Automne 2019

Changement climatique : Quelles conséquences sur le marché de l’emploi et sur les nouvelles générations?

Les entreprises ont démarré leur transformation pour répondre à cette nouvelle génération de candidats en quête de sens et d’engagement environnemental et social

Pascal Geneviève

Alors que les vagues de chaleur et les inondations sont de plus en plus fréquentes et intenses partout sur la planète, les politiques de lutte contre les changements climatiques s’intensifient. Ces actions gouvernementales, combinées à l’évolution des attentes des citoyens et des consommateurs, sont amenées à modifier en profondeur la quasi-totalité de nos activités économiques. On parle ainsi d’une transition vers une économie bas-carbone, transition essentielle pour limiter les dérèglements climatiques et maximiser notre capacité d’adaptation.

C’est dans ce contexte que l’on observe d’ores et déjà des modifications en ce qui concerne les attentes de la population active, ce qui devrait affecter durablement le marché du travail. On observe notamment deux tendances qui seront amenées à se poursuivre dans les années à venir. D’une part, on note un intérêt des personnes en emploi ou des candidats pour des métiers à faible empreinte environnementale. D’autre part, de plus en plus d’organisations évoluent vers des modèles bas-carbone, ce qui force leur personnel à acquérir des nouvelles expertises.

La recherche de sens

Lors d’entrevues, il m’arrive très souvent de rencontrer des candidats qui affirment vouloir aligner leurs valeurs avec le métier qui va les occuper quarante heures par semaine. On est loin du temps où le prestige de l’employeur et le montant du salaire étaient les premiers critères de sélection d’un emploi. Ainsi, on retrouve ce besoin quasi-urgent de donner du sens à leur travail chez de nombreux jeunes diplômés, qui entendent parler de problèmes environnementaux et notamment des changements climatiques depuis leur enfance. Plusieurs d’entre eux  sont conscients qu’ils héritent d’un nombre considérable de défis à relever.

Ce n’est pas seulement la génération Y qui fait part de ce besoin. Je rencontre également ce sentiment chez de nombreux professionnels expérimentés qui souhaitent se réorienter. D’ailleurs, certains d’entre eux vont jusqu’à accepter une réduction de salaire à condition qu’ils fassent un travail dans lequel ils s’accomplissent. Ainsi, pour attirer et retenir les talents, c’est un atout pour une entreprise que de mettre en place une démarche responsable sur les sujets environnementaux et sociaux. Encore faut-il la communiquer!

À ce sujet, depuis plusieurs années, de très nombreuses entreprises divulguent de l’information sur la façon dont elles prennent en considération les enjeux climatiques. Plus particulièrement, les entreprises cotées en bourse soumettent de l’information à l’attention des investisseurs sur des plateformes telles que CDP, GRI, etc. Il arrive très souvent que les employés ne soient pas au courant des initiatives en place dans leur propre entreprise. Ainsi, il est avantageux pour un employeur de faciliter l’accès à cette information pour permettre aux employés de comprendre les risques auxquels les activités de leur entreprise sont exposées et les moyens mis en place pour gérer ces risques, ainsi que les solutions considérées pour tirer profit des occasions d’affaires. De nombreuses organisations mettent en place un réseau de leaders à l’interne, qui leur permet de partager l’information en lien avec les défis environnementaux. Faire partie de ce réseau peut permettre à l’employé non seulement de mieux comprendre les enjeux concrets mais également de participer à la diffusion et la collecte d’informations et éventuellement à des projets d’amélioration continue. C’est ainsi une façon de retenir les talents en les engageant dans la démarche de responsabilité environnementale et sociale.

Pour aller plus loin, de nombreux professionnels choisissent de s’outiller en se formant en dehors des murs de l’entreprise. Au-delà des cours universitaires, certaines organisations professionnelles offrent également des formations à leurs membres, comme l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec  ou les associations provinciales regroupant les ingénieurs. Depuis peu, on trouve également des formules de jeu ludique sur le climat, dans lequel le participant est immergé dans une situation réaliste afin qu’il soit acteur de son apprentissage. Ces formations permettent l’acquisition de fondements théoriques et pratiques sur la prévision et la gestion des risques climatiques, le choix de solutions résilientes ou l’intégration de nouvelles technologies pour réduire l’empreinte carbone de l’organisation.

Les entreprises qui se transforment et s’adaptent

Les organisations elles-mêmes sont soumises à de nouvelles contraintes liées aux changements climatiques, ce qui les amène à revoir leur façon de faire. Par exemple le quotidien danois Politiken réduit ses publicités sur les destinations lointaines et interdit à ses employés les déplacements en voiture à essence à l’intérieur du pays (Gruda, 2019). La mine Nouveau Monde Graphite, dont le graphite sert à la fabrication de batterie Lio-ion, vise la carboneutralité en 2021 à travers l’électrification de tous ses procédés (Les Affaires, 2018). Sous la pression d’Apple, deux entreprises concurrentes, Alcoa et Rio Tinto, unissent leur forces pour développer une technologie de production d’aluminium bas-carbone (Apple, 2018).

De quels métiers parle-t-on?

Il y a bien sûr des métiers qui sont au cœur de cette transition, comme les acteurs du secteur de l’énergie. Alors que le secteur du charbon voit son avenir s’assombrir, celui des énergies bas-carbone a le vent dans les voiles.

Mais la transition bas-carbone dépasse de loin ce secteur. En effet, tous les secteurs d’activité sont consommateurs d’énergie et émettent des gaz à effet de serre (GES), que ce soit les transports, le secteur manufacturier, le bâtiment, l’agriculture ou la gestion des matières résiduelles. La contrainte climat s’insinue partout : chez le développeur de projet d’infrastructure qui doit joindre les émissions de GES de son projet à sa demande d’autorisation, chez le gestionnaire de centre de données informatiques qui s’établit proche de source de production d’électricité bas-carbone pour séduire ses clients, chez le responsable logistique qui optimise les déplacements des véhicules pour réduire les émissions, chez l’éleveur bovin dont le cheptel produit du méthane, un puissant GES, ou chez l’enseignant qui a le devoir de préparer ses étudiants à cette nouvelle réalité.

Ainsi alors qu’une fraction croissante de la population active cherche un métier à impact positif, les métiers eux-mêmes sont en profonde mutation. Espérons que cette double évolution permette au plus grand nombre d’aligner leurs valeurs personnelles avec leur vocation professionnelle.

Pascal Geneviève est cofondateur et directeur général de CCG. Certifié Quantificateur en Inventaire de gaz à effet de serre par CSA, il supervise les activités de l’entreprise dans tous les secteurs. Il possède une vaste expérience dans l’analyse du cycle de vie, l’empreinte carbone et l’adaptation aux changements climatiques et il donne régulièrement des formations sur ces sujets. Geneviève est titulaire d’une maîtrise en génie mécanique de l’Université d’Urbana Champaign, en Illinois, et possède un diplôme d’ingénieur de l’École des Mines en France. 

Références

Apple (2018, 10 mai). « Apple ouvre la voie à une méthode révolutionnaire de fusion de l’aluminium à carbone zéro. » Source apple.com/ca/fr/newsroom/2018/05/apple-paves-the-way-for-breakthrough-carbon-free-aluminum-smelting-method/

Gruda, Agnès (2019, 22 janvier). « Le Quotidien Politiken Renonce à l’Auto… Et à l’Avion.” La Presse. Source plus.lapresse.ca/screens/94bc31e4-9dfa-443d-9ce6-27f91afec65e__7C___0.html

Les Affaires (2018, 3 mars). « Une mine tout électrique pour Nouveau Monde Graphite ? » Source lesaffaires.com/blogues/evenements-les-affaires/une-mine-tout-electrique-pour-nouveau-monde-graphite/601206

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Automne 2019

Comment les changements climatiques affecteront-ils l’avenir de l’emploi au Canada? 

Un rapport du Brookfield Institute aborde les répercussions de quatre tendances environnementales sur le marché du travail

Yasmin Rajabi et Erin Warner

Yasmin Rajabi et Erin Warner.

Les inondations et la tornade qui ont frappé Ottawa au printemps dernier ont coûté jusqu’ici 5,6 millions de dollars en dommages à la Ville (Chianello, 2019). Des cas semblables de changements climatiques ont dévasté des collectivités de partout au pays et continueront de le faire à mesure que la crise du climat s’accélérera. En fait, le Bureau d’assurance du Canada a rapporté que le coût des dommages assurés occasionnés par de mauvaises conditions météorologiques s’est élevé à 1,8 milliard de dollars l’an dernier, et qu’il avait atteint jusqu’à 4,9 milliards de dollars les années précédentes (Scoffield, 2019). Les Canadiens doivent dès maintenant anticiper les répercussions d’un avenir affecté par les changements climatiques et s’y préparer, en plus de songer aux solutions possibles pour atténuer les tendances actuelles.

Afin d’aider les Canadiens à se préparer à cet avenir, et plus précisément à leur emploi futur, le rapport C’est le début d’un temps nouveau du Brookfield Institute a repéré 31 tendances pouvant éventuellement affecter le marché du travail au cours des 10 à 15 prochaines années (Thornton, Russek et O’Neil, 2019). Ce rapport a été publié dans le cadre d’un projet de recherche national de l’Institut, L’emploi en 2030, qui vise à établir des prévisions générales sur les compétences qui seront recherchées et la répartition de ces compétences entre les régions géographiques, les secteurs d’activité et les groupes démographiques.

Le rapport C’est le début d’un temps nouveau ne constitue pas une prédiction de l’avenir ni une analyse approfondie d’une tendance en particulier, mais vise à stimuler la réflexion exploratoire et imaginative et à pousser les lecteurs à se demander « Et si…? ». Et si le Canada constatait une hausse des feux de forêt, des inondations et des glissements de terrain? Et si les cas de troubles mentaux associés à l’utilisation de la technologie continuaient de se multiplier? Et si l’intelligence artificielle (IA) devenait capable d’accomplir des tâches créatives?

Grandes tendances 

Les tendances soulignées dans le rapport ont été cernées au moyen d’une méthodologie de prospective stratégique appelée « analyse prospective », une technique servant à rassembler des données générales et émergentes pour déterminer les changements possibles touchant le sujet de l’étude. Nous avons analysé des revues spécialisées, des médias populaires et des sources journalistiques alternatives, déterrant plus de 600 signaux du changement que nous avons résumé en 31 tendances qui pourraient influencer sur l’avenir de l’emploi.

Si nous savons bien que les changements technologiques continueront de modifier les marchés de l’emploi, il est également important de tenir compte du rôle joué par les développements sociaux, environnementaux et politiques. La durabilité environnementale, en particulier, est un secteur que nous ne pouvons plus ignorer. À cette fin, nous avons cerné quatre tendances liées à l’environnement pouvant avoir des répercussions sur l’avenir du travail au Canada. En lisant la description de chacune de ces tendances ci-dessous, songez à la manière dont elles pourraient affecter vos perspectives d’emploi futures ou celles de vos clients.

Jesseca Buizon
Rareté des ressources

Alors que la crise du climat s’aggrave, les ressources naturelles comme l’air pur, l’eau pure et le sable propre pourraient se raréfier et, par conséquent, devenir très précieuses. Selon le Fonds mondial pour la nature (s.d.), d’ici 2025, les deux tiers de la population mondiale pourraient être confrontés à une pénurie d’eau. La rareté des ressources, tant au Canada qu’ailleurs sur la planète, affectera les secteurs d’activité qui reposent sur les ressources naturelles, comme l’industrie forestière, minière et de l’énergie. Les secteurs qui dépendent de l’eau, comme l’agriculture, la transformation alimentaire et la fabrication, pourraient avoir de la difficulté à accéder à de telles ressources. Comment ces industries développeront-elles de nouvelles pratiques pour conserver des ressources comme le papier et l’eau? Comment nos politiques et notre infrastructure changeront-elles pour s’adapter à la rareté de l’eau et à la pollution de l’air? De nouvelles industries écoénergétiques croîtront-elles ou se développeront-elles en réponse à la rareté des ressources? Comment modifierons-nous nos habitudes pour réduire notre consommation?

Jesseca Buizon
Feux de forêt, inondations et glissements de terrain

En août 2018, la Colombie-Britannique a déclaré l’état d’urgence en raison des 559 feux de forêt qui ravageaient la province (Johnston, 2018). Partout au Canada, on constate des cas semblables de feux de forêt, d’inondations et de glissements de terrain occasionnés par l’intensification des conditions météorologiques extrêmes. Le secteur du tourisme pourrait être touché si ces catastrophes naturelles devenaient plus fréquentes. Comment les autres secteurs d’activité pour lesquels le Canada est reconnu, comme l’industrie forestière, minière ou agricole, seront-ils touchés? D’autres profiteront-ils de ces incidents malencontreux, comme les services d’infrastructure ou les entreprises de biens et services qui surveillent ou préviennent les inondations et les feux de forêt? Quelles seront les répercussions sur les activités économiques des régions prédisposées aux catastrophes climatiques?

Jesseca Buizon
Réfugiés du climat

Alors que les changements climatiques continuent d’affecter les lieux habitables, des millions de personnes seront déplacées à l’échelle mondiale. Même si la définition juridique canadienne des réfugiés exclut pour l’heure les déplacements liés au climat, nous devons commencer à réfléchir à la manière dont nous aborderons ce problème mondial. Comment les gens des régions dévastées par les changements climatiques pourraient-ils utiliser leur expérience personnelle pour contribuer au développement de solutions internationales? Une nouvelle source de talents réduirait-elle le coût de la main-d’œuvre dans certains secteurs? Comment le gouvernement et d’autres organismes réagiront-ils à la hausse de la demande de services d’établissement?

Jesseca Buizon
Énergie de remplacement

La demande en énergie continue de croître, alors que la technologie s’immisce dans tous les aspects de nos vies, depuis les trains de banlieue jusqu’aux téléphones qui occupent nos mains en permanence. En 2016, les entreprises canadiennes ont consacré 18,1 milliards de dollars à la recherche et au développement à l’interne en matière d’énergie (Statistique Canada, 2018). L’accent est mis sur la création de sources d’énergie propres, efficaces, renouvelables et abordables. Quel effet cela aura-t-il sur le secteur traditionnel de l’énergie, fondé sur les ressources naturelles? Si d’importants progrès étaient réalisés vers l’obtention d’une énergie propre et abordable, davantage d’entreprises pourraient investir dans l’intelligence artificielle, les systèmes technologiques et une puissance de calcul accrue. Quel en serait l’effet sur la demande pour des travailleurs qualifiés aptes à exploiter ces nouvelles technologies?

Comme l’écrivent l’auteur Roger L. Martin et la professeure Alison Kemper, la crise du climat nécessitera sans aucun doute de la retenue et de l’innovation (Martin et Kemper, 2012) : de la retenue, pour adapter nos comportements et ainsi limiter les dommages à venir, de l’innovation, pour développer de nouvelles technologies qui permettront de corriger les dommages déjà causés et de trouver de nouvelles solutions pour l’avenir. Ainsi, l’effet dévastateur des changements climatiques s’accompagne d’une occasion d’innover. Lorsqu’ils réfléchissent aux répercussions des changements climatiques sur le marché du travail canadien, les intervenants en développement de carrière doivent se poser les questions suivantes : Quels types de nouvelles entreprises émergeront? Quelles nouvelles solutions seront développées? Dans quels secteurs risque-t-on de déceler des lacunes dans un avenir rapproché, et comment pourrions-nous les combler? Nous vous encourageons à explorer l’influence de ces quatre tendances relatives à la durabilité environnementale sur l’avenir du travail au Canada et à réfléchir aux carrières qui pourraient changer ou apparaître.

Illustrations de Jesseca Buizon. Jesseca Buizon est une illustratrice de Toronto, diplômée du programme d’illustration de l’Université de l’École d’art et de design de l’Ontario. Elle crée ses illustrations en combinant des supports traditionnels et numériques.

Yasmin Rajabi est chef de projet au Brookfield Institute for Innovation + Entrepreneurship, où elle expérimente des méthodes de recherche novatrices dans le but de faire avancer les politiques d’innovation au Canada. Elle est titulaire d’un baccalauréat en études urbaines et politiques publiques de l’Université de Toronto.

Erin Warner est spécialiste en marketing et communications au Brookfield Institute for Innovation + Entrepreneurship, où elle consacre ses efforts à assurer l’accessibilité des idées et de l’information à un vaste auditoire. Elle est titulaire d’une maîtrise en administration des affaires avec spécialisation en technologie et innovation de la Ted Rogers School of Management de l’Université Ryerson, ainsi que d’un baccalauréat en anthropologie de l’Université Western. 

Références

Chianello, J. (2019, June 26). Flood and tornado have cost city $5.6M — and counting. CBC. Source cbc.ca/news/canada/ottawa/flood-and-tornado-have-cost-city-5-6m-and-counting-1.5191498

Johnston, P. (2018, August 26). B.C. Wildfires 2018: State of emergency declared across province as 559 fires burn. Vancouver Sun. Source vancouversun.com/news/local-news/b-c-wildfires-2018-state-of-emergency-declared-across-province-as-566-fires-burn

Martin, R. L., & Kemper, A. (2012, April). Saving the Planet: A Tale of Two Strategies. Harvard Business Review. Source hbr.org/2012/04/saving-the-planet-a-tale-of-two-strategies

Scoffield, H. (2019, April 23). Flooding costs are rising like Canada’s rivers. The Toronto Star. Source thestar.com/politics/political-opinion/2019/04/23/flooding-costs-are-rising-like-canadas-rivers.html

Statistics Canada (2018). Energy research and development expenditures by area of technology, 2016. Source www150.statcan.gc.ca/n1/en/daily-quotidien/180828/dq180828b-eng.pdf?st=A85eCpkp

Thornton, J., Russek, H., & O’Neil, T. (2019). Turn and Face the Strange: Changes impacting the future of employment in Canada. The Brookfield Institute. Source brookfieldinstitute.ca/report/turn-and-face-the-strange-changes-impacting-the-future-of-employment-in-canada/

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Automne 2019

Le développement de carrière outillera les enfants pour faire face aux changements climatiques

Aider les jeunes à interpréter de manière critique l’intersection entre l’emploi et l’environnement peut transformer leur sentiment de peur en responsabilisation

Stefania Maggi

Nos côtes sont redéfinies, nos forêts et nos prairies sont détruites, nos résidences, nos écoles et notre infrastructure essentielle sont endommagées. Nos moyens de subsistance sont en danger, notre mode de vie est mis en cause et nos traditions sont menacées. Tout cela est l’effet des changements climatiques, qui transforment le monde tel que nous le connaissons.

En parallèle, des enfants souffrent de divers problèmes de santé mentale. Les jeunes ont de la difficulté à trouver leur place dans un monde offrant un avenir si incertain. Ils se sentent démunis face à l’écrasante menace des changements climatiques, contre lesquels ils souhaitent lutter, mais sans pourtant croire en leur victoire. Ils se sentent vulnérables et mal outillés, et ressentent de la pression. Ce sentiment n’est pourtant pas l’effet des changements climatiques, mais le fruit de nos propres actions.

Notre meilleur atout contre les changements climatiques

Nous avons cet effet sur nos enfants, car nous ne percevons pas leur résilience et leur potentiel infini. Nous les repoussons hors du processus de prise de décision en leur retirant leurs plus grandes qualités : leur capacité à voir grand et à faire preuve de pensée créative, ainsi que leur soif de relever les plus grands défis possible.

Nous n’encourageons pas nos jeunes à contribuer au bien-être collectif et à l’avenir de la planète. Nos enfants sont notre meilleur atout pour corriger le tir et rétablir la santé de notre planète et de tous ses habitants. Le moment est venu de les habiliter à prendre en charge leur propre avenir, pour le bien de tous les êtres vivants.

Le développement de carrière et du leadership pourrait être la solution à ce problème, en préparant les travailleurs de demain à relever cet énorme défi tout en transformant le sentiment de peur en responsabilisation et en motivation. Mettons fin aux messages de désespoir qui nous paralysent. Mettons plutôt à profit nos spécialités en tant que formateurs et accompagnateurs en gestion et transition de carrière. Utilisons la formation et l’orientation professionnelle et en leadership pour outiller les jeunes et les aider à trouver leur raison d’être et à améliorer l’état de la planète.

Close up of senior hands giving small planet earth to a child
iStock
Adopter un esprit critique face à l’emploi et à l’environnement

C’est cet état d’esprit qui m’a motivée à créer le Défi des 100 emplois, un programme conçu pour promouvoir le développement de carrière et du leadership et la sensibilisation aux changements climatiques chez les jeunes.

Ce programme met au défi les participants (un groupe de 15 à 20 jeunes de 12 à 18 ans) de cerner 100 emplois actuels et futurs qui, selon eux, pourraient nous aider à atténuer les changements climatiques et à nous y adapter. Ils doivent ensuite procéder à reculons pour déterminer les compétences et la formation nécessaires pour occuper ces postes. Les animateurs fournissent aux jeunes participants de l’information et des conseils, et les encouragent à analyser plus en détail la contribution de leur choix de carrière au mieux-être collectif. Ce sont cependant les jeunes qui doivent diriger le processus de recherche d’information tout au long de cet atelier de cinq jours, en faisant appel à leur esprit critique pour repérer les résultats pertinents.

Le but du Défi des 100 emplois est de préparer les travailleurs de demain à réfléchir de manière plus critique aux emplois et à leur relation avec l’environnement. Le Défi vise à approfondir les connaissances, à accroître la sensibilisation et à développer les aptitudes requises pour déterminer comment le choix de carrière d’une personne peut jouer un rôle direct ou indirect sur le rétablissement de notre planète. Le programme est également conçu pour promouvoir le développement des compétences sociales et affectives, de la résilience et de la responsabilité sociale chez les jeunes dès les premières étapes de leur développement de carrière et du leadership.

Le Défi des 100 emplois

Qui : Des jeunes âgés de 12 ans ou plus. Les groupes peuvent compter des participants d’âges différents pour faciliter l’apprentissage social et affectif mutuel et l’acquisition d’aptitudes pour le leadership.

Quand : Initialement conçu pour les camps d’été et les relâches d’hiver, le Défi des 100 emplois peut être adapté en fonction des programmes parascolaires, des retraites de fin de semaine et autres événements de nature semblable.

Où : N’importe quel endroit où les participants peuvent autant collaborer que consacrer du temps à des activités individuelles. Les participants doivent avoir accès à Internet et pouvoir effectuer des recherches en ligne seuls ou en petits groupes.

Comment : Le Défi des 100 emplois est coordonné par trois formateurs certifiés : un animateur principal et deux animateurs jeunesse.

Une approche unique

Cette approche se démarque de nombreuses manières des approches traditionnelles du développement de carrière et du leadership.

Elle est opportune, pertinente et interdisciplinaire. Comme le programme s’inscrit dans le contexte d’un problème de la vie courante, les participants ont le sentiment que ce qu’ils apprennent est pertinent et concret. Aussi, plutôt que de porter sur des disciplines précises qui pourraient ne pas intéresser tous les participants, cette activité met les élèves au défi de cerner les emplois actuels et futurs liés au thème choisi, puis de procéder à reculons pour déterminer les compétences et la formation requises.

Elle est axée sur l’apprentissage autodirigé et la résolution de problèmes. Les animateurs offrent aux jeunes participants de l’information et des conseils, mais ce sont les jeunes qui doivent diriger la recherche d’information, en faisant appel à leur esprit critique pour repérer les résultats pertinents. L’objectif de repérer 100 emplois, dont 20 créés de toutes pièces pour l’avenir, sert à motiver les participants à prendre part à la résolution de problèmes sans craindre de fournir de mauvaises réponses. Les jeunes peuvent faire preuve de curiosité et découvrir des carrières qui les intéressent. Ce programme encourage l’acquisition de compétences entrepreneuriales et le recours à des approches non traditionnelles en matière de développement de carrière et du leadership.

Elle favorise une culture de collaboration. Le format du programme est hautement interactif et offre aux jeunes de nombreuses occasions de collaboration et de discussions en groupe. Les animateurs agissent à titre de partenaires d’apprentissage plutôt que d’enseignants traditionnels, et ils créent un environnement de collaboration et de respect mutuel où la divergence des points de vue est valorisée. Ce format permet de mettre en pratique des compétences fondamentales professionnelles et de préparation à l’emploi, comme la capacité de travailler en équipe et de favoriser la diversité et l’inclusion.

Elle porte à réflexion. Tout au long du programme, les jeunes auront l’occasion de réfléchir à leurs intérêts, à leurs prédispositions, à leurs points forts, à leurs aspirations et à leurs objectifs. Ces pauses intentionnelles sont conçues pour donner aux participants la chance de mettre en pratique et de consolider d’importantes aptitudes sociales et affectives professionnelles et de préparation à l’emploi, comme l’autoefficacité, la connaissance de soi, l’indépendance et l’autoréflexion.

Elle propose un processus persistant. Contrairement à bien des ressources de carrière, qui doivent être continuellement mises à jour, le Défi des 100 emplois offre un processus dirigé qui permet aux jeunes de cerner les emplois actuellement disponibles et les exigences connexes en matière de compétences. En outre, il met les jeunes au défi de se tourner vers l’avenir et d’imaginer des emplois et des carrières qui pourraient un jour devenir réalité, ce qui les aide à comprendre l’importance de l’apprentissage permanent dans un monde du travail en constante évolution.

Elle intègre la technologie et le multimédia. Pendant les ateliers, les jeunes développent leur capacité à faire des recherches sur Internet et dans d’autres sources d’information. Ils peuvent également utiliser les réseaux sociaux pour garder le contact avec les animateurs et leurs pairs pendant et après le programme. Le recours aux technologies et au multimédia pour faciliter l’apprentissage permet d’améliorer les pratiques pédagogiques tout en maintenant l’attention des apprenants.

Compétences requises pour le futur monde du travail

Mon expérience de travail avec les jeunes m’a fait comprendre qu’il est essentiel pour un programme efficace d’accompagnement en gestion et transition de carrière qu’il mette l’accent sur les besoins en matière de développement. Les professionnels de la carrière qui travaillent avec les jeunes doivent réserver du temps et de l’espace dans leurs services pour soutenir le développement des compétences de préparation à l’emploi qui sont cruciales pour la réussite permanente d’un parcours de carrière. Un professionnel de la carrière atteint son but lorsque ses jeunes clients apprennent à s’introspecter pour connaître leurs aspirations de carrière plutôt que de consulter une liste de descriptions d’emplois et d’échelles salariales.

Autrement dit, les services de carrière destinés aux jeunes devraient davantage mettre l’accent sur l’acquisition et la consolidation des compétences sociales et affectives de préparation à l’emploi, plutôt que de faire correspondre les intérêts des jeunes à des titres de postes particuliers. Les jeunes pourront ainsi transférer ces compétences d’un emploi à un autre et s’en servir pour s’adapter aux changements rapides du monde du travail actuel. Le professionnel de la carrière a la responsabilité d’adapter ses programmes et services aux besoins sociaux et affectifs de ses clients et d’offrir une occasion de croissance et de développement positif.

Le rapport de l’OCDE sur les compétences sociales et affectives et le développement de carrière (Chernyshenko, Kankaraš et Drasgow, 2018) est une excellente ressource qui offre les connaissances nécessaires aux conseillers d’orientation professionnelle et accompagnateurs qui travaillent avec des jeunes et souhaitent intégrer l’apprentissage d’importantes compétences sociales et affectives à leurs programmes.

Au bout du compte, peu importe la carrière choisie par les élèves. Ce qui compte, c’est qu’ils soient informés des effets éventuels de leur travail sur l’état de notre planète. L’important, c’est la manière dont leurs connaissances influeront sur leurs actions, tant dans leur vie personnelle que professionnelle. C’est à eux de choisir. Et il ne faut pas que cela change.

Stefania Maggi est fondatrice et chef de la direction de Be Your Best Self, Inc. (BYBS), une entreprise sociale créée pour habiliter les jeunes à bâtir leur avenir en les aidant à trouver leur raison d’être et à développer leur connaissance de soi, leur résilience et leur responsabilité sociale. Elle est également professeure d’université, chercheuse, défenseure des droits des enfants et auteure de science-fiction.

Références

Chernyshenko, O.S., Kankaraš, M., & Drasgow, F. (2018) Social and emotional skills for student success and wellbeing: conceptual framework for the OECD study on social and emotional skills. OECD Education Working Paper No. 173.

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Conceptual image of melting world shaped glacier in deep blue water.Automne 2019

Mot de l’éditrice

Lindsay Purchase

Lorsque nous parlons d’avenir du travail, nous avons généralement en tête les compétences dont les gens auront besoin pour réussir dans un monde de plus en plus automatisé. Mais nous arrive-t-il de penser à l’influence des changements climatiques sur les perspectives d’emploi?  

Le réchauffement de la planète est une réalité effrayante à laquelle il faut faire face. Selon un rapport fédéral de 2019 sur le climat, le nord du Canada se réchauffe deux fois plus rapidement que le reste du monde. Nous savons que les canicules et les feux de forêt, comme ceux qui se sont produits ces dernières années à Montréal et en Colombie-Britannique, gagneront en fréquence et en intensité. Certaines régions seront touchées par des sécheresses accrues, alors que d’autres seront sujettes à davantage d’inondations.  

Tout cela aura un effet sur les endroits où nous travaillons et sur nos méthodes de travail. Dans notre pays, comme partout ailleurs, les changements climatiques forceront le déplacement des gens, ce qui aura un effet sur le marché du travail et les besoins de ces personnes en matière de développement de carrière. La météo extrême occasionnera des pertes d’emploi, en plus d’affecter la sécurité des travailleurs.  

Cependant, les perspectives ne sont pas complètement sombres. Dans nos efforts pour réduire les effets des changements climatiques, de nombreux nouveaux débouchés seront créés, nécessitant un esprit d’innovation et une collaboration intersectorielle. Les récentes manifestations pour le climat organisées par des élèves du secondaire de partout dans le monde donnent à croire que la nouvelle génération est prête à relever ce défi. Les professionnels de la carrière ont un important rôle à jouer auprès des étudiants et des jeunes professionnels intéressés par l’environnementalisme, pour les aider à bâtir une carrière significative, et auprès des travailleurs à la mi-carrière dont les emplois seront transformés ou éliminés en raison des changements climatiques. 

Ce numéro de la revue Careering propose – tant dans sa version imprimée qu’en ligne (ceric.ca/careering) – des articles portant à réflexion et présente différents points de vue sur le croisement entre les changements climatiques et l’emploi. Il explore les tendances en matière d’emploi, l’effet de la météo extrême sur les professions de l’environnement, les secteurs d’activité en transition comme l’agriculture et l’énergie, le lien entre l’éducation au choix de carrière des jeunes et les changements climatiques, et bien plus encore. 

Les changements climatiques nous touchent tous, et nécessitent que nous passions à l’action. J’espère que ce numéro vous fera réfléchir aux effets des changements climatiques sur votre vie et celle de vos clients, ainsi que sur les rôles que vous pourriez jouer pour affronter les défis qu’ils engendreront.       

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