par André Parent

L’orientation auprès des personnes ayant des troubles de santé mentale présente certaines particularités que le conseiller doit connaître. Ce court article propose quelques pistes de réflexion visant à lui permettre d’adapter sa pratique aux besoins spécifiques de ces personnes et de leur réalité propre.

Le but premier d’une démarche d’orientation est généralement d’arriver à faire le choix d’une carrière et, ultimement, d’intégrer le marché du travail. Cette insertion en emploi peut être précédée d’une période de formation. Néanmoins, lorsque nous intervenons auprès des personnes qui présentent une problématique de santé mentale, le processus ne se solde pas nécessairement par l’inscription à un programme scolaire. Souvent, d’autres solutions comme un stage de développement de l’employabilité ou une démarche de recherche d’emploi ciblée sont à considérer. Mais comment y parvient-on?

Pour bien intervenir avec une clientèle en santé mentale, il est impératif de s’assurer de la stabilité de l’état de santé de la personne. Connaître les diagnostics c’est bien, mais en saisir les difficultés induites est tout aussi important, sinon plus. Ainsi, questionner la prise de médicaments et leurs effets secondaires, interroger la personne sur son niveau d’énergie, ses capacités et les points à améliorer, s’informer de la nature des suivis médicaux, psychosociaux et leur fréquence sont tous des facteurs à examiner lors de notre évaluation.

Il est important de noter ici que les personnes qui présentent une problématique de santé mentale, quelle qu’elle soit, peuvent avoir beaucoup de difficulté à gérer le stress et la pression. Sachant que le fait d’entreprendre des études implique une certaine dose de stress et que les exigences du marché du travail n’en sont pas moins exemptées, au contraire, nous devons considérer comme essentiel cet élément générateur d’anxiété lors de nos interventions. De même, il faut comprendre les sources de stress de notre client et sonder les moyens qu’il prend pour les gérer selon le contexte ou leur type; cela va contribuer à alimenter la compréhension de la personne qu’on aide.

Et pour mieux l’aider, il est de bonne pratique d’établir des collaborations avec d’autres professionnels. Le psychiatre ou le médecin généraliste, l’infirmier psychiatrique, le psychologue, le travailleur social, l’éducateur spécialisé ou l’aide pédagogique pour ne nommer que ceux-là, jouent des rôles déterminants dans la vie d’une personne présentant une problématique de santé mentale. Ces alliés travaillent dans le même sens que nous, mais à des niveaux différents.

Comme conseiller d’orientation, nous avons nos limites et nous ne pouvons pas intervenir au niveau de la médication, de la gestion du budget, de l’organisation domestique ou du soutien aux études; d’où l’importance de ces collaborations. Il faut dès le départ clarifier notre rôle et être présent lors des rencontres multidisciplinaires. Ces types de rencontres permettent de mieux saisir l’importance de chacun pour le bien-être de notre client, tout en ayant l’opportunité de le connaître à travers les yeux d’autres spécialistes ce qui nous donne une vision plus globale et complémentaire.

À la lumière de la connaissance que nous avons de notre client, il est alors plus facile de déterminer le chemin à prendre pour l’aider à se construire un projet de vie professionnel (et personnel) réaliste mais surtout réalisable, en fonction des choix finaux que notre client aura faits suite à nos recommandations et aux options qui se présentent à lui.

Outre l’évaluation des potentialités et de la fragilité de notre client, de son état de santé et des collaborations, avoir une connaissance de la réalité du marché du travail est aussi essentiel en tant que conseiller d’orientation et en emploi. Savoir que réussir un programme scolaire ne garantit pas nécessairement la réussite d’une intégration ni un maintien en emploi à long terme est important. L’école et le monde du travail ont chacun leurs exigences particulières. Une personne qui étudie en cuisine d’établissement peut très bien réussir son cours avec une aide pédagogique dans un milieu scolaire aidant et accommodant mais peut éprouver des difficultés à s’adapter au rythme trépidant, stressant et parfois « agressif » de certaines cuisines de restaurants. Les employeurs ont des services à rendre, des mandats à respecter, des profits à faire et, pour y arriver, des postes à combler. Bref, le travail doit être fait. Saisir cette réalité du marché du travail, c’est considérer les enjeux auxquels notre clientèle est confrontée.

Pour vous aider à y faire face, il existe au Québec divers organismes faisant partie du Regroupement des organismes spécialisés pour l’emploi des personnes handicapées (ROSEPH) qui ont pour mandat d’aider ces personnes à intégrer le marché du travail. Par l’intermédiaire de ces conseillers d’orientation ou en emploi, la personne présentant un handicap dûment diagnostiqué pourra, après analyse de ses possibilités et si le besoin est opportun, avoir accès à certaines mesures d’aide à l’emploi comme les Entreprises adaptées, le contrat d’intégration au travail (CIT), le Fonds SPHERE-Québec, le Programme de développement de l’employabilité pour l’intégration des personnes handicapées au sein de la fonction publique (PDEIPH). Les personnes qu’on aide ne sont pas nécessairement admissibles à toutes ces mesures. Chaque client est unique et le parcours des uns peut être très différent des autres. Notons que seuls les organismes membres du ROSEPH sont habilités à évaluer le niveau d’employabilité et à présenter les demandes pour les programmes mentionnés; donc, n’hésitez pas à communiquer avec les responsables et à établir des collaborations.

Rappelons-nous qu’en tant que professionnel, saisir les enjeux de la réalité de la personne qu’on aide, la réalité des milieux scolaires, la réalité du marché du travail et les mesures d’aide à l’emploi et aux études est primordial afin d’intervenir adéquatement auprès des personnes qui présentent une problématique de santé mentale. Il peut être bon d’avoir en tête quelques questionnements tels que : « Mon client va-t-il être en mesure de faire ce travail-là en fonction de sa santé? Quels sont les éléments importants à considérer pour qu’il réussisse? Est-ce possible de respecter ces éléments et de les mettre en place à l’école ou chez un employeur? Quelles sont les sources de stress et avons-nous un pouvoir sur elles? Où se trouve notre limite? Quelle collaboration puis-je établir et dans quel but? Quelles stratégies devons-nous prendre pour que le plan d’action se réalise avec succès? Quelles ressources sont disponibles pour l’aider à réaliser son projet? Etc., etc., etc.

Ces personnes sont autre chose qu’un diagnostic. Elles sont d’abord des personnes à part entière avec des forces, des aptitudes, des intérêts, des aspirations, des rêves. Travailler avec cette clientèle est stimulant et présente de beaux défis professionnels et personnels. Savoir qu’on peut vraiment faire la différence dans la vie d’une personne trop souvent marginalisée et stigmatisée est d’autant plus valorisant lorsqu’on est conscient que nous sommes des acteurs de changement.

 

André Parent est coordonnateur clinique et conseiller d’orientation chez ÉquiTravail, un service d’aide à l’emploi (et membre du ROSEPH) pour les personnes qui présentent des difficultés d’intégration au travail en raison d’une problématique de santé mentale, de limitations intellectuelles ou de troubles du spectre de l’autisme. ÉquiTravail offre également des services de démarrage d’entreprise, de support à l’intégration et des groupes d’entraide pour les personnes en emploi.

Courriel : andre.parent@equitravail.com

 

Références :

Site Web d’ÉquiTravail : www.equitravail.com

Site Web du Regroupement des organismes spécialisés pour l’emploi des personnes handicapées (ROSEPH) : www.roseph.ca