Les petites et moyennes entreprises du Canada disent qu’elles sont confrontées à un manque de compétences. Alors, pourquoi n’investissent-elles pas dans les talents?

Malika Asthana

Author headshotLes compétences ne sont pas éternelles, mais nombre de nos modèles actuels de développement des compétences partent du principe qu’elles le sont. Comme les besoins en compétences évoluent parallèlement aux progrès technologiques rapides et aux changements démographiques, les employeurs devront réfléchir à la manière de maintenir les compétences de leurs employés à jour – et nos systèmes d’apprentissage doivent également s’adapter. Cela est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit de petites et moyennes entreprises (PME) qui soutiennent des millions d’emplois. Mais sont-elles bien armées pour le faire?

Pour mieux comprendre la dynamique à laquelle sont confrontées les PME pour soutenir les employés dans l’apprentissage tout au long de la vie, D2L a demandé à Innovative Research Group de réaliser deux sondages auprès des employeurs et des employés. Axée sur les PME comptant de 20 à 499 employés, cette nouvelle étude donne un aperçu de l’état actuel de l’apprentissage tout au long de la vie dans les PME aux États-Unis et au Canada et révèle des lacunes importantes que les employeurs et les décideurs doivent combler.

Ce qui se passe avec les PME

L’étude de D2L montre que les PME canadiennes sont confrontées à une situation inquiétante lorsqu’elles examinent leurs besoins futurs en matière de talents par rapport à leurs réalités actuelles. Seuls 21 % des décideurs des PME canadiennes déclarent être très confiants dans le fait qu’ils disposeront des compétences et des talents nécessaires à la croissance de leur entreprise au cours des trois prochaines années, contre 47 % des décideurs américains qui sont du même avis. La plupart d’entre eux sont préoccupés par le recrutement et la rétention de talents qualifiés, un pourcentage important de décideurs indiquant qu’il s’agit du défi le plus important auquel ils sont confrontés en matière de ressources humaines, devant les préoccupations concernant la rémunération, l’adaptation à la technologie ou la diversité sur le lieu de travail.

Ces conclusions, qui sont examinées de manière plus approfondie dans le dernier livre blanc de D2L, Enabling Upskilling at Scale: Adapting to Meet the Needs of the Working Learner (Favoriser l’amélioration des compétences à grande échelle : s’adapter pour répondre aux besoins de l’apprenant actif), font écho aux résultats d’autres sondages récents sur le manque de compétences. Par exemple, huit cadres canadiens sur dix (81 %) interrogés par le CERIC à la fin de 2021 ont déclaré qu’il était difficile de trouver des travailleurs qualifiés – et plus de la moitié d’entre eux ont attribué cette difficulté à la recherche de personnes possédant les bonnes compétences.

Les résultats de l’étude de D2L confirment qu’il existe un décalage fondamental entre les besoins des employeurs des PME (c’est-à-dire des employés qualifiés) et ce qu’ils obtiennent avec leurs stratégies actuelles de formation et de développement.

L’inadéquation des compétences

Avec des budgets réduits, de nombreuses PME ont du mal à créer et à fournir à l’interne des programmes de formation solides et de grande envergure. Une autre solution consiste à aider leurs employés à suivre une formation en dehors du lieu de travail, mais l’amélioration des compétences ne se fait pas à l’échelle nécessaire.

Seulement 34 % des PME au Canada et aux États-Unis offrent un soutien financier ou des congés pour la formation dispensée par des fournisseurs externes. Parmi les employeurs qui l’offrent, les budgets de formation des PME canadiennes sont nettement inférieurs à ceux de leurs homologues américaines. Les PME canadiennes sont également moins susceptibles d’embaucher à l’interne pour les nouveaux postes. Lorsqu’on leur a demandé d’indiquer les principaux obstacles qui les empêchent d’investir davantage, les décideurs des PME ont répondu que la formation interne ou l’apprentissage sur le lieu de travail étaient suffisants.

« … il existe un décalage fondamental entre les besoins des employeurs des PME (c’est-à-dire des employés qualifiés) et ce qu’ils obtiennent avec leurs stratégies actuelles de formation et de développement. »

De l’autre côté de l’équation, il y a les employés, qui ont largement déclaré vouloir continuer à apprendre. L’étude de D2L a révélé que 72 % des employés sont intéressés par le développement professionnel en dehors du travail. Ils ont déclaré qu’ils considéraient ces occasions principalement comme des moyens de renforcer leurs compétences, plutôt que comme un moyen d’augmenter leur salaire ou de se qualifier pour une promotion professionnelle. Mais l’accès reste clairement un problème. Plus de la moitié des employés canadiens des PME interrogées ont déclaré ne pas avoir suivi de formation professionnelle au cours des 12 derniers mois. Le principal obstacle – signalé par 43 % des employés canadiens – est le coût financier de la formation.

Les employeurs ont besoin d’options pour aider leurs employés à se perfectionner et à évoluer. Les employés veulent poursuivre leur développement professionnel et apprendre de nouvelles choses. Le coût est un obstacle pour les deux. Quelles options cela laisse-t-il aux PME pour faciliter le développement professionnel qui répond à la fois aux besoins des employeurs et des employés?

L’occasion à saisir

 La formation continue des employés, qui permet d’améliorer le recrutement et la rétention dans les PME, est une responsabilité partagée entre les employeurs, le gouvernement et les établissements d’enseignement supérieur en Amérique du Nord.

Les employeurs doivent d’abord reconnaître le problème qui se pose et réfléchir d’urgence à la manière dont ils vont investir dans le développement des compétences de leur personnel. Compte tenu de la rapidité de l’évolution technologique, les employeurs ne peuvent raisonnablement prévoir toutes les compétences dont ils auront besoin des années à l’avance. C’est pourquoi ils doivent mettre en place des processus qui favoriseront l’amélioration continue des compétences et créeront des réserves de talents pour des emplois qui n’existent peut-être pas. Offrir un soutien financier et des congés aux employés est un investissement essentiel de premier ordre pour les entreprises de toutes tailles. La technologie peut être utilisée pour fournir un accès rapide et facile à l’apprentissage qui s’aligne sur les besoins de l’entreprise ou du secteur, en tirant parti de l’enseignement supérieur et des associations sectorielles pour fournir des formations.

Les professionnels en développement de carrière peuvent également jouer un rôle clé en servant d’intermédiaires entre les étudiants ou les demandeurs d’emploi et les employeurs. Ceux qui assurent la liaison avec les employeurs peuvent préconiser le développement de supports de gestion de carrière pour les employés, ainsi que s’associer aux entreprises pour fournir des ressources ou des formations pour le développement de carrière du personnel. Les professionnels de la carrière travaillant dans le secteur postsecondaire peuvent également encourager les employeurs à s’engager auprès des étudiants en leur offrant des possibilités à valeur ajoutée telles que des programmes d’éducation au choix de carrière.

Pour leur part, les établissements d’enseignement supérieur doivent repenser leur définition de l’apprenant afin de mieux servir les adultes qui travaillent et qui ont besoin d’une formation professionnelle de haute qualité dans le cadre d’horaires et de délais flexibles et plus personnalisés. Ils doivent penser au-delà des heures de crédit et imaginer de nouveaux programmes et partenariats avec les employeurs, les associations et les syndicats pour rendre la formation continue plus accessible.

Il est clair que le gouvernement a également un rôle à jouer, car il doit reconsidérer ses offres de financement pour les PME afin d’accroître la sensibilisation générale et l’admissibilité à la formation et au développement des compétences. Le gouvernement doit également faire entendre la voix des PME dans les consultations et envisager des incitations fiscales pour encourager les employeurs à investir dans les fonds de formation. Enfin, le gouvernement peut également jouer un rôle unificateur essentiel, en rassemblant les parties prenantes et en contribuant à façonner une vision commune du développement de la main-d’œuvre qui garantit que personne ne sera laissé pour compte.

Malika Asthana est responsable de la stratégie et des affaires publiques pour D2L. Elle dirige le développement d’un leadership stratégique, de soumissions de politiques et de propositions pour soutenir, étendre et améliorer les occasions d’apprentissage pour tous les étudiants au Canada. Elle est passionnée par l’établissement de liens entre les disciplines et apprécie les recherches au croisement des espaces politiques – de l’éducation et de l’emploi aux compétences et au développement économique.