Par Marie-Sylvie Dionne

Ce qu’ils valorisent et leurs attentes face au marché du travail

Dans l’un de mes articles publié sur le site d’OrientAction et sur Huffington Post, j’évoquais combien certaines valeurs énoncées chez les jeunes sont toujours aussi fortes d’une génération à l’autre. La famille, le bonheur dans la relation de couple, le succès au travail, l’argent, la notoriété sont des symboles, largement valorisés. Ils sont d’ailleurs souvent pris en compte dans leur choix professionnel, car portés par une certaine vision de la réussite.

Or, lorsqu’on creuse pour permettre aux jeunes d’identifier la source qui alimente ces valeurs, l’importance réelle de celles-ci sur leur sentiment de compétence ou ce qu’ils seraient prêts à sacrifier en leur nom, une déstabilisation s’installe. Et cet instant, que nous pourrions qualifier de « confusion momentanée », devient l’un des moments les plus importants de leur cheminement vers la connaissance d’eux-mêmes.

Famille, culture et société influencent leurs valeurs

Dans ce bref intervalle où les croyances sont ébranlées, ces jeunes qui, l’instant d’avant, arboraient l’assurance de leurs symboles quittent l’adhésion aux valeurs collectives, familiales ou culturelles pour rencontrer cette partie, encore méconnue d’eux-mêmes, qu’est leur essence propre. Et, puisque le mot essence est porteur du mot « sens », ils apprennent alors que leur vie n’est pas qu’une quête de symboles de réussite.

La rencontre avec leur réalité intérieure les informe, c’est-à-dire les forme de l’intérieur à l’idée qu’ils possèdent un espace personnel où s’abreuver, s’identifier, se référer pour que leurs choix prennent sens et que leur vie soit nourrissante. Dès lors, il est possible de voir poindre de nouvelles valeurs. Des valeurs alimentées par un besoin de dépassement nourrit par leur stade de développement et qui promeut le besoin fondamental de se sentir vivant.

Une vie qui marche vers le chemin du monde du travail ne peut porter le nom de réussite que si elle prend racine à partir d’un espace de conscience personnelle qui reflète là où les jeunes se situent dans leur vie. Bien sûr, on pourrait énoncer qu’à l’adolescence, on épouse une identité par affiliation familiale, culturelle ou sociétal, dont une somme de valeurs associées. Mon expérience auprès des jeunes m’a appris qu’ils portent en eux bien plus que ce que l’on croit ou perçoit. Leur univers est riche et à la fois plus complexe que celui des générations qui les ont précédés. Si nous entretenons avec eux une relation de premier degré, elle restera telle. Si nous les invitons à descendre d’un cran en profondeur, ils nous suivent rapidement et ouvertement, car ils sont assoiffés de découvertes.

Les jeunes s’intéressent à leur intériorité lorsqu’ils en découvrent l’existence et l’importance. En prenant conscience qu’ils ne sont pas que des consommateurs de biens et services, mais d’abord des êtres capables de situer les choses à partir d’eux-mêmes et à partir du monde extérieur, ils accèdent alors à leur espace de liberté. Et parce que cette liberté doit grandir et continuer à s’éveiller, ils deviennent un jour, des acteurs qui transforment le monde du travail avec leur vision. Leurs attentes face au marché du travail? Quelles attentes? Ils veulent l’intégrer, puis le transformer.

L’entrée dans le monde du travail

Arrivés sur le marché du travail, ils découvrent rapidement que la réussite n’est qu’un concept et que ce concept varie fortement d’un individu à un autre. En apprenant à faire confiance à leur univers intérieur, les jeunes sont capables d’identifier une foule de possibilités qui font résonner leur sentiment de compétence. C’est pour cette raison qu’ils développeront des projets leur permettant de se réaliser comme personne. Et des projets innovants, le monde du travail en a toujours eu besoin.

Sachant d’emblée, qu’il n’y a pas que le travail dans leur vie, les jeunes veulent se reconnaître et pouvoir affirmer leur intensité. Lorsqu’ils osent vivre ce qu’ils portent en eux, malgré les conditionnements extérieurs, ils deviennent des êtres porteurs de sens et d’humanité. Lorsqu’on les prive de le faire, sous prétexte qu’il faille épouser des normes, adhérer à ce que le monde du travail a besoin, adopter des valeurs socialement reconnues, on freine l’élan vital où séjourne leur aptitude à transformer le monde.

Chacun de nous peut certes devenir une embûche sur le chemin des jeunes. N’est-il pas sain alors de vérifier par moments nos propres croyances et valeurs, ce à quoi nous donnons raison. La paire de lunettes avec laquelle nous regardons le monde peut parfois nous desservir dans notre relation aux jeunes. Si nous osons remettre en question nos perceptions, notre vision de la réussite et du marché du travail, sans doute pourrons-nous ouvrir, dégager, élargir, désengorger notre regard pour découvrir comment les jeunes voient les choses et se les représentent.

Les jeunes sont l’unique promesse que nous puissions avoir pour le futur de l’humanité. Si nous pouvions les aimer véritablement, nous cesserions sur-le-champ de les juger, d’aspirer à les mouler « pour leur bien ». Nous leur ferions confiance sans leur transmettre nos peurs et limites. Nous ferions tout pour apprendre à mieux communiquer avec eux et à mieux entendre ce qu’ils expriment vraiment.

Les jeunes sont animés d’un potentiel de vie suffisamment riche pour transformer le monde à la hauteur de leurs ambitions. Je n’ai jamais rencontré un seul jeune qui ne veuille jouer un rôle constructif face à l’avenir de notre monde. J’ai toutefois accompagné une panoplie d’adultes déçus et amers. Ils étaient tous enfermés sous l’armure de leurs croyances limitatives, entretenues à partir d’une vision « raisonnée » de la vie.

Les véritables attentes de nombreux jeunes face au monde du travail se résument à peu de choses. Aussitôt qu’ils entrevoient ce qu’est le monde du travail, ils n’ont plus qu’un souhait : le transformer à leur façon. Puissions-nous être des milliers à les encourager vivement.

 

Marie-Sylvie Dionne est conseillère d’orientation et directrice des services chez Parachute Carrière. Elle intervient auprès des jeunes et adultes en transition. Plus de 25 ans d’expérience comme consultante organisationnelle, elle a aussi été chargée de cours à l’université et au collégial durant 10 ans. Blogueuse au Huffington Post et sur le site d’OrientAction, elle a développé la MEIP (méthode entrepreneuriale d’insertion professionnelle) et créé le site Kitdecoaching.com.