par Claude Grenier, psychologue et conseiller d’orientation

L’avenir des jeunes est au cœur des préoccupations des parents. Dès la naissance de leurs enfants, les parents s’interrogent sur leur devenir et rêvent pour eux d’une réussite sociale, financière, amoureuse, professionnelle, etc. Puis bientôt, le rêve est appelé à se concrétiser, et durant leurs études secondaires surgit tout à coup la question d’un éventuel choix de carrière pour ces jeunes devenus adolescents. Et les parents se retrouvent directement impliqués dans ce processus, et ils sont appelés à y accompagner leurs enfants. Quel est leur rôle ? Quelles attitudes devront-ils adopter ?
En quoi consiste cet accompagnement ? Qui peut les aider dans cette démarche ?

Cet article a pour but de répondre à ces questions. Il vise à préciser le rôle des parents dans l’orientation des adolescents et le rôle du conseiller d’orientation comme soutien auprès des parents. Ces deux thèmes sont développés simultanément. Trois lignes directrices viennent préciser le rôle des parents, soit les informations essentielles à obtenir, les réflexions à faire et les attitudes et actions à privilégier.

Les informations essentielles

Le renouveau pédagogique a amené de nombreux changements dans le milieu scolaire. Les modalités d’organisation varient d’une école à l’autre, mais des constantes demeurent. Pour bien accompagner leur enfant, les parents doivent être informés de l’organisation scolaire, des multiples choix offerts à l’élève et des services mis à sa disposition pour l’aider dans son processus d’orientation. Plus précisément, cette information devrait porter sur les parcours de Formation générale et de Formation générale appliquée, sur la méthode de classement des élèves dans ces parcours, sur les choix de séquences en mathématiques et en sciences, sur les différentes possibilités après le secondaire incluant la formation professionnelle (secondaire), la formation collégiale (générale et professionnelle) et la formation universitaire. Selon les besoins, des informations pourraient aussi être données sur les programmes spécialisés pour les élèves en difficulté (ex.:FMSS), les classes à vocation particulière, l’éducation des adultes, etc.

Au cours des dernières années, l’avènement de l’approche orientante a amené une multitude d’activités ayant pour but d’aider les élèves à mieux se connaître et à explorer le monde du travail. Citons les activités de connaissance de soi, les capsules sur les métiers et professions présentées en classe, les conférences, les visites scolaires et industrielles, les journées carrières, les sorties élève d’un jour et stage d’un jour, etc. Beaucoup d’élèves tirent profit de ces activités. Toutefois, encore trop de parents déplorent le manque d’information à ce sujet. Soutenir les parents signifie donc leur donner l’information (dépliants, site Internet, courriel, journal) afin qu’ils puissent échanger avec leurs jeunes et les inciter à participer aux activités. En tant que spécialiste, il revient au conseiller de collaborer et même d’initier la diffusion de cette information. Toutefois, bien que les nouvelles technologies soient de plus en plus utilisées, le contact direct avec les parents lors d’entrevues, de soirées d’information ou de remise de bulletins doit être conservé.

Malgré l’insistance sur la nécessité d’informer les parents, l’essentiel consiste surtout à leur fournir les principaux points de repères. Ainsi, une mise en garde s’impose. Il est important d’éviter d’inonder les parents d’information, et ce, en distinguant bien celle qui leur est nécessaire pour accompagner leur enfant de celle, plus spécialisée et plus détaillée, utilisée par le conseiller. Les parents qui veulent approfondir pourront toujours le faire en se documentant ou en consultant.

Une réflexion à faire

Au-delà des informations techniques, pour bien soutenir les parents, il est de toute première importance de leur permettre d’évaluer les enjeux que constitue pour eux le choix de carrière de leur enfant. Par de simples questions, il est possible de les amener à revisiter leur histoire personnelle, à faire un bilan de leur propre vécu et à prendre conscience des émotions qu’éveille en eux l’orientation de leur enfant. Voici des exemples de questions:

  • Comment s’est déroulée votre vie d’étudiant ?
  • Qu’est-ce qui vous a marqué le plus dans vos études ?
  • À 16 ans, quel métier ou quelle profession envisagiez-vous ?
  • Quel métier ou quelle profession exercez-vous maintenant ?
  • Qu’est-ce qui vous a fait changer de trajectoire, si c’est le cas ?
  • Sur le plan professionnel, avez-vous un vieux rêve non réalisé ?
  • Qu’éveille en vous le cheminement scolaire de votre enfant ?
  • Quelle est votre réaction devant ses projets ?
  • Quelles sont vos attentes, vos exigences ?
  • Que vit, pour sa part, votre conjoint ou votre conjointe ?

La relation parent-enfant est influencée par le vécu des parents. Par exemple, il est louable qu’un parent, à partir de son expérience, encourage son enfant à faire des études supérieures afin de lui éviter des conditions de travail difficiles, une insécurité financière ou un emploi insatisfaisant. Ces attentes ne posent aucun problème lorsqu’elles sont exprimées clairement. Elles deviennent problématiques lorsque les messages sont sous-entendus ou ambigus, lorsque les exigences des parents vont au-delà des capacités de l’enfant ou constituent un rêve qu’eux-mêmes auraient aimé réaliser, mais qui ne correspond aucunement aux intérêts du jeune. Les attentes parentales sont également problématiques lorsque le jeune n’a pas de place pour s’exprimer ou lorsque le parent n’arrive pas à différencier son vécu de celui de son enfant. Citons l’exemple d’un père qui, ayant vécu difficilement ses années d’études au secondaire tant sur le plan social qu’académique, était réticent à motiver son fils potentiellement décrocheur à poursuivre ses études. Lors d’une entrevue, il fut mis en évidence que sa réticence avait davantage pour but de protéger le fils de souffrances possibles que de l’empêcher de terminer sa formation.

Certains parents devant un adolescent immature et peu motivé s’inquiètent de son insouciance face au choix de carrière. D’autres ragent devant un jeune bourré de talents qui n’envisage pas un programme d’études à la mesure de ses capacités. À la lumière de leur expérience, d’autres parents s’interrogent face aux exigences toujours grandissantes du marché du travail, devant la forte compétition et les conditions de travail de plus en plus difficiles dans certains domaines. Tout ce vécu influence la relation que le parent peut entretenir avec son enfant et doit être identifié, reconnu et verbalisé. Il peut permettre alors à un jeune de mieux comprendre la position de ses parents et leurs exigences.

Il est également suggéré aux parents de dresser un portrait réaliste de leur adolescent. Prendre un recul afin de bien identifier qui est mon ado. Quelles sont ses forces, ses difficultés, sa motivation scolaire, sa maturité, ses projets ? Comment, lui, vit-il son choix de carrière ? Se sent-il prêt à faire un choix ? A-t-il peur de se tromper ? Quelles sont ses ambitions ? Est-il réaliste ? Dresser un portrait fidèle de son jeune peut amener le parent à mieux le comprendre et à ajuster ses exigences. En plus, tous ces points peuvent être l’objet de discussions.

Les attitudes à adopter et les actions à prendre

Pour faciliter le contact avec leur adolescent, les parents peuvent adopter certaines attitudes de base. D’abord écouter vraiment le désir que projette le jeune dans son choix de métier ou de profession, entendre ce désir plutôt que de rester uniquement centrés sur le contenu de la profession. Reconnaître ce désir. Questionner afin de savoir si le jeune possède toutes les informations sur cette profession, s’il en a une vision réaliste, s’il sent qu’il possède les qualités nécessaires pour l’exercer. Suggérer des actions telles que faire un stage d’un jour, consulter le conseiller, participer à des portes ouvertes, etc. Témoigner de son vécu par rapport au choix d’une profession, à la prise de décision, etc.

Les parents sont appelés à adopter une attitude d’ouverture et de patience face aux soubresauts qui parsèment le processus d’orientation. L’indécision, les changements de projet, l’ambivalence, l’incertitude, la peur de se tromper font partie intégrale de la démarche. Il est rassurant pour un jeune de savoir qu’il a le droit à l’erreur, qu’il peut changer d’idée et même tirer profit de cette expérience. L’adolescent explore, expérimente, s’expérimente. Il a besoin de la compréhension et du support de ses parents particulièrement dans les moments d’incertitude et de changement.

Ici et maintenant

Dans une époque de rapidité et d’instantanéité, les jeunes d’aujourd’hui vivent beaucoup dans le moment présent. Pour eux, l’avenir reste souvent un concept flou qui fait peu de sens. Ainsi, les parents et les éducateurs en général, doivent recentrer le jeune sur l’ici et maintenant en adoptant un nouveau questionnement. Par exemple:

  • Quelles compétences académiques dois-tu développer maintenant si tu veux devenir ……………………… plus tard ?
  • Quelles compétences personnelles dois-tu développer maintenant si tu veux devenir………………… plus tard ?

Le choix d’orientation doit reprendre sa place dans le présent. Lors d’une animation en classe, un élève fut étonné de réaliser que pour devenir conducteur de camion, il devra parler anglais et que c’est maintenant au secondaire qu’il doit apprendre cette langue. Les compétences générales doivent être acquises avant le début de la formation professionnelle. Une autre élève, désirant fonder sa propre entreprise, réalisa qu’elle pouvait commencer maintenant à développer son leadership et ses habiletés sociales en s’impliquant par exemple dans le conseil étudiant ou dans différents comités. Recentrer l’élève sur les compétences qu’il doit développer maintenant, pour réaliser son projet plus tard, donne du sens à l’école et s’inscrit directement dans la philosophie du renouveau pédagogique et de l’approche orientante.

Choix de profession ou développement de compétences

Accompagner un jeune dans son choix de carrière ne signifie pas seulement l’aider à trouver un métier ou une profession. À la période de l’adolescence, le jeune est à la recherche de son identité et il est difficile pour certains d’imaginer ce qu’ils veulent devenir alors qu’ils savent à peine qui ils sont. D’ailleurs, l’étude Écobes1 identifie le manque de connaissance de soi comme la principale difficulté rencontrée lors du choix de carrière loin devant le manque d’information sur les métiers et professions. L’immaturité, les difficultés personnelles et familiales, les problèmes de consommation, les difficultés dans les relations avec le sexe opposé, l’attrait pour le travail rémunéré et la baisse de motivation à l’école sont d’autres facteurs qui relèguent parfois au second rang le processus d’orientation. Ainsi, certains élèves n’arrivent pas à faire de choix ou ne sont pas disponibles pour cette démarche. Que faire alors ?

Quel que soit le motif qui empêche un jeune de préciser son choix de carrière, il peut être parfois utile de faire un virage à 180 degrés. On abandonne alors l’objectif du choix d’une profession pour se centrer uniquement sur le développement de compétences générales. Un moratoire sur le choix de carrière est proposé et, habituellement, il libère l’élève du stress de choisir et lui permet de s’ouvrir davantage aux différentes possibilités. Le moratoire l’amène à explorer d’une façon plus détendue, plus dégagée, d’autres avenues et souvent lui permet de faire preuve de créativité en découvrant des intérêts insoupçonnés pour un domaine jusque-là inconnu. Pour plus de précisions sur ce modèle, on pourra lire l’article publié dans le Bulletin OrientAction intitulé « Pour un nouveau paradigme en orientation scolaire et professionnelle »2. Voici un bref aperçu des interventions suggérées:

En attendant que tu puisses identifier une profession qui t’intéresse, quels talents aimerais-tu développer, quelles compétences voudrais-tu acquérir, quelle genre d’études te ferait plaisir sans nécessairement en faire un projet de carrière ?

Il est connu que le développement de ses talents et l’acquisition de compétences générales peuvent faire toute la différence plus tard lors d’une entrevue d’emploi. L’exemple le plus probant est celui d’une firme d’ingénieurs qui, après une dizaine d’entrevues, attribua le poste à un candidat qui parlait espagnol. Rien à voir avec l’ingénierie. Un employeur qui recherchait une personne motivée, ayant du leadership pour un poste en gestion du personnel, fut séduit par la candidature d’un ancien capitaine d’équipe au football. Centrer un élève sur le développement de ses compétences générales fait partie intégrante du processus d’orientation. Les parents inquiets de voir leur jeune indécis pourraient être invités à prendre cette direction plutôt que d’insister sur le choix d’un métier.

Conclusion

Les parents demeurent la première source de référence pour l’adolescent en questionnement. Leur présence et leur disponibilité sont de toute première importance. Ils ont un rôle crucial à jouer en maintenant leurs exigences tout en  donnant une place à leur jeune. Donc, un parent bien informé, conscient de son vécu et de ses attentes, en présence d’un portrait réaliste de son adolescent, ouvert à ses projets et à ses inquiétudes, présent et disponible pour l’accompagner dans ses démarches, voilà le portrait idéal. Aux conseillers maintenant de travailler chacune des pièces du casse-tête pour que, une fois assemblé, il corresponde à l’image attendue.


Références:

1. Écobes : Rapport de recherche de l’enquête interrégionale 2008 intitulé Être jeune aujourd’hui: habitudes de vie et aspirations des jeunes des régions de la Capitale-Nationale, du Saguenay–Lac-Saint-Jean et des Laurentides.

2.GRENIER, Claude. « Pour un nouveau paradigme en orientation scolaire et professionnelle ». Bulletin OrientAction, vol. 3, n° 3, Automne 2006.


Claude Grenier est psychologue et conseiller d’orientation. Formé à l’approche systémique, il applique ce modèle aux problématiques scolaires incluant celles reliées à l’orientation. Il travaille depuis plus de 25 ans à la Commission scolaire des Navigateurs et en pratique privée à Lévis. Il agit également comme conférencier, formateur et superviseur.

Courriel : claude.grenier@csnavigateurs.qc.ca