Lorsque les professionnels en développement de carrière encouragent l’autonomie sociale d’un client ou qu’ils représentent ses intérêts, il est crucial qu’ils tiennent compte de considérations éthiques telles que le consentement éclairé

Andrew Bassingthwaighte

Bien que la tâche principale des intervenants en développement de carrière consiste à orienter des clients dans leur parcours de carrière, nous sommes souvent appelés à aider ces personnes dans la gestion d’autres problèmes qui peuvent entraver leur parcours. Ces problèmes peuvent aller de l’hébergement au soutien à l’immigration en passant par la discrimination, pour n’en nommer que quelques-uns; dans chaque cas, il y a souvent une volonté de notre part de défendre les intérêts de nos clients, ou bien ce sont nos clients qui espèrent que nous les représentions.

La représentation est un concept reconnu depuis longtemps dans le secteur du développement de carrière, et de nombreux professionnels sont conscients de la valeur de ce processus, particulièrement lorsqu’il vise à aider les clients à obtenir le soutien et les ressources qui favoriseront leur bien-être économique et social. Nous sommes nombreux à encourager l’autonomie sociale au quotidien, ou la capacité de nos clients à faire des choix et à prendre des décisions qui influencent leur vie. Toutefois, il est nécessaire à l’occasion de s’engager davantage dans la représentation des intérêts d’un client ou d’une communauté en particulier.

Quel que soit le type de représentation dans laquelle ils s’engagent, il est essentiel que les intervenants en développement de carrière reconnaissent deux enjeux liés à ce genre de travail. Le premier nécessite que nous respections la dignité des clients avec qui nous travaillons. Le second nécessite que nous tenions compte des considérations éthiques qui pourraient avoir une incidence sur notre travail ou notre profession.

Les formes de représentation

La représentation prend un visage différent en fonction du client ou de la communauté que nous aidons. Il existe quatre formes de représentation pouvant avoir une relation avec le travail des intervenants en développement de carrière :

  • L’autonomie sociale : Elle concerne l’autonomisation des clients avec qui nous travaillons pour qu’ils puissent faire des choix et prendre des décisions qui influencent leur vie. L’autonomie sociale est considérée comme la forme idéale de représentation et celle pour laquelle les intervenants en développement de carrière sont le mieux formés (Cadenas, 2018). Aider ses clients à atteindre cette autonomie nécessite que l’intervenant en développement de carrière établisse un lien de confiance avec eux. Cette approche doit être empreinte d’humilité et de sensibilité culturelle (Anderson et collaborateurs, 2012; Cadenas, 2018).
  • La représentation professionnelle : Les intervenants en développement de carrière agissent comme intermédiaires entre leurs clients et les personnes en position d’autorité, notamment les personnes qui travaillent au sein d’organismes s’occupant d’hébergement ou de services aux handicapés, pour les informer des besoins de leurs clients. Dans ce rôle de représentation, nous devons nous rappeler que nous travaillons en collaboration avec nos clients et que nous devons leur permettre de s’exprimer et d’être entendus (Mitcham et collaborateurs, 2012).
  • La représentation en matière d’affaires civiques : Les intervenants en développement de carrière jouent des rôles allant au-delà des services qu’ils offrent et ils prêtent assistance aux communautés parfois confrontées à la marginalisation ou à la discrimination dans différents secteurs. Cette représentation consiste à agir comme ressource pour les membres de la communauté et à soutenir leurs efforts. Les organismes communautaires, comme les comités sur l’immigration et l’emploi, sont en mesure de soutenir ce travail.
  • La représentation publique : Dans ce qui est considéré comme le dernier échelon de la représentation (Cadenas, 2018), les intervenants en développement de carrière travaillent en collaboration avec les établissements et les groupes pour rédiger des déclarations publiques et orienter des processus politiques. Par exemple, l’Institut canadien d’éducation et de recherche en orientation (CERIC) a pour objectif de favoriser la conversation sur les répercussions économiques et sociales du développement de carrière à l’échelle nationale.

Tous ces modèles de représentation ont un point commun : ils encouragent les intervenants à ne pas se limiter à leurs tâches quotidiennes habituelles et à participer au processus de contestation des problèmes d’injustice sociale auxquels bon nombre de leurs clients font face chaque jour.

S’engager dans des activités de représentation : à quoi faut-il être attentif?

Pour ceux qui souhaitent s’engager dans des activités de représentation, le Code d’éthique du Guide canadien des compétences pour les professionnels en développement de carrière souligne plusieurs aspects dont les intervenants doivent tenir compte. Le consentement éclairé figure au premier rang.

Consentement éclairé

Le cadre du Code d’éthique (Conseil canadien pour le développement de carrière [CCDC, 2004]) priorise le consentement éclairé à l’égard de plusieurs aspects concernant la manière dont les renseignements sont recueillis et utilisés, mais également à l’égard des personnes et de leurs droits. Lorsque nous effectuons un travail de représentation, nous devons toujours nous assurer de prioriser les droits des clients et de prendre le temps de favoriser leur participation au processus, afin de pouvoir mesurer leur degré d’aisance avec les démarches entreprises.

Toutefois, il y a des moments où des mesures s’imposent, même si le client insiste pour que le secret professionnel soit maintenu (par exemple, lorsqu’un client ou d’autres personnes sont exposés à un danger imminent) (CCDC, 2004). Dans un billet de blogue du CERIC intitulé The Ethics of Advocacy (en anglais seulement), Mme Roberta Neault (2012) présente un aperçu percutant du débat auquel les intervenants font face lorsqu’ils doivent gérer des préoccupations liées au secret professionnel. J’encourage d’ailleurs tous les intervenants à lire ce billet.

Votre degré d’aisance

En plus de tenir compte du degré d’aisance de nos clients lorsque nous nous engageons dans des activités de représentation, à titre d’intervenants, nous devons nous sentir capables d’entreprendre un tel travail. Le Code d’éthique national (CCDC, 2004) indique clairement que nous devons admettre les limites de nos compétences, particulièrement lorsqu’il s’agit de régler des questions qui nécessitent un avis juridique ou un avis dans un autre domaine qui n’appartient pas à nos champs d’expertise. En parallèle, nous devons également considérer nos compétences et nos limites personnelles. Lorsque nous nous engageons dans un travail de représentation, nous devons tenir compte de notre aptitude à affronter des situations potentiellement stressantes ou traumatisantes et de notre résilience face à de telles situations.

Conflits d’intérêts

Nos efforts peuvent entrer en conflit avec certaines activités des organismes, des établissements ou des bailleurs de fonds avec qui nous travaillons au quotidien. Dans certains cas, cette situation peut s’avérer avantageuse, puisque notre travail de représentation permettra de cerner des occasions de combler des lacunes ou d’offrir des services adaptés à certaines personnes ou à certains groupes. Toutefois, dans d’autres cas, notre travail peut entrer directement en conflit avec des politiques organisationnelles ou avec nos croyances ou nos valeurs personnelles.

Il est essentiel que les intervenants informent leurs clients dès le départ des limites liées aux services qu’ils offrent et, parallèlement, ils doivent divulguer tout conflit d’intérêts susceptible de se présenter. Dans les cas où un conflit d’intérêts survient et que l’intervenant doit se retirer du dossier, il faut absolument qu’il travaille avec son client pour planifier les prochaines étapes (p. ex., aiguillage vers un autre organisme), afin que le client n’ait pas à composer avec un manque de ressources.

Conclusion

Les activités de représentation constituent un aspect à la fois sérieux et agréable du travail d’un intervenant en développement de carrière. Bien que nous devions tenir compte de plusieurs considérations éthiques lorsque nous nous engageons dans ce travail, il ne faut pas oublier que nous ne sommes pas seuls. Les groupes et les organismes en mesure de contribuer au soutien des clients avec qui nous travaillons peuvent également nous aider, en tant qu’intervenants. Nous pouvons nous joindre à ces groupes pour apprendre d’eux, et découvrir les enjeux auxquels ils sont confrontés et la manière dont nous pouvons les aider et cheminer avec eux en tant qu’alliés.

Andrew Bassingthwaighte est un spécialiste en développement des talents et un étudiant à la maîtrise ès arts en études de la justice sociale et de l’équité à l’Université Brock, à St. Catharines, en Ontario. Ayant travaillé pendant près de 20 ans au Royaume-Uni et au Canada à titre de conseiller en emploi, de formateur et de mentor auprès de personnes provenant de divers milieux socioéconomiques et culturels, il a maintenant le privilège de siéger au comité consultatif du recteur de l’Université Brock qui s’intéresse aux droits de la personne, à l’équité et à la décolonisation (le PACHRED).

Reférences

Cadenas, G. (2018). Advocacy in career development with immigrants. Career Planning & Adult Development Journal34(4), 7–20.

Mitcham, M., Greenidge, W., Bradham-Cousar, M., Figliozzi, J., & Thompson, M. A. (2012). Increasing career self-efficacy through group work with culturally and linguistically diverse students. Journal of School Counseling10(22).

Anderson, S. K., Peila-Shuster, J. J., & Aragon, A. (2012). Cross cultural career counseling: Ethical issues to consider. Career Planning & Adult Development Journal28(1), 127–139.

Canadian Council for Career Development. (2004). Canadian standards and guidelines for career development practitioners: Code of ethics.
career-dev-guidelines.org/the-standards-guidelines/code-of-ethics/

Neault, R. (2012, October 31). The ethics of advocacy: A Canadian perspective. [Blog post]. ceric.ca/2012/10/the-ethics-of-advocacy-a-canadian-perspective/