par Avra Davidoff

La transition vers le retour au travail après un congé de maternité est une expérience que bien des femmes ont vécue; c’est un important virage pour une famille et pour une mère. Pourquoi alors un si grand nombre de femmes enceintes ne sont-elles pas informées des répercussions de leur congé de maternité sur leur carrière? Les conseillers en carrière peuvent jouer un rôle important en éduquant et en sensibilisant les femmes et les entreprises à ces enjeux.

D’un point de vue patronal, l’enjeu de la transition lié à un congé de maternité est important pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les femmes constituent à peu près la moitié de la main-d’œuvre, et les coûts directs et indirects associés au roulement de personnel peuvent atteindre de 70 à 200 % de la valeur du salaire du poste à pourvoir. Ensuite, la concurrence pour s’approprier les personnes talentueuses ne se fait plus à l’échelle régionale ou nationale; c’est maintenant à l’échelle mondiale que se joue ce combat. À la lumière des pénuries de main-d’œuvre prévues et du départ à la retraite des bébé-boumeurs, les points soulevés ci-dessus soulignent la nécessité pour une entreprise de gérer ses talents de manière stratégique afin de conserver son avantage concurrentiel à l’échelle régionale, nationale et mondiale.

La transition après un congé de maternité ne peut que susciter beaucoup d’intérêt étant donné le nombre croissant de femmes qui poursuivent des études postsecondaires et, dans certains cas, qui dépassent le niveau d’études de leurs homologues masculins dans un grand nombre de domaines d’études. Par exemple, en 2008, les femmes représentaient 62 % de la clientèle étudiante inscrite au baccalauréat, et plus de femmes que d’hommes ont obtenu un diplôme dans plusieurs programmes. Ajoutons que sur le marché du travail rémunéré, la présence accrue des femmes s’avère un des changements les plus importants survenus au cours des quarante dernières années; en effet, leur participation est passée de 47 % en 1976 à 76 % en 2009. La majeure partie de la documentation sur les congés de maternité et le retour au travail se fonde sur des données provenant des États-Unis et du Royaume-Uni. Dans un sondage mené auprès des femmes canadiennes, les raisons les plus fréquemment évoquées pour le retour au travail sont liées aux finances (42,9 %) et à l’importance de poursuivre une carrière et au désir de retourner travailler (24,2 %). Une étude menée au Royaume-Uni auprès de 1 541 mères a permis de constater ce qui suit :

  • 31 % des mères ont eu l’impression que leur relation avec leur employeur s’était détériorée depuis leur grossesse et leur retour au travail.
  • 22 % ont eu l’impression que cette détérioration était survenue après qu’elles aient annoncé qu’elles étaient enceintes.
  • 15 % ont indiqué que leur relation avant continué de se détériorer après leur retour au travail.

Quant à l’aspect retour au travail, la même étude a permis de constater ce qui suit :

  • 58 % des répondantes travaillaient moins d’heures.
  • 13 % avaient un poste plus élevé.
  • 7 % avaient un poste moins élevé.
  • 23 % ont été affectées à un nouveau rôle à leur retour au travail.
  • 20 % jouaient le même rôle, mais assumaient des responsabilités réduites.
  • 19 % recevaient un salaire moins élevé au prorata.
  • 32 % ont eu l’impression que leurs possibilités de promotion avaient diminué.

Les employeurs offrent peu ou pas de soutien aux femmes qui retournent au travail après un congé de maternité et les femmes qui en font l’expérience ne cherchent peut-être pas d’aide et de soutien pendant cette période. Bien que certaines femmes retournent travailler chez leur ancien employeur, certaines décident de travailler ailleurs ou de ne pas retourner sur le marché du travail.

En tant que professionnel du développement de carrière, comment pouvez-vous aider vos clientes pendant cette transition? Voici quelques suggestions :

Apportez votre soutien : Bon nombre de femmes disent se sentir isolées quand elles annoncent qu’elles sont enceintes au bureau. Elles peuvent se sentir isolées en raison de la réaction de leurs confrères et consœurs de travail, de leurs superviseurs ou de leurs clients. Il est important de valider leurs sentiments et de les encourager à chercher du soutien dans leur entourage.

Décortiquez les émotions : Chaque femme est unique, et chaque grossesse l’est aussi. Les répercussions sur la carrière de chaque femme le seront aussi. Une femme peut ressentir des émotions contradictoires. Elle peut être soulagée de quitter un emploi qui ne la satisfait pas, avoir peur de perdre son ancienneté; ce nouveau départ peut l’emballer ou lui faire craindre de ne pas être à la hauteur en tant que mère; la situation financière de la famille peut la stresser; elle peut se sentir coupable de vouloir retourner travailler ou de vouloir rester à la maison ou encore, elle peut être inquiète quant à son avenir professionnel. Il n’est pas seulement important de valider les sentiments qu’une femme peut éprouver; il est aussi très important de l’aider à comprendre comment ses émotions peuvent influencer sa perception du processus de transition et les décisions qu’elle prendra concernant la poursuite de sa carrière. Par exemple, une femme est-elle plus encline à ne pas prendre de décision touchant sa carrière en situation de stress?

Définissez le succès professionnel : Il est important que votre cliente définisse ce qui pour elle est une carrière réussie. Les métaphores utilisées dans le domaine du travail, par exemple, les « échelons d’une carrière » sont souvent limitatives et peuvent déresponsabiliser une personne pour qui le succès d’une carrière se définit différemment. Comme notre conception du succès est en règle générale fondée sur des valeurs, l’idéal, c’est d’en discuter. Il est difficile pour la plupart d’entre nous de définir ce que nous entendons par succès, et il est souvent plus facile d’aider un client à tout d’abord déterminer les valeurs professionnelles et personnelles qui sont importantes à ses yeux (p. ex. la sécurité financière, la souplesse, l’équilibre entre la vie personnelle et le travail, la croissance et le perfectionnement, les compétences), en posant la question suivante : « Ces mots pourraient-ils servir à définir votre conception d’une carrière réussie? »

Parlez identité : L’identité professionnelle est souvent fortement liée à l’estime de soi que ressent chaque personne. Avoir un sentiment positif envers son identité professionnelle peut contribuer à développer une bonne estime de soi, mais il est important d’adopter une approche équilibrée et d’analyser tout ce qui peut avoir une influence sur son identité. Les clients peuvent réfléchir sur l’évolution passée et future de leur conceptualisation de l’identité. Comment d’autres rôles contribuent-ils ou nuisent-ils à l’identité et à l’estime de soi?

Faites l’inventaire : Chez bon nombre de femmes, la confiance en soi sera remise en cause au moment du retour au travail, même si elles occupent le même poste qu’avant leur départ. C’est le moment idéal de faire l’inventaire complet de son bagage (connaissances, compétences, expérience, études, formations, aptitudes, réalisations professionnelles et personnelles) et d’évaluer ses réseaux et ses contacts. Faire un tel inventaire peut renforcer la confiance en soi et révéler des options non encore considérées. Règle générale, les personnes s’adaptent mieux à la transition quand elles ont pu envisager d’autres options. Les femmes peuvent aussi rester liées à leur carrière en gardant le contact avec des consœurs et des confrères de travail ou en recevant régulièrement des nouvelles de leur employeur ou de leurs collègues. Elles peuvent aussi avoir recours au réseautage en personne ou virtuellement grâce aux outils de réseautage social comme LinkedIn.

Remettez en cause les impressions et les idées préconçues : Il peut être utile pour une cliente de remettre en cause ses impressions concernant ses capacités en tant qu’être humain, que professionnelle ou que maman (p. ex. il est impossible d’exceller en tout, je devrais tirer profit de mon éducation pour être une bonne mère, je ne peux pas travailler en même temps, il serait trop difficile de changer d’emploi à l’heure actuelle). Les impressions limitantes ont souvent pour bases des idées préconçues et tendent à être dichotomiques, c’est-à-dire révéler une mentalité à deux options sans base commune. Il est important d’écouter ce que nous dit la cliente et de remettre en cause ses suppositions au besoin.

 

Avra Davidoff est une maman et une psychologue agréée spécialisée en orientation professionnelle. Elle possède plus de 10 ans d’expérience auprès d’une clientèle formée de personnes et d’entreprises. Madame Davidoff travaille à l’heure actuelle en clinique privée pour Canada Career Counselling. Elle donne aussi  des cours au niveau postsecondaire en développement de carrière à Calgary.