Aider les jeunes à interpréter de manière critique l’intersection entre l’emploi et l’environnement peut transformer leur sentiment de peur en responsabilisation

Stefania Maggi

Nos côtes sont redéfinies, nos forêts et nos prairies sont détruites, nos résidences, nos écoles et notre infrastructure essentielle sont endommagées. Nos moyens de subsistance sont en danger, notre mode de vie est mis en cause et nos traditions sont menacées. Tout cela est l’effet des changements climatiques, qui transforment le monde tel que nous le connaissons.

En parallèle, des enfants souffrent de divers problèmes de santé mentale. Les jeunes ont de la difficulté à trouver leur place dans un monde offrant un avenir si incertain. Ils se sentent démunis face à l’écrasante menace des changements climatiques, contre lesquels ils souhaitent lutter, mais sans pourtant croire en leur victoire. Ils se sentent vulnérables et mal outillés, et ressentent de la pression. Ce sentiment n’est pourtant pas l’effet des changements climatiques, mais le fruit de nos propres actions.

Notre meilleur atout contre les changements climatiques

Nous avons cet effet sur nos enfants, car nous ne percevons pas leur résilience et leur potentiel infini. Nous les repoussons hors du processus de prise de décision en leur retirant leurs plus grandes qualités : leur capacité à voir grand et à faire preuve de pensée créative, ainsi que leur soif de relever les plus grands défis possible.

Nous n’encourageons pas nos jeunes à contribuer au bien-être collectif et à l’avenir de la planète. Nos enfants sont notre meilleur atout pour corriger le tir et rétablir la santé de notre planète et de tous ses habitants. Le moment est venu de les habiliter à prendre en charge leur propre avenir, pour le bien de tous les êtres vivants.

Le développement de carrière et du leadership pourrait être la solution à ce problème, en préparant les travailleurs de demain à relever cet énorme défi tout en transformant le sentiment de peur en responsabilisation et en motivation. Mettons fin aux messages de désespoir qui nous paralysent. Mettons plutôt à profit nos spécialités en tant que formateurs et accompagnateurs en gestion et transition de carrière. Utilisons la formation et l’orientation professionnelle et en leadership pour outiller les jeunes et les aider à trouver leur raison d’être et à améliorer l’état de la planète.

Close up of senior hands giving small planet earth to a child
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Adopter un esprit critique face à l’emploi et à l’environnement

C’est cet état d’esprit qui m’a motivée à créer le Défi des 100 emplois, un programme conçu pour promouvoir le développement de carrière et du leadership et la sensibilisation aux changements climatiques chez les jeunes.

Ce programme met au défi les participants (un groupe de 15 à 20 jeunes de 12 à 18 ans) de cerner 100 emplois actuels et futurs qui, selon eux, pourraient nous aider à atténuer les changements climatiques et à nous y adapter. Ils doivent ensuite procéder à reculons pour déterminer les compétences et la formation nécessaires pour occuper ces postes. Les animateurs fournissent aux jeunes participants de l’information et des conseils, et les encouragent à analyser plus en détail la contribution de leur choix de carrière au mieux-être collectif. Ce sont cependant les jeunes qui doivent diriger le processus de recherche d’information tout au long de cet atelier de cinq jours, en faisant appel à leur esprit critique pour repérer les résultats pertinents.

Le but du Défi des 100 emplois est de préparer les travailleurs de demain à réfléchir de manière plus critique aux emplois et à leur relation avec l’environnement. Le Défi vise à approfondir les connaissances, à accroître la sensibilisation et à développer les aptitudes requises pour déterminer comment le choix de carrière d’une personne peut jouer un rôle direct ou indirect sur le rétablissement de notre planète. Le programme est également conçu pour promouvoir le développement des compétences sociales et affectives, de la résilience et de la responsabilité sociale chez les jeunes dès les premières étapes de leur développement de carrière et du leadership.

Le Défi des 100 emplois

Qui : Des jeunes âgés de 12 ans ou plus. Les groupes peuvent compter des participants d’âges différents pour faciliter l’apprentissage social et affectif mutuel et l’acquisition d’aptitudes pour le leadership.

Quand : Initialement conçu pour les camps d’été et les relâches d’hiver, le Défi des 100 emplois peut être adapté en fonction des programmes parascolaires, des retraites de fin de semaine et autres événements de nature semblable.

Où : N’importe quel endroit où les participants peuvent autant collaborer que consacrer du temps à des activités individuelles. Les participants doivent avoir accès à Internet et pouvoir effectuer des recherches en ligne seuls ou en petits groupes.

Comment : Le Défi des 100 emplois est coordonné par trois formateurs certifiés : un animateur principal et deux animateurs jeunesse.

Une approche unique

Cette approche se démarque de nombreuses manières des approches traditionnelles du développement de carrière et du leadership.

Elle est opportune, pertinente et interdisciplinaire. Comme le programme s’inscrit dans le contexte d’un problème de la vie courante, les participants ont le sentiment que ce qu’ils apprennent est pertinent et concret. Aussi, plutôt que de porter sur des disciplines précises qui pourraient ne pas intéresser tous les participants, cette activité met les élèves au défi de cerner les emplois actuels et futurs liés au thème choisi, puis de procéder à reculons pour déterminer les compétences et la formation requises.

Elle est axée sur l’apprentissage autodirigé et la résolution de problèmes. Les animateurs offrent aux jeunes participants de l’information et des conseils, mais ce sont les jeunes qui doivent diriger la recherche d’information, en faisant appel à leur esprit critique pour repérer les résultats pertinents. L’objectif de repérer 100 emplois, dont 20 créés de toutes pièces pour l’avenir, sert à motiver les participants à prendre part à la résolution de problèmes sans craindre de fournir de mauvaises réponses. Les jeunes peuvent faire preuve de curiosité et découvrir des carrières qui les intéressent. Ce programme encourage l’acquisition de compétences entrepreneuriales et le recours à des approches non traditionnelles en matière de développement de carrière et du leadership.

Elle favorise une culture de collaboration. Le format du programme est hautement interactif et offre aux jeunes de nombreuses occasions de collaboration et de discussions en groupe. Les animateurs agissent à titre de partenaires d’apprentissage plutôt que d’enseignants traditionnels, et ils créent un environnement de collaboration et de respect mutuel où la divergence des points de vue est valorisée. Ce format permet de mettre en pratique des compétences fondamentales professionnelles et de préparation à l’emploi, comme la capacité de travailler en équipe et de favoriser la diversité et l’inclusion.

Elle porte à réflexion. Tout au long du programme, les jeunes auront l’occasion de réfléchir à leurs intérêts, à leurs prédispositions, à leurs points forts, à leurs aspirations et à leurs objectifs. Ces pauses intentionnelles sont conçues pour donner aux participants la chance de mettre en pratique et de consolider d’importantes aptitudes sociales et affectives professionnelles et de préparation à l’emploi, comme l’autoefficacité, la connaissance de soi, l’indépendance et l’autoréflexion.

Elle propose un processus persistant. Contrairement à bien des ressources de carrière, qui doivent être continuellement mises à jour, le Défi des 100 emplois offre un processus dirigé qui permet aux jeunes de cerner les emplois actuellement disponibles et les exigences connexes en matière de compétences. En outre, il met les jeunes au défi de se tourner vers l’avenir et d’imaginer des emplois et des carrières qui pourraient un jour devenir réalité, ce qui les aide à comprendre l’importance de l’apprentissage permanent dans un monde du travail en constante évolution.

Elle intègre la technologie et le multimédia. Pendant les ateliers, les jeunes développent leur capacité à faire des recherches sur Internet et dans d’autres sources d’information. Ils peuvent également utiliser les réseaux sociaux pour garder le contact avec les animateurs et leurs pairs pendant et après le programme. Le recours aux technologies et au multimédia pour faciliter l’apprentissage permet d’améliorer les pratiques pédagogiques tout en maintenant l’attention des apprenants.

Compétences requises pour le futur monde du travail

Mon expérience de travail avec les jeunes m’a fait comprendre qu’il est essentiel pour un programme efficace d’accompagnement en gestion et transition de carrière qu’il mette l’accent sur les besoins en matière de développement. Les professionnels de la carrière qui travaillent avec les jeunes doivent réserver du temps et de l’espace dans leurs services pour soutenir le développement des compétences de préparation à l’emploi qui sont cruciales pour la réussite permanente d’un parcours de carrière. Un professionnel de la carrière atteint son but lorsque ses jeunes clients apprennent à s’introspecter pour connaître leurs aspirations de carrière plutôt que de consulter une liste de descriptions d’emplois et d’échelles salariales.

Autrement dit, les services de carrière destinés aux jeunes devraient davantage mettre l’accent sur l’acquisition et la consolidation des compétences sociales et affectives de préparation à l’emploi, plutôt que de faire correspondre les intérêts des jeunes à des titres de postes particuliers. Les jeunes pourront ainsi transférer ces compétences d’un emploi à un autre et s’en servir pour s’adapter aux changements rapides du monde du travail actuel. Le professionnel de la carrière a la responsabilité d’adapter ses programmes et services aux besoins sociaux et affectifs de ses clients et d’offrir une occasion de croissance et de développement positif.

Le rapport de l’OCDE sur les compétences sociales et affectives et le développement de carrière (Chernyshenko, Kankaraš et Drasgow, 2018) est une excellente ressource qui offre les connaissances nécessaires aux conseillers d’orientation professionnelle et accompagnateurs qui travaillent avec des jeunes et souhaitent intégrer l’apprentissage d’importantes compétences sociales et affectives à leurs programmes.

Au bout du compte, peu importe la carrière choisie par les élèves. Ce qui compte, c’est qu’ils soient informés des effets éventuels de leur travail sur l’état de notre planète. L’important, c’est la manière dont leurs connaissances influeront sur leurs actions, tant dans leur vie personnelle que professionnelle. C’est à eux de choisir. Et il ne faut pas que cela change.

Stefania Maggi est fondatrice et chef de la direction de Be Your Best Self, Inc. (BYBS), une entreprise sociale créée pour habiliter les jeunes à bâtir leur avenir en les aidant à trouver leur raison d’être et à développer leur connaissance de soi, leur résilience et leur responsabilité sociale. Elle est également professeure d’université, chercheuse, défenseure des droits des enfants et auteure de science-fiction.

Références

Chernyshenko, O.S., Kankaraš, M., & Drasgow, F. (2018) Social and emotional skills for student success and wellbeing: conceptual framework for the OECD study on social and emotional skills. OECD Education Working Paper No. 173.