Par Benoîte Labrosse

Plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) offrent aux jeunes Canadiens la possibilité de vivre une expérience de bénévolat à l’étranger, pour peu qu’ils réussissent à être sélectionnés

La nomination des futurs volontaires survient en effet au terme d’un processus de sélection d’une durée de quelques semaines à quelques mois, et bien que chaque ONG ait ses propres exigences, les étapes demeurent sensiblement les mêmes.

Avant tout, déterminer ses objectifs et ses compétences

« Le volontariat international est un sport extrême sociologique », illustre Suzanne Ouellet, chargée de formation et de mobilisation des volontaires pour le programme Uniterra du Centre d’étude et de coopération internationale (CECI). « Il faut vraiment avoir le goût de se mettre dans des situations pas faciles et la capacité de s’adapter à tout. »

Le futur volontaire doit se questionner sur lui-même : possède-t-il l’ouverture d’esprit, la flexibilité et le goût de l’aventure nécessaires? Veut-il partir seul ou en groupe? Il doit aussi réfléchir au type d’engagement qu’il est prêt à prendre. Certains programmes s’échelonnent sur un an, demandent de l’implication pré-départ ou la réalisation d’activités au retour et comprennent des levées de fonds. La durée des séjours varie également beaucoup.

L’intéressé doit choisir entre l’initiation à la solidarité internationale et la réalisation de projets professionnels. Dans ce dernier cas, des diplômes, du savoir-faire et des années d’expérience sont requis. D’autres programmes demandent plutôt d’être en cours d’études ou fraîchement diplômé.

Il faut par ailleurs s’assurer d’apprécier la mission et le fonctionnement de l’ONG choisie, de même que le pays d’accueil visé. Des recherches s’imposent, entre autres sur le site Web de l’organisme et celui du Centre d’apprentissage interculturel fédéral. « C’est un tout : il faut être intéressé par le sujet du stage, le pays d’accueil, le partenaire terrain et l’ONG au Canada », résume Julie Larocque, appui à la programmation jeunesse chez Développement et Paix.

La présélection : Se mettre en valeur sur papier

Internet est le meilleur outil pour dénicher les expériences à l’étranger, sur les sites des ONG ou sur des portails spécialisés tels Myworldabroad.com et Quebecsansfrontieres.com.

D’ailleurs, la plupart des organismes acceptent uniquement les mises en candidature en ligne. Ils examinent d’abord le curriculum vitæ des candidats, ainsi que leur lettre de motivation ou leurs réponses à un questionnaire. Ce dernier porte sur les expériences antérieures de bénévolat, de voyage et de vie de groupe.

« Souvent, les jeunes ont un bagage intéressant, mais ils ne savent pas le mettre en valeur », souligne Alex Chevalier-Caron, adjoint au programme de stage Québec Sans Frontières (QSF) chez Oxfam-Québec. Pourtant, des années chez les scouts, du bénévolat et des excursions ont beaucoup de poids dans la décision d’inviter ou non un candidat aux entrevues de sélection. Car c’est l’objectif de cette étape : s’assurer que les intéressés respectent les critères de base.

Pour les stages d’initiation, « la lettre de motivation est plus importante que le CV », précise Maude Gilbert-Vanasse, agente de formation et de programme QSF au CECI. La réflexion autour du concept de solidarité internationale est aussi prise en compte, « car vouloir aider, ce n’est pas suffisant », note Julie Larocque.

Dans le cas des stages professionnels, les diplômes prennent plus d’importance et des références sont requises. « Même si on a une excellente lettre de motivation et de bonnes références, si le CV ne correspond pas, c’est très difficile d’être choisi », prévient David Forest, gestionnaire de la mise en œuvre du volontariat international chez Cuso International.

Les entrevues individuelles : Être prêt à se vendre

Dépendant si le voyage se fait en groupe ou en solo, les entrevues varient. Pour les départs individuels, il s’agit d’une entrevue professionnelle standard, qui dure environ une heure. « Elle nous sert à bien connaître la personnalité de l’individu et sa faculté à se débrouiller dans un pays en voie de développement, ainsi qu’à sonder son intérêt envers les autres cultures », détaille Jean-Yves Bourdages, directeur général d’Ingénieurs Sans Frontières Québec (ISFQ). L’entretien contient plusieurs mises en situation qui permettent de juger la réaction du candidat face aux imprévus.

L’entrevue peut aussi être destinée à monter le dossier qui sera remis au partenaire du Sud, responsable du choix final du candidat. « Parfois, l’organisation participe à l’entrevue par Skype, ce qui accélère le processus », ajoute Suzanne Ouellet. Parfois, celui-ci débute avec un entretien téléphonique préliminaire. « Il s’agit d’une révision conjointe du dossier de candidature, mais surtout une séance d’information pour s’assurer que les gens réalisent dans quoi ils s’embarquent », soutient David Forest.

Pour les séjours de groupe, même si le contenu se ressemble, l’objectif diffère : l’entrevue individuelle sert principalement à vérifier les impressions qu’ont eues les évaluateurs durant la phase de groupe (voir plus bas). « Cette étape permet aussi à ceux qui se mettent moins en valeur en groupe de se reprendre »précise Alex Chevalier-Caron. « Nous voulons savoir ce que le candidat croit pouvoir apporter au groupe et au projet », poursuit Julie Larocque.

Dans tous les cas, si la langue du pays n’est pas celle du volontaire, l’ONG en vérifie la connaissance de base. « Nous avons une discussion pour voir comment le candidat se débrouille », explique Jean-Yves Bourdages. Parfois, l’entrevue complète se déroule dans la langue d’accueil. D’autres fois, une seule question est posée.

Les entrevues de groupe : Pratiquer la collaboration et la tolérance

Les objectifs de l’entrevue de groupe varient aussi selon le type de séjour. Et dans certains cas, elles sont totalement absentes du processus.

Pour Cuso, l’objectif est de vérifier que les candidats répondent aux « six dimensions » de l’organisme, qui sont en fait des aptitudes interpersonnelles indispensables au volontariat international. Quelques candidats se retrouvent pour une « journée d’évaluation » durant laquelle ils sont appelés à présenter leurs motivations personnelles et leurs défis, puis à réaliser une série d’exercices de groupes, dont des études de cas.

Seule la période du dîner – fourni par Cuso – permet au candidat de « relaxer un peu », selon David Forest. Un luxe que n’ont pas les candidats aux séjours de groupe. Autant chez OXFAM, au CECI que chez Développement et Paix, ils peuvent s’attendre à un potluck improvisé, à la privation d’un sens, à un handicap imposé ou à un nombre insuffisant de couverts. L’heure du lunch sert en effet à observer les réactions des candidats à des situations déstabilisantes. « C’est une période vraiment révélatrice », assure Maude Gilbert-Vanasse.

Ce dîner clôt un avant-midi d’exercices collectifs regroupant généralement les candidats au même séjour. « Les activités changent chaque année, mais l’objectif reste le même : voir quel sera le processus de réflexion personnelle des candidats, mais aussi leurs agissements en groupe », explique Julie Larocque. Bricolage, mises en situation, jeux… Toutes leurs actions sont surveillées par des observateurs, dont les impressions sont validées en entrevue individuelle. « Les gens ont tendance à chercher la bonne réponse, mais il n’y en a pas, rappelle Alex Chevalier-Caron. Nous recherchons avant tout de bons humains. »

« Lors de la journée de sélection, tu te ramasses avec des gens avec qui tu n’as pas nécessairement d’affinités, mais il faut que tu développes ta tolérance : ça commence à ce moment-là et ça ne finit jamais! » fait remarquer en riant Mme Larocque, une ancienne « sélectionnée » de QSF, tout comme M. Chevalier-Caron et Mme Gilbert-Vanasse.

Toutefois, la formation d’un groupe efficace demande parfois de mettre de côté de bons candidats. « Nous pouvons lui proposer une place dans un autre stage, ou encore le garder sur une liste de rappel », déclare M. Chevalier-Caron.

Des formalités essentielles

Une fois toutes ces étapes franchies, le candidat doit se rendre chez un médecin, qui doit certifier par écrit son aptitude à vivre dans son pays d’affectation. Si le praticien a des doutes, l’aventure se termine là, principalement pour des raisons d’assurances.

« Il n’y a pas de limitations proprement dites, mais il faut quand même réfléchir à certaines choses : une allergie aux arachides, ça rend la vie difficile en Afrique de l’Ouest, par exemple », fait valoir Julie Larocque. Occasionnellement, une certification semblable doit être obtenue auprès d’un dentiste, et certaines ONG vérifient les antécédents judiciaires.

Attention! La sélection ne s’arrête jamais vraiment…

Peu importe l’ONG, le volontaire choisi doit ensuite prendre part à une formation pré-départ, qui varie de deux jours à quelques fins de semaine. Il y est encore observé par les responsables, qui peuvent déceler certains comportements nuisibles qui pourraient mettre fin à l’aventure. « Même s’ils partent seuls, les volontaires doivent effectuer des travaux d’équipe durant cette formation, explique Suzanne Ouellet. Nous pouvons alors constater s’il y a quelque chose qui cloche, même si c’est rare. »
Règle générale, ce sont plutôt les candidats qui se désistent d’eux-mêmes tout au long du processus. « Il y a beaucoup de travail à faire avant de partir, donc il faut être motivé et prêt à travailler sur le long terme, ce qui ne plaît pas à tout le monde », note Jean-Yves Bourdages.

« Nous essayons d’être les plus clairs possible sur ce que ça exige, car les désistements en cours de route ont un impact négatif sur le groupe et il faut retourner en processus de sélection », conclut Julie Larocque en soulignant que ces désistements donnent une seconde chance aux candidats mis de côté après les entrevues de groupe.

 

Benoîte Labrosse est une journaliste indépendante basée à Montréal. Elle collabore entre autres à Protégez-Vous et Les Affaires. Elle est rédactrice en chef adjointe du magazine de solidarité internationale Sans Frontières et secrétaire-trésorière de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ).


Trois conseils d’experts pour être choisis

  1. S’y prendre à l’avance. Plusieurs mois séparent souvent la sélection du départ. Il est donc primordial de commencer ses démarches tôt, jusqu’à un an avant la date de départ souhaitée.
  2. Bien se connaître. « L’un des facteurs décisifs est la connaissance que les candidats ont d’eux-mêmes, explique Suzanne Ouellet. La maturité affective va souvent faire la différence entre une sélection et un refus. » Le candidat doit clairement savoir pourquoi il est rendu à cette étape de son parcours et où cette expérience va le mener.
  3. Rester soi-même. « En entrevue, la clé est de ne pas chercher à plaire à personne et d’être soi-même », estime Alex Chevalier-Caron. Pour les stages de groupe, il est essentiel de jouer franc jeu dès le départ « parce que tu t’en vas passer deux mois et demi avec les mêmes personnes, donc ta vraie personnalité va finir par ressortir », rappelle Julie Larocque.