Par Janet Lane

Nous disposons déjà des outils dont nous avons besoin pour résoudre la question du manque de compétences essentielles, mais nous les sous­utilisons

Dans l’Ouest canadien, 40 % de la main­d’œuvre ne possède pas les compétences essentielles pour vraiment bien faire son travail. Les compétences de base que, dans une certaine mesure, tout le monde utilise au travail sont appelées « compétences essentielles » par le gouvernement fédéral. Les employeurs les incluent souvent dans ce qu’ils nomment les compétences non techniques. Le fait de savoir lire pour bien comprendre, d’écrire de manière compréhensible, de parler et d’écouter pour bien communiquer ainsi que l’utilisation de la technologie numérique, la formation continue, l’arithmétique de base, le travail avec les autres, l’utilisation de documents de toutes sortes, le raisonnement critique et la prise de décisions : voilà les compétences essentielles pour vivre, apprendre et travailler.

Dans un document récent intitulé Smarten Up, la Canada West Foundation a souligné l’ampleur des pénuries de compétences essentielles – ces pénuries se retrouvent dans tous les secteurs d’activité et tous les types d’emploi. Toutefois, le document montre aussi que, en moyenne, 40 % des employés âgés de 16 à 25 ans, comme une grande partie des adultes, possèdent un niveau de compétences essentielles plus élevé que celui que requiert leur emploi. Il en résulte un sous­emploi et, au fil du temps, une perte de compétences. Nous payons tous le prix de cette inadéquation des compétences. Pour les employeurs, cela se traduit par une perte de productivité, de compétitivité et, potentiellement, de profits. Quant aux employés, leur travail ne leur donne plus autant de satisfaction et n’est pas un gage de réussite, sans compter la perte de revenus.

La demande de compétences essentielles est en croissance depuis des années. Même dans les emplois relativement peu qualifiés, il est nécessaire de savoir utiliser les ordinateurs, et de nombreux emplois très qualifiés exigent des capacités liées au raisonnement critique, à la prise de décisions et au travail au sein d’équipes très performantes. Pratiquement tous les emplois exigent de bonnes compétences en communication.

De nombreuses personnes n’ont jamais fourni la pleine mesure des compétences requises par leur emploi, même si elles sont compétentes sur le plan technique. Chaque emploi comporte son lot de tâches plus routinières, mais il faut un niveau de compétences essentielles plus élevé pour travailler dans les périodes de changement ou de crise ou pour effectuer des tâches plus difficiles et faire face à des situations plus complexes. Nous connaissons tous des gens qui occupent un emploi de premier échelon, mais qui échouent lamentablement lorsqu’ils sont promus à un poste de supervision. Le besoin accru de communiquer clairement, de régler les problèmes et de résoudre les différends exige un tout autre niveau de compétences essentielles que de nombreux superviseurs ne possèdent pas.

L’acquisition de compétences essentielles demande du temps et une utilisation fréquente pour leur plein développement. Il faut aussi souvent les utiliser pour les entretenir; il en va de même pour toutes les compétences, sauf peut­être pour conduire un vélo. La plupart d’entre nous savent par expérience que les compétences en mathématiques se perdent avec le temps si elles n’ont pas été mises en application – peu d’entre nous ont le même niveau de compétence en mathématiques que lorsqu’ils sont sortis de l’école. Malheureusement, c’est la même chose pour les autres compétences telles que la lecture et l’écriture. Ce sont des compétences qui paraissent simples, mais elles sont plus difficiles à exercer à un niveau élevé. La maturité et la pratique permettent d’atteindre un niveau plus élevé de compétences en matière de résolution de problèmes et de travail en équipe, mais ces compétences doivent aussi être entretenues.

Approches pour atténuer le problème lié aux compétences essentielles

Diverses approches, prises ensemble, permettent d’espérer atténuer le problème lié aux compétences essentielles.  Il existe des outils simples pour cerner le niveau des compétences de base d’une personne. Des organismes comme le Bureau de l’alphabétisation et des compétences essentielles du ministère fédéral d’Emploi et de Développement social, TOWES au Bow Valley College à Calgary, et SkillPlan à Vancouver, offrent des outils d’évaluation en ligne faciles à utiliser.

De plus, il n’est pas difficile de déterminer le niveau de compétences essentielles exigé par un emploi. Le Guichet­Emplois du gouvernement du Canada présente les profils des compétences essentielles de plus de 300 emplois, et ce service est aussi offert en ligne. Ces profils décrivent les différentes tâches qui font normalement partie d’un emploi ainsi que le niveau de compétences essentielles associé à chaque tâche. Les compétences sont classées selon une échelle comportant cinq niveaux. La plupart des emplois au Canada exigent une capacité de lecture de niveau 3 ou plus. Même si le niveau 3 correspond aux compétences associées à un diplôme d’études secondaires, 40 % des Canadiens adultes ne possèdent pas ce niveau de compétence. Un grand nombre d’employeurs considèrent que leurs nouveaux employés ne possèdent pas les compétences non techniques de base qu’ils devraient posséder, étant donné leur niveau de scolarité.

En veillant à l’adéquation des compétences essentielles et en comblant les pénuries de compétences, on évitera que les employeurs comme les employés soient insatisfaits. La plupart des collèges communautaires comme des établissements privés et des organismes communautaires locaux peuvent contribuer à l’amélioration des compétences essentielles. De plus, des entreprises de services de formation peuvent collaborer avec les employeurs à la conception d’une formation personnalisée destinée à leurs employés. Il est bon de savoir que cette formation peut être admissible à une subvention canadienne pour l’emploi.

Cadres de compétences

Au cours des dernières années, une autre façon d’évaluer les compétences des chercheurs d’emploi a pris de l’ampleur. Cette méthode, qui utilise les cadres de compétences, est relativement nouvelle au Canada, mais elle est bien connue et très utilisée ailleurs. La compétence est la capacité avérée d’exécuter une tâche – et la connaissance de la raison pour laquelle elle est ainsi exécutée.

Au Canada, nous devrions nous concentrer davantage sur la formation et l’évaluation fondées sur les compétences. Les avantages seraient énormes. Un cadre de compétences détaille toutes les compétences, capacités et connaissances requises pour occuper un emploi. L’évaluation des personnes au regard de ces compétences permet de s’assurer que les emplois sont jumelés à des employés qui conviennent beaucoup mieux En outre, cela facilite le développement des carrières et permet de mettre en évidence les pénuries de compétences. Une fois les cadres de compétences élaborés, il est beaucoup plus facile de concevoir des solutions de formation pour combler ces pénuries.

Grâce aux cadres de compétences, on évite l’asymétrie des compétences, mais de plus, la formation qui vise à combler ces pénuries permet d’uniformiser le processus de formation et d’en réduire la durée. Pour la formation de compétences essentielles en milieu de travail, des instructeurs qualifiés concevront des programmes qui répondent aux besoins de l’employé, sont adaptés aux activités d’apprentissage répondant aux besoins de l’employeur, et utilisent les processus et les éléments réels du lieu de travail. Les collèges et les organismes communautaires offriront une formation plus générale sur les compétences essentielles, mais ils évalueront les compétences, les connaissances et les capacités par l’exercice de tâches réelles faisant appel aux compétences essentielles au lieu de supposer que des examens écrits suffisent.

Des solutions n’existent peut-être pas pour régler facilement toutes les inadéquations de compétences – car il n’existe pas de solutions miracles aux problèmes complexes. Toutefois, les solutions aux pénuries de compétences essentielles sont connues, mais elles sont sous­utilisées.

Certains employeurs ne se sont pas rendu compte qu’il est plus efficace de développer les compétences d’un employé qui a la bonne attitude au travail et les bonnes compétences techniques que de continuer à chercher les candidats prêts à occuper un emploi. Les employeurs n’admettent pas que certains de leurs employés ont d’excellentes compétences qui ne sont pas pleinement utilisées et qui, si elles l’étaient, amélioreraient leur rentabilité. Quant aux employés, ils n’ont pas encore compris que, s’ils éprouvent des difficultés au travail, c’est peut-être parce qu’ils doivent perfectionner leurs compétences essentielles. De plus, il n’est pas encore évident pour nos systèmes de formation que s’ils veillent à ce que leurs diplômés possèdent ces compétences, le taux d’obtention de diplôme et la réussite générale des diplômés en seront améliorés.

Maintenant, vous le savez. Ensemble, nous pouvons commencer à réduire les asymétries des compétences essentielles au sein de la main­d’œuvre. La compétitivité du Canada et nos succès personnels en dépendent.

 

Janet Lane, directrice du Centre for Human Capital Policy de la Canada West Foundation, s’est intéressée à l’alphabétisation et aux compétences essentielles après une carrière couronnée de succès dans le secteur financier. Au cours des 15 dernières années, elle a acquis une expertise dans le développement du capital humain et une bonne connaissance des répercussions des pénuries de compétences essentielles sur l’économie. Elle s’efforce par ses recherches, ses écrits et ses collaborations avec d’autres intervenants pour que tant les travailleurs que les employeurs aient les compétences nécessaires pour assurer leur prospérité.

Boîte de légende

Les statistiques citées dans cet article sont tirées de Smarten Up: It’s Time to Build Essential Skills, un rapport de la Canada West Foundation, dont les auteurs sont Janet Lane et T. Scott Murray. Ce rapport peut être téléchargé à partir du site cwf.ca.