par Wilfrid Larochelle, c.o.

Il faut saluer nos pionniers de la méthode des tests.

En 1933, le psychiatre Gaston Lefébure de Bellefeuille terminait l’ouvrage intitulé Manuel de technique psychométrique. Nous pouvions ainsi lire en français une adaptation québécoise du Standford-Binet (révision américaine des tests français Binet-Simon). À propos, saviez-vous que le chronomètre a été utilisé pour la première fois en psychologie par le psychiatre allemand Rieger de Wurzburg en 1885?

De Bellefeuille n’était pas satisfait de la traduction de l’anglais au français pour le sous-test du vocabulaire de Terman. Alors, pendant près d’une année, il a fait passer méthodiquement l’épreuve du vocabulaire traduite de l’anglais et celle qu’il avait adaptée aux mêmes personnes pour une étude comparative.

Cette expérience démontra les faiblesses d’une simple traduction. Toutefois, comme ce docteur manqua d’argent pour produire un test de vocabulaire satisfaisant, il fallut attendre en 1941 la publication d’une échelle de vocabulaire de Lawrence T. Dayhaw par l’Institut pédagogique Saint-Georges pour que cette lacune soit comblée.

Cet institut a édité plusieurs tests d’intelligence dont l’Épreuve collective d’habileté mentale de Paul L’Archevêque en 1944 et l’Intelligence des relations spatiales du frère Gédéon en 1945. Fondée en 1929, cet institut offrait à ses étudiants deux spécialisations : l’administration scolaire et l’orientation. Cette dernière spécialisation sera par la suite intégrée au Département de psychologie de l’Université de Montréal en 1968.

Né en 1940, l’Institut canadien d’orientation professionnelle est à la fois un bureau et une école de formation pour les futurs conseillers d’orientation. L’Institut étudie tous les cas d’orientation scolaire et s’occupe de la sélection professionnelle. Elle a créé un laboratoire de psychotechnique et édite plusieurs tests. Il est captivant de lire des textes de Florian Tessier, psychotechnicien à l’Institut. On y parle de différents appareils dont le Dextérimètre et le Dynamographe.

L’expression test mental a été utilisée pour la première fois dans un texte de psychologie publié en 1890 par le psychologue américain James McKeen Cattell. Ce dernier y décrivait différents tests administrés à des étudiants de collèges afin d’évaluer leur niveau intellectuel qui permettaient de mesurer la force musculaire, la rapidité des mouvements, la sensibilité à la douleur, l’acuité visuelle et auditive, la discrimination de poids, le temps de réaction, la mémoire ainsi que d’autres paramètres.

D’autres organismes canadiens travaillent à produire des tests. Le Canadian Council for Educational Research édita en 1944 Les examens Otis-Ottawa d’habileté mentale sous la direction de Raymond Henri Shevenell de l’Université d’Ottawa. Cette adaptation en français de l’Otis Self-Administering Test of Mental Ability aura des suites. En 1967, la nature des habiletés mesurées fut précisée par l’Otis-Lennon Mental Ability Test. Cette version a été traduite l’année même de sa sortie, soit en 1967, sous la direction de Jean-Marc Chevrier. Elle portait le nom Épreuve d’habileté mentale Otis-Lennon. Les normes américaines furent conservées et aucune analyse d’items ne fut effectuée.

En 1979, l’Otis-Lennon Mental Ability Test fut modifié et devint l’Otis-Lennon School Ability Test (OLSAT). Bien que les fondements théoriques, la structure, l’organisation et les objectifs soient demeurés les mêmes, cette version subit de gros changements. En effet, les buts visés par cette forme d’évaluation furent de plus en plus liés à la mesure des habiletés scolaires plutôt qu’à l’obtention d’un quotient intellectuel. Cette version fut adaptée en français la même année par le laboratoire de psychométrie de l’Université d’Ottawa sous la direction de Georges Sarrazin. L’équipe ne se limita pas à une simple adaptation : elle procèda à la création originale de 20% des items. Cette version portait le nom de Test d’habileté scolaire Otis-Lennon (THSOL). Les items français furent validés de façon empirique. Il s’agissait de la première version à posséder des normes canadiennes- françaises. Les Américains publièrent par la suite l’OLSAT-6 en 1988, l’OLSAT-7 en 1996 et l’OLSAT-8 en 2004. Encore aujourd’hui, les écoles québécoises continuent d’utiliser la version 4 de 1967 ou la version 5 de 1979. L’argent ne semble pas au rendez-vous de nos laboratoires de psychométrie et je me demande qui aura le souci d’améliorer la formation et l’instrumentation disponibles.

En 1939, Wechsler créait un nouvel instrument de mesure. Ce test, conçu pour une population adulte, portait le nom de Wechsler-Bellevue Intelligence Scale. S’inspirant de Thurstone et de sa théorie des facteurs multiples, Wechsler remplaça la notion de facteur général par celle de facteur primaire. Le Wechsler-Bellevue Intelligence Scale comprenait 10 sous-tests et fournissait trois scores de l’intelligence : un score verbal, un score non verbal et un score total. Depuis sa première édition, ce test a fait l’objet de milliers de recherches. En 1951, l’Institut de psychologie édita l’Épreuve individuelle d’intelligence générale (destiné aux 10-34 ans, avec des normes expérimentales pour les 35-44 ans) sous la direction de Gérard L. Barbeau et d’Adrien Pinard. Bien qu’ayant la même structure générale que le Wechsler, cette nouvelle édition comportait plusieurs problèmes nouveaux. De plus, le test a été normalisé à partir d’une population exclusivement francophone de la région de Montréal. En 1955, les Éditions de l’Université d’Ottawa publiaient l’Échelle d’intelligence Ottawa-Wechsler (15-60 ans) sous la direction de Maurice Chagnon. On trouve également dans le Catalogue d’évaluation psychologique et clinique 2004 de l’entreprise Harcourt, une édition de recherche pour francophones du Canada publiée sous le titre Wechsler Intelligence Scale for Children-IV (2003), avec les normes des États-Unis pour enfants âgés entre 6 et 16 ans et du Wechsler Adult Intelligence Scale-III (1997) avec des normes des États-Unis pour les personnes âgées entre 16 et 89 ans. Il existe aussi une traduction du Wechsler Preschool and Primary Scale of Intelligence-III (2002).

En 1986, Jean-Marc Chevrier, fondateur de l’Institut de Recherches Psychologiques entreprit un travail de quatre ans pour publier en 1989 l’Épreuve individuelle d’habileté mentale pour les 10 à 24 ans, un dérivé du Wechsler. C’était la première fois qu’une normalisation pour un test de ce genre était réalisée à partir d’une population francophone pour l’ensemble du Québec. Il a publié le tome II pour les 25 à 44 ans en 1992 et le tome III pour les 45 à 86 ans en 1993. En 1996, il éditait l’Épreuve individuelle d’habileté mentale pour enfants de 4 à 9 ans.

En 1994, le Réseau Psychotech éditait le Test d’Aptitudes Informatisé pour enfants et le test d’Aptitudes Informatisé pour adolescents et adultes sous la direction de Michel Pépin et Michel Loranger. Non seulement, conçurent-ils et normalisèrent-ils des tests pour le milieu québécois, mais ils créèrent plusieurs tâches originales en exploitant les possibilités de l’ordinateur. L’informatisation des tests permit d’introduire plusieurs éléments nouveaux dont la standardisation des conditions d’administration, l’automatisation de la correction et la gestion précise du facteur temps (vitesse cognitive). Il faut souligner l’apport de ce réseau dans la création de la série RÉÉDUC ou REMÉDIATION COGNITIVE. Les logiciels, de type exerciseur, sont utilisés à des fins d’entraînement cognitif.

En 1995, The Psychological Corporation édita, sous la direction de Georges Sarrazin, le Test de rendement pour francophones. C’est un instrument de mesure servant à évaluer les compétences de base en langue française, en lecture, en mathématique, en raisonnement mécanique et en sciences pour les élèves inscrits au programme régulier et à l’éducation des adultes.

En 2003, Janine Flessas et Francine Lussier, neuropsychologues, proposaient l’Épreuve verbale d’aptitudes cognitives Flessas-Lussier pour les 7 à 16 ans. Cette épreuve diagnostique permet de repérer les dysfonctionnements présentés par les enfants en situation d’échec scolaire.

Parmi tous les travaux québécois sur la nature de l’intelligence, signalons la publication des Tests différentiels d’intelligence en 1954 par l’Institut de psychologie. Ces tests introduisaient un instrument scientifique mesurant trois modes de fonctionnement intellectuel (logique, inventif et perceptuel) et proposaient une classification comportant cinq types différents (logique concret, logique abstrait, inventif concret, inventif abstrait et perceptuel).

En ce qui a trait à la sélection de personnel en entreprise, lorsque des recruteurs me parlent du Wonderlic, de l’Otis-Ottawa pour le recrutement du personnel, du Beta ou de la BGTA, je comprends pourquoi le secteur de la psychométrie a mauvaise presse. Est-ce un manque d’intérêt ou un laisser-faire général qui fait en sorte que l’on continue d’utiliser ainsi des tests âgés de plusieurs décénies? C’est comme si je voulais utiliser le test d’équivalence scolaire Ligondé auprès d’adultes en 2004, alors que Paultre Ligondé a conçu ce test en 1967 pour l’évaluation de la scolarité des adultes.

Heureusement, l’intelligence générale est tributaire du bagage génétique, du milieu social, des expériences d’une personne. Il est captivant de pouvoir résoudre des problèmes et de s’adapter à un environnement donné. Faut-il parler d’intelligence au singulier ou distinguer, à la manière de Howard Gardner, les formes multiples d’intelligence?

Nous pouvons profiter de la psychologie cognitive, de l’intelligence artificielle, des neurosciences, de la philosophie de l’esprit pour pousser plus loin l’évaluation psychométrique au Québec.

Plusieurs personnes savent que j’encourage depuis plusieurs années la passation de tests en ligne. Dans ce contexte, il arrive que le conseiller soit absent et le client se retrouve seul face à lui-même, aidé de son ordinateur et du questionnaire en ligne. Le test en ligne se situe en fait à mi-chemin entre l’utilisation de l’ordinateur dans une pratique en personne et la communication par Internet entre le conseiller et le client. Michel Turcotte m’a souvent encouragé à développer une boîte à outils. Déjà, je propose mes coups de cœur aux professionnels de l’orientation, aux personnes en emploi ou à la recherche d’un travail, aux entreprises et aux organismes du monde du travail.

Cet outil s’appuie sur les travaux de Charles-Henri Amherdt de l’Université de Sherbrooke. Il faut lire Le chaos de carrière dans les organisations.
Ce test s’appuie sur la théorie de la personne synergique développée par Serge Racine, professeur agrégé à l’Université de Montréal.
Robert Léveillé a consacré plus de 20 ans à peaufiner son test pour prédire la performance au travail.
L’auteur, Dominique Clavier, propose ses services aux individus et aux entreprises. Le principe de Copilote Insertion est de placer l’utilisateur devant des situations problématiques, présentes ou passées, liées à la recherche d’emploi. Pilote Bilan est le fruit de 15 années d’expertise acquise auprès de 780 groupes de bilan professionnel et de 12 000 utilisateurs.
Il est vrai que François Bernatchez a consacré au moins un millier d’heures à peaufiner le Performance Carrière durant l’année 2000. Il a parcouru le Québec pour convaincre des conseillers d’orientation et des psychologues de l’utilité de ce test dans les domaines de l’orientation scolaire et professionnelle, de la sélection du personnel et de la gestion de carrière.

 

Wilfrid Larochelle, c.o. compte 33 ans d’expérience d’intervention dans le domaine du processus de développement continu de la personne en relation avec le monde du travail. Depuis 18 ans, il a participé à la conception d’une multitude de questionnaires, d’examens et de tests psychométriques dont le Questionnaire sur le concept de soi (QCS) et l’adaptation canadienne française de la 7e version de l’Otis-Lennon. Président de l’entreprise « Les Projets Alpha et Oméga », firme qui édite des livres sur les carrières, qui conçoit des outils psychométriques et qui a produit le site Café Transit (www.transit.monemploi.com). Cette entreprise offre aussi des services d’orientation et de développement professionnel aux entreprises et aux établissements scolaires en plus de faire de la recherche en information sur le marché du travail et en orientation professionnelle. Wilfrid Larochelle a dirigé la collection « Avez-vous la tête de l’emploi? », co-éditée par Septembre éditeur et Les Projets Alpha et Oméga. M. Larochelle fait également du bénévolat depuis plusieurs années. Il a, entre autres, été responsable du comité de psychométrie de l’Ordre des conseillers et conseillères d’orientation et des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec (OCCOPPQ).

Courriel : wilfrid.larochelle@alphaomega.qc.ca Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir.

Site Web : http://www.alphaomega.qc.ca