Mot de l’éditrice
6 octobre, 2020Le potentiel de la mindfulness en développement de carrière
6 octobre, 2020Il est essentiel que les professionnels de la carrière comprennent les répercussions du racisme systémique sur les parcours professionnels et scolaires de leurs clients afin de les aider à réussir
Jodi Tingling
Au Canada, le racisme systémique a touché les personnes autochtones, noires et de couleur (PANDC) et a eu une incidence négative sur le parcours professionnel d’un grand nombre d’entre elles. Les intervenants en développement de carrière doivent bien comprendre les effets négatifs du racisme systémique sur leurs clients et bien évaluer comment ils peuvent contribuer au démantèlement d’un système parfois oppressif afin de s’assurer que chacun a la possibilité de réussir sa vie professionnelle.
Lutter contre l’inégalité et ses conséquences
Le concept de l’équité repose sur la justice, l’impartialité et l’égalité des chances pour tous et non seulement pour un groupe en particulier. Il est important de bien comprendre les défis que les PANDC doivent relever pour déterminer leur véritable parcours professionnel et ses répercussions. La discrimination dans le système d’éducation, les méthodes de recrutement partiales, les micro-agressions sur le lieu de travail et l’absence de nominations à des postes de direction font partie de ces défis qui peuvent avoir une incidence négative sur le parcours professionnel des PANDC.
En tant que professionnel de la carrière, sachez que les PANDC peuvent devoir composer avec des blessures du racisme qui peuvent avoir un impact sur leur carrière et sur de nombreux autres aspects de leur vie. Les blessures du racisme entraînent une détresse psychologique et physique et peuvent être attribuées à différentes expériences associées à la race.
Pour lutter contre l’inégalité et éliminer ses conséquences, il faut comprendre le contexte dans lequel les PANDC mènent leur carrière. Il est important d’être conscient que les normes de professionnalisme sont ancrées dans la culture de la suprématie blanche et servent à opprimer les personnes autochtones, noires et de couleur. Selon deux organisateurs de terrain et universitaires, Tema Okun et Keith Jones, le suprématisme blanc existe dans de nombreuses organisations et a des ramifications sur le lieu de travail. Ainsi, les attentes en matière de comportements et d’attitudes sont codifiées selon les conventions des Blancs. Il est ici notamment question du perfectionnisme, des normes en matière de coiffure, de vêtements et de modèles de communication et des attentes générales telles que l’adhésion à la « culture d’entreprise ». Ces attentes amplifient les environnements de travail toxiques et nuisent à la carrière des PANDC.
« En tant que professionnel de la carrière, sachez que les PANDC peuvent devoir composer avec des blessures du racisme qui peuvent avoir un impact sur leur carrière et sur de nombreux autres aspects de leur vie. »
Pour assurer la réussite de votre stratégie visant à améliorer le parcours de carrière des PANDC, vous devez d’abord devenir l’allié de vos clients pour les appuyer et contribuer au démantèlement d’un système qui les désavantage. Pour ce faire, vous devez remettre en question le système et offrir aux PANDC un espace où elles pourront s’épanouir sur le plan professionnel.
Formation et parcours professionnels
Les obstacles à la réussite professionnelle peuvent prendre racine dans le système d’éducation, où les préjugés raciaux des éducateurs peuvent faire dévier le parcours scolaire des étudiants racialisés. Ce n’est que récemment que le gouvernement de l’Ontario a annoncé qu’il mettrait fin à la pratique controversée qui consiste à orienter les étudiants vers les filières des études appliquées et universitaires. Une pratique largement connue pour être discriminatoire à l’égard des étudiants racialisés. Un rapport de 2017 de l’Université de York, Towards Race Equity in Education, a conclu que 53 % des étudiants noirs suivaient un programme d’études universitaires, contre 81 % des étudiants blancs et 80 % des autres étudiants racialisés. Ces pratiques discriminatoires du système d’éducation peuvent au bout du compte limiter le parcours professionnel et modifier les perspectives scolaires et professionnelles des PANDC en plus de créer une perception négative.
Revenus et sécurité d’emploi
Les PANDC sont désavantagées sur les plans du chômage, des revenus et des possibilités de carrière. Selon le Centre canadien de politiques alternatives (CCPA), les travailleurs racialisés étaient plus susceptibles d’être sans emploi en 2016, avec un taux de chômage de 9,2 %, que les travailleurs non racialisés, avec un taux de chômage de 7,3 %. En outre, l’écart de rémunération est resté pratiquement le même depuis 2006. Pour chaque dollar que gagnent les hommes non racialisés, les femmes racialisées gagnent 59 cents et les hommes racialisés 78 cents. Dans le rapport intitulé By the numbers: Race, Gender and the Canadian Labour Market, le CCPA a également conclu qu’il y a eu peu de progrès pour combler les différences raciales en matière de chômage. L’une des principales constatations émanant de ce rapport est que la discrimination sur le marché du travail à l’égard des travailleurs racialisés est toujours présente, tant pour l’écart salarial que le taux de chômage.
De même, le Conference Board du Canada conclut qu’il existe des pratiques discriminatoires qui contribuent aux écarts en matière d’emploi et de salaires. « Avoir un nom à la consonance étrangère » a fait partie des facteurs évalués dans le cadre du processus de recrutement. En comparant des curriculums vitæ dont le contenu était similaire, on a constaté que ceux qui appartenaient à des personnes dont le nom n’avait pas de consonance étrangère avaient 35 % plus de chances d’être rappelées. L’appartenance à un groupe racialisé réduisait également la sécurité d’emploi : 20,9 % des personnes appartenant à des minorités visibles ont déclaré que le fait d’avoir été victimes de discrimination a été une entrave au maintien de leurs possibilités d’emploi.
Mobilité professionnelle
La mobilité professionnelle au sein de la communauté des PANDC est aussi une question importante qui doit être abordée. Les PANDC sont constamment sous-représentées dans les postes de direction. Un rapport du Diversity Institute de l’Université Ryerson a révélé que bien que la population du Grand Montréal soit composée à 22,6 % de personnes racialisées, seulement 5,3 % d’entre elles occupent des postes de haute direction. En outre, dans le cadre du projet Black Experience, on a demandé aux personnes noires vivant dans la région du Grand Toronto de décrire comment la couleur de leur peau a modifié leur expérience professionnelle. Les participants ont évoqué certains obstacles qu’ils ont dû affronter au cours de leur carrière, notamment la remise en question de leur niveau de compétences, le racisme et les stéréotypes. Ils ont aussi affirmé que leurs qualifications avaient parfois été mises de côté ou non reconnues. L’expertise des PANDC est souvent non reconnue, ce qui peut être très décourageant pour ceux et celles qui souhaitent occuper des postes de haute direction.
Évaluation des préjugés
L’évaluation de vos préjugés devrait constituer la première étape de votre processus de réflexion sur la manière dont vous, en tant que professionnel de la carrière, pouvez aider vos clients issus du groupe des PANDC. L’Université Harvard propose un test d’association implicite (IAT) basé sur la race qui peut vous aider à comprendre vos idées reçues en ce qui concerne les préjugés raciaux. Passez ce test pour comprendre vos préjugés et établir une stratégie pour les combattre activement. Assurez-vous de bien comprendre que le racisme systémique existe au Canada et que des professionnels de la communauté des PANDC ont historiquement été victimes de discrimination, tant durant le processus de recrutement que sur le marché du travail. Ensuite, si vous constatez que vous avez des idées reçues, prenez les mesures nécessaires pour écouter les PANDC, apprendre de leurs expériences et y être réceptif.
Renforcer la résilience
N’hésitez pas à remettre en question les systèmes qui profitent à certaines populations au détriment des autres. Demandez-vous comment vous pouvez vous y prendre pour proposer de nouveaux processus qui appuient les PANDC et leur offrent des occasions équitables.
Voici quelques-unes des stratégies que vous pouvez adopter pour défendre le droit au perfectionnement professionnel des PANDC :
- Devenez un allié. Utilisez votre expertise et vos privilèges pour contribuer au démantèlement des systèmes oppressifs qui servent à promouvoir la suprématie blanche et qui nuisent au parcours professionnel des PANDC.
- Établissez des partenariats avec des organisations qui font un travail de sensibilisation pour répondre aux besoins particuliers des PANDC.
- Évaluez si les domaines d’études vers lesquels vos clients issus du groupe des PANDC sont dirigés sont limitatifs et proposez des options pour élargir leurs perspectives professionnelles.
- Offrez de nouvelles possibilités à vos clients issus du groupe des PANDC et aidez-les bâtir leur carrière en les mettant en contact avec des mentors, des réseaux et des dirigeants.
- Parlez aux employeurs des préjugés et des idées reçues possibles, faites la promotion des possibilités et amplifiez la voix des PANDC.
- Dressez-vous contre le racisme et l’oppression lorsque vous en êtes témoin, engagez des conversations cruciales et cherchez des renforts pour vous aider à poursuivre votre travail.
- Créez un réseau qui pourra être une référence pour obtenir des ressources bien adaptées aux réalités culturelles et qui peuvent soutenir la santé mentale, établir des liens et améliorer la croissance.
En gardant ces stratégies à l’esprit, continuez à aider vos clients issus du groupe des PANDC à obtenir du succès et à surmonter les obstacles qu’ils pourraient trouver sur leur parcours professionnel.
Jodi Tingling est une intervenante en mieux-être et en développement de carrière qui travaille avec des dirigeants, des professionnels et des organisations pour s’assurer qu’ils réalisent leur plein potentiel. Sa véritable passion est de faire entendre la voix et les expériences des femmes autochtones, noires et de couleur du Canada. À titre de fondatrice de Creating New Steps, elle accompagne les organisations et les professionnels afin qu’ils atteignent leurs objectifs professionnels uniques.
Références
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