Par Jill Ferguson

L’équipe d’intervenants en développement de carrière de l’Université de Guelph propose un moyen innovateur d’inciter les étudiants à répondre à cette question

Demandez à des ingénieurs de rédiger le curriculum vitæ d’un postulant en génie en leur fournissant de bons exemples, et ils pourront généralement en reproduire le fond et la forme. Donnez à des étudiants en psychologie les outils nécessaires pour rédiger un curriculum vitæ en vue de postuler un emploi en travail social, et ils y parviendront aussi. Cela semble assez logique et n’a rien de déstabilisant. C’est ce que les spécialistes en développement de carrière font depuis de nombreuses années.

Il serait cependant déstabilisant de demander à des étudiants de rédiger un curriculum vitæ pour un poste en dehors de leur discipline. Si un étudiant en sciences de l’activité physique se voit confier la rédaction d’un curriculum vitæ en vue d’un emploi dans l’assurance, il est fréquent que l’étudiant s’en tire mal parce qu’il est incapable d’établir une correspondance entre ses compétences et la description du poste. Nous enseignons aux étudiants à penser aux compétences qu’ils acquièrent, et non au diplôme qu’ils obtiennent. Cependant, cette démarche les déconcerte invariablement. Si nous amenons les étudiants à entrevoir leurs compétences dans une perspective complètement différente, ils deviennent mieux outillés pour poser leur candidature à des postes qui ne sont pas en adéquation parfaite avec leur diplôme. Nous leur apprenons que le simple titre d’un poste ne devrait pas les dissuader de présenter leur candidature. L’expression « compétences transférables » s’éclaire d’un sens nouveau.

Les étudiants abordent les études supérieures en ayant en tête une idée de ce qu’ils veulent faire et choisissent le programme menant au diplôme approprié. Or, nous rencontrons couramment des étudiants qui effectuent une partie, voire la totalité, de leurs études postsecondaires, puis décident de bifurquer. D’autres travaillent pendant des années pour atteindre un but qui, en raison de facteurs externes, se révèle inatteignable. Mécontents, découragés et convaincus d’avoir perdu leur temps, ces étudiants n’ont aucune notion de ce que pourrait être leur plan B, et encore moins de la manière de faire valoir leurs compétences en dehors de leur domaine de formation.

Il serait naïf de croire qu’un étudiant en psychologie peut facilement déterminer les restrictions de charge d’un pont ou de s’attendre à ce qu’un ingénieur connaisse les fondements théoriques du développement de carrière. Cependant, si l’on fournit aux étudiants des descriptions de poste et un encadrement pour faciliter l’appariement de leurs compétences à un poste qui n’est habituellement pas associé à leur programme d’études, ils sont obligés de pousser leur réflexion au-delà de ce qu’ils peuvent faire avec leur diplôme. Cette démarche aiguillonne le type de pensée créatrice qui permet de répondre à cette question.

Remettez à un étudiant en génie une description de poste de travailleur social, à un kinésiologue la description d’un poste de comptable et à un étudiant en psychologie une description de poste dans le domaine de la vente. Autrement dit, des emplois qu’ils ne postuleraient peut-être jamais et qu’ils ne souhaiteraient même pas occuper. Même si cela semble ridicule, ces carrières peuvent faire appel à des compétences liées à des emplois qui n’ont rien à voir avec le titre de poste qu’on associe automatiquement à un diplôme. Cela peut aider les étudiants à acquérir de l’assurance et à jeter un regard neuf sur les descriptions de tâches, les titres des postes et la manière de mettre leurs compétences en valeur.

Il n’est parfois pas facile de convaincre les étudiants de se prêter à cet exercice. Attendez-vous à voir des froncements de sourcils et à entendre dire que c’est une perte de temps jusqu’à ce que les étudiants prennent conscience qu’un grand nombre de leurs compétences sont recherchées dans les domaines du travail social, de la tenue de livres ou de la vente de produits pharmaceutiques. On peut presque observer leur perception changer, et voir la question « Que puis-je faire avec mon diplôme? » se transformer en « Qu’est-ce que je veux faire avec mon diplôme? »

Faites-en l’expérience. Rien qu’une fois. Vous pourriez avoir la surprise de constater un jour que c’est devenu l’une de vos techniques infaillibles. En particulier avec les étudiants qui ont du mal à entrevoir leurs possibilités.

Vous vous demandez encore ce qu’un étudiant en sciences de l’activité physique peut bien fabriquer dans le secteur de l’assurance? Le métier d’expert en indemnités d’accidents vous dit-il quelque chose?

Voilà ce qui constitue pour moi une approche déstabilisante.

 

Jill Ferguson est diplômée de l’Université de Guelph. Elle est titulaire d’un diplôme en sociologie et d’un certificat en ressources humaines du Collège Conestoga. Elle a d’abord été agente de probation et de libération conditionnelle et, ayant elle-même adopté une approche déstabilisante sur le plan professionnel, elle exerce diverses fonctions à l’Université de Guelph depuis 2003 et est actuellement directrice des services-conseils en programmes d’études et carrières de cet établissement.