par Luc Vallerand et Jessica Lalancette

Dans notre société, le rôle du travail est considéré comme capital pour l’ensemble de ses membres. En effet, celui-ci aurait une double fonction intégrative permettant à l’individu d’être inclus au corps social et, par le fait même, de se forger une identité (Pointenaud et al., 1987). Qu’advient-il alors de notre identité lorsque nous prenons notre retraite? Selon certains auteurs, la retraite marque le début d’une période sans rôle précis (Rosow, 1974). La session-pilote de préparation à la retraite élaborée par l’Association québécoise des retraités des secteurs public et parapublic (AQRP) a été spécialement conçue pour démystifier et approfondir certaines perceptions relatives au passage à la retraite.

Une première session-pilote a été suivie par seize personnes qui comptaient prendre leur retraite prochainement et souhaitaient effectuer une démarche introspective par rapport à cette étape de leur vie. Elle a eu lieu à Québec, à l’été 2007, et la démarche proposée reposait sur les fondements du constructivisme et du constructionnisme social. Essentiellement, ces courants indiquent que nous construisons le monde et la réalité à partir de notre cadre de référence personnel. La démarche visait à aider les participants à identifier les aspects majeurs de leur cadre de référence, cadre qui influence la perception de soi, des autres, du travail, de la retraite, etc.

Les thèmes abordés avaient pour but de permettre aux participants, grâce à une démarche de groupe, de faire le point sur qui ils sont et d’identifier leur propre cadre de référence, et ce, afin de faciliter leur positionnement par rapport à la retraite. Plus précisément, et contrairement à d’autres approches fondées sur l’éducation psychologique ou sur une approche informationnelle, l’approche utilisée dans le cadre de la session-pilote de préparation à la retraite consistait essentiellement à adopter une « posture » d’écoute et de facilitation plutôt qu’une « posture » d’expert détenteur d’un savoir. L’objectif principal visait à faire en sorte que chaque participant puisse construire et révéler sa propre conception de la retraite à travers ses expériences significatives, ses valeurs et les éléments ayant du sens dans sa vie actuelle. De plus, notre session-pilote reposait sur l’expérience de vie et les échanges entre les participants afin que ceux-ci puissent cerner la construction du sens de la retraite des autres participants.

Les changements constatés chez les participants ont démontré la pertinence d’une telle démarche. En effet, on a pu observer, à la fin de la session-pilote, que le niveau d’inconfort face à l’ennui qui pourrait être éprouvé pendant la retraite avait considérablement diminué chez l’ensemble des participants. Il en va de même pour ce qui est du sentiment d’utilité ressenti par les participants. Au terme de cette session-pilote, la plupart des participants ont ressenti moins d’inconfort en ce qui a trait à leurs finances, leur santé, leurs relations interpersonnelles et familiales. Dans l’ensemble, les participants se sentaient davantage prêts à prendre leur retraite et vivaient moins d’insécurité par rapport à celle-ci. Les participants ont véritablement appris à mieux se connaître pour faire face à la retraite et ont désormais une meilleure idée de ce qui les attend. Ils savent davantage ce qu’ils feront sans leur emploi et, par le fait même, craignent moins les changements que la retraite engendrera dans leur quotidien.

D’autre part, tous les participants ont mentionné que cette session-pilote les avait aidés dans leur démarche de préparation à la retraite et qu’ils ont réussi à démystifier plusieurs craintes par rapport à cette dernière. À cet égard, ils ont affirmé avoir découvert et adopté de nouvelles perspectives par rapport à la prise de la retraite. Ce fut une expérience très enrichissante pour tous les participants qui recommandent que d’autres personnes puissent en bénéficier. Le degré d’appréciation générale des participants dépasse d’ailleurs les 80 %. De surcroît, la démarche en groupe s’est révélée être un milieu d’apprentissage adéquat, car cela a permis aux participants de progresser dans leur démarche personnelle grâce aux interventions des autres. À cet effet, les participants ont mentionné que le fait d’être en groupe les avait aidés à mieux se connaître et à sentir qu’ils n’étaient pas les seuls à se questionner par rapport à la retraite.

En terminant, les résultats obtenus ont démontré à quel point il est bénéfique pour une personne désirant prendre sa retraite d’effectuer une démarche fondée sur la construction du sens de la retraite. Effectivement, cette session-pilote a permis à de futurs retraités de modifier et d’enrichir leurs conceptions liées à la retraite et d’appréhender cette dernière avec moins de crainte et davantage de sérénité.

 

Luc Vallerand détient une maîtrise en sciences de l’orientation de l’Université Laval et un baccalauréat en psychologie. Il a oeuvré pendant plusieurs années en milieu communautaire et associatif ainsi que dans le domaine de la santé et des services sociaux. Il est directeur général de l’Association québécoise des retraité(e)s des secteurs public et parapublic depuis 2004.

Jessica Lalancette est étudiante en 2e année au baccalauréat en service social de l’Université Laval. Elle occupe un poste d’agente d’information au service à la clientèle à l’Association québécoise des retraité(e)s des secteurs public et parapublic, notamment au service d’aide téléphonique. Elle a participé au rapport d’évaluation de la session-pilote de préparation à la retraite élaborée par l’AQRP.

Courriel : secretariat@aqrp.qc.ca.

Références :

Pointenaud, J. et al. (1987). Effets de la retraite sur le bien-être psychologique et sur la santé. Revue de psychologie appliquée, 2, 175-191.

Rosow, Irving (1974). Socialization to old age, University of California Press.