par Tara Shuster

À titre de professionnels de l’orientation, nous rencontrons de nombreuses personnes aux prises avec un problème de santé mentale. Cependant, comme la plupart d’entre nous ne possèdent pas de formation particulière dans ce domaine, il se peut que nous éprouvions un sentiment d’inefficacité et de frustration. Selon des statistiques très médiatisées, une personne sur cinq souffrira d’un problème de santé mentale sous une forme ou une autre au cours de sa vie. Par conséquent, il n’est pas étonnant que bon nombre de nos clients soient confrontés à un problème de cet ordre, particulièrement si l’on tient compte du stress qu’ils subissent.

Il importe que nous comprenions les problèmes de santé mentale de nos clients le mieux possible afin de les aider pleinement tout au long du processus de recherche d’emploi. Il est également important de connaître les répercussions des facteurs de stress du travail sur leur santé mentale afin de s’assurer qu’ils sont sur la voie de la réussite.

Certains professionnels de l’orientation hésitent à travailler avec des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale en raison des stéréotypes négatifs de violence et d’imprévisibilité souvent véhiculés dans les médias. Il est extrêmement important de comprendre qu’il n’en est rien. Selon l’Association canadienne pour la santé mentale : « Les gens confrontés à des problèmes de santé mentale ne sont pas plus violents que tout autre groupe de la société. De nombreuses études ont prouvé qu’il existe très peu de lien entre la violence et la plupart de ces conditions. »

Dans cet article, je parlerai de certains des défis auxquels font face bon nombre d’entre nous lorsque nous travaillons avec des personnes souffrant de problèmes de santé mentale. Je ferai également quelques suggestions sur la façon d’accroître l’efficacité de notre travail.

Il arrive parfois que des clients ayant subi des facteurs de stress récents dus au chômage et à la recherche d’un emploi souffrent d’un problème de santé mentale pour la première fois de leur vie. Le cas échéant, il est fort probable que le problème ne soit pas diagnostiqué et que ces personnes ne bénéficient pas du soutien nécessaire pour les aider à traverser cette épreuve. Dans d’autres cas, le client est peut-être aux prises avec ce problème depuis longtemps, mais n’a jamais obtenu un diagnostic ou demandé de l’aide. Dans de telles situations, même si vous tentez d’aborder le sujet, il se peut que le client refuse de discuter de son problème avec vous ou qu’il en soit incapable puisqu’il n’en reconnaît pas tout à fait l’existence.

Même si le client est très conscient de son problème de santé mentale, il se peut qu’il hésite à vous en parler de peur d’être jugé et de susciter des réactions négatives comme par le passé. Il peut même craindre que vous mettiez fin à votre relation avec lui ou que vous refusiez de faire valoir ses compétences auprès d’un employeur en raison de sa maladie mentale. Bien qu’il s’agisse sans doute d’une supposition mal fondée de sa part, cette réaction est compréhensible puisqu’il a probablement été échaudé plusieurs fois.

Le comportement et l’humeur des personnes souffrant de problèmes de santé mentale peuvent changer avec le temps, voire d’une semaine à l’autre, ce qui peut constituer un autre défi pour vous. Cette situation peut s’avérer particulièrement frustrante si elles ne vous ont pas informé de leur problème. Si vous ne savez pas ce qui se passe, vous pouvez facilement présumer que le client n’est pas intéressé ou motivé à travailler puisqu’il ne respecte pas ses rendez-vous. Ce n’est toutefois sans doute pas le cas. Il n’a peut-être pas trouvé de stratégies efficaces pour gérer ses symptômes.

De plus, il est important de mentionner que les personnes souffrant de problèmes de santé mentale ont souvent plusieurs autres rendez-vous avec des professionnels de la santé. De plus, en raison de leur santé mentale ou des effets secondaires de leur médication, il se peut que ces personnes aient plus de difficulté à certains moments de la journée. Par conséquent, elles feront peut-être preuve de moins de souplesse en ce qui a trait aux heures de rendez-vous. Encore une fois, si votre client ne vous a pas dévoilé son problème de santé mentale, vous pourriez malheureusement interpréter son comportement comme un manque de motivation.

Que peuvent faire les professionnels de l’orientation?

En tant que professionnel de l’orientation, que pouvez-vous faire? Je vous suggère d’abord de créer un espace positif où les clients peuvent parler de leur santé mentale. La première étape pour que votre client se confie plus facilement consiste à établir une relation de confiance avec lui. Pour amorcer le dialogue, il est recommandé de poser des questions ouvertes telles que « Comment allez-vous en général? ». En outre, le fait de placer des affiches ou des brochures sur les ressources en santé mentale dans votre bureau peut aider vos clients à constater qu’ils se trouvent dans un endroit sûr et peut contribuer à réduire leur crainte d’être jugés.

Il importe également de normaliser les sentiments négatifs des clients. De nombreux clients éprouveront plus de stress, d’anxiété et de symptômes dépressifs que jamais auparavant. Il est souvent difficile de déterminer si cela est dû à un problème de santé mentale ou simplement au stress associé au chômage et à la recherche d’un emploi. Quelle que soit la cause, il est important qu’ils comprennent que ce qu’ils ressentent est tout à fait normal. Le fait d’entretenir tant d’émotions négatives peut parfois s’avérer un facteur de stress, ce qui peut amorcer un cycle néfaste menant à une détresse émotive encore plus grande. S’ils comprennent que ce qu’ils vivent est tout à fait normal, ils ne seront pas aussi stressés par leur stress.

Si un client se confie à vous au sujet de ses problèmes de santé mentale, assurez-vous de ne pas faire de suppositions. Puisque deux personnes avec le même diagnostic peuvent éprouver des symptômes très différents, nous ne pouvons rien présumer de leur expérience. Demandez au client comment il perçoit son problème de santé mentale et quelles répercussions son problème pourrait avoir sur sa recherche d’emploi et sa vie au travail. Si vous souhaitez en apprendre davantage sur la santé mentale, les cours Premiers soins en santé mentale, offerts partout au Canada, peuvent s’avérer une ressource utile. Rendez-vous à mentalhealthfirstaid.ca/FR pour obtenir plus d’information.

Toutefois, il est extrêmement important de souligner qu’à titre de professionnels de l’orientation, notre rôle n’est pas celui d’un conseiller en santé mentale, et ce, même si vous possédez les compétences et la formation dans ce domaine. Par conséquent, si vos conversations avec le client tendent à glisser vers des sujets trop personnels, établissez des limites et soyez clair au sujet de votre rôle. Si le client est disposé à parler davantage de sa santé mentale, tant mieux! Vous pouvez alors le diriger vers d’autres ressources telles que son médecin de famille ou des services de consultation. Si le client n’a jamais fait appel à des services de santé mentale, les services de gestion de cas peuvent aussi l’aider à trouver des ressources appropriées.

Malgré tous nos efforts, certains clients ne parleront pas de leurs problèmes de santé mentale et nous devons l’accepter. Tout ce que nous pouvons faire, c’est de créer un environnement et d’établir une relation qui les met le plus en confiance possible afin de leur permettre de s’exprimer. Le fait de susciter une prise de conscience et de faire la lumière sur les problèmes de santé mentale contribuera, avec le temps, à créer plus d’environnements où les gens pourront se confier en toute sécurité. Démarrons le mouvement!

 

Tara Shuster possède un baccalauréat ès arts (lettres et sciences humaines) en psychologie de l’Université Queen’s et un diplôme de conseillère d’orientation et du travail du Collège George Brown. Elle a travaillé en orientation professionnelle à la fois auprès de la population en général et des personnes souffrant de problèmes de santé mentale. Elle est actuellement spécialiste en emploi à Reconnect Mental Health Services, où elle a créé et mis en œuvre le programme « Reconnect to Work » qui aide les clients confrontés à des problèmes de santé mentale à réintégrer le milieu du travail.