font preuve d’ouverture d’esprit et de soutien, cela peut donner lieu à des discussions ou à des plaisanteries sans lien avec le sujet, mais qui seront tout aussi bénéfiques pour l’équipe.
5. Rendez la participation facultative. La participation est naturelle et amusante lorsqu’il n’y a pas de pression et qu’on se montre compréhensif envers la situation de chaque collègue, dont la charge de travail et les obligations personnelles peuvent fluctuer. Si les employés font face à une charge de travail croissante et qu’on les oblige à participer aux activités, cela suscitera du ressentiment. Il y a eu des semaines où personne ne s’est porté volontaire pour tenir le rôle de chef du moral des troupes, et nous avons simplement laissé faire, en attendant que quelqu’un en ait le temps et l’envie.
6. Choisissez judicieusement vos canaux de communication. Au départ, nous avons essayé de communiquer par différents canaux, mais nous avons constaté qu’il était difficile de distinguer les messages amusants des messages urgents. Choisissez des outils de communication cohérents et distincts qui donnent aux membres de votre équipe les fonctionnalités dont ils ont besoin (par exemple, la vidéoconférence, les sondages ou la possibilité d’échanger des photos et des vidéos).
7. Misez sur la coopération. Encouragez l’instauration d’une dynamique d’équipe positive plutôt que d’entretenir un esprit de compétition. Certains membres du personnel hésitaient à se porter volontaires parce qu’ils étaient intimidés par la grande créativité des activités précédentes. Pour apporter son soutien, l’équipe précédente de chefs du moral des troupes a envoyé un courriel à l’équipe suivante, en indiquant ce qu’elle avait appris et en donnant des conseils sur la façon de mobiliser les employés.
Aussi bien du point de vue du personnel que de celui de la direction, nous sommes fiers de ce que notre équipe a accompli. Nous avons trouvé un moyen original d’entretenir un sentiment de communauté même si nous ne pouvons pas être ensemble, et une façon d’ajouter quelques moments d’humour et de réconfort dans une situation éprouvante.
En tant que directrice, Centre de carrières et d’apprentissage par l’expérience, Blessie Mathew supervise les activités du Centre de carrières de l’Université de l’Alberta, l’Initiative de recherche de premier cycle (URI) et le programme Les femmes et les bourses, le génie, les sciences et la technologie (Women in Scholarship, Engineering, Science, and Technology).
Amy Roy Gratton est coordonnatrice de l’éducation aux choix de carrière au Centre de carrières de l’Université de l’Alberta. Elle travaille avec les étudiants, les anciens élèves et les boursiers postdoctoraux sur des possibilités d’apprentissage par l’expérience, telles que l’observation au poste de travail, le mentorat professionnel et les programmes d’engagement communautaire.