Par Gabrielle Beaupré (Cannexus21 – Lauréat du prix GSEP)

Faire un choix de carrière n’a jamais été aussi complexe, notamment en raison de l’éclatement du marché du travail connu dans les dernières années (Baruch et Altman, 2016). Alors que les caractéristiques du travail ont énormément évolué, l’option traditionnelle d’une seule carrière au sein d’une entreprise n’est plus la norme (Sullivan et Baruch, 2009). L’orientation professionnelle apparaît maintenant comme un processus continu tout au long de la vie, alors que l’individu évolue en interaction avec le marché du travail. Plus que jamais, il est essentiel pour les gens de bien se connaître, afin qu’ils puissent faire des choix de vie satisfaisants.

Alors que certains étudiants ont une idée claire et précise de leurs aspirations personnelles et professionnelles, d’autres n’ont pas le même sentiment, ce qui peut générer de l’anxiété et de la détresse émotionnelle (Buyukgoze-Kavas, 2016). Selon les résultats d’une enquête pancanadienne, les questionnements de carrière sont les plus difficiles à gérer selon les étudiants universitaires (ACHA, 2019). À cela s’ajoutent les problématiques inquiétantes liées au bien-être, alors qu’un étudiant sur cinq rapporte un niveau de détresse psychologique élevé (UEQ, 2019).

Plusieurs chercheurs dénotent que les gens sont généralement peu conscients de ce qui est important pour eux (Sheldon, 2014), ce qui pourrait expliquer l’ampleur des difficultés vécues par les étudiants. En effet, il n’est pas rare que les indidivus s’engagent dans des choix sans savoir pourquoi, ou pour des raisons qui ne reflètent pas leurs propres valeurs, ce qui peut nuire au bien-être (Koestner et al., 2008). Selon la théorie de l’autodétermination (Deci et Ryan, 2000), une personne motivée pour des raisons autonomes poursuivra un objectif par intérêt, par conviction ou selon ses valeurs personnelles, ce qui favorise son bien-être (Koestner et al. 2008). Or, une personne motivée pour des raisons contrôlées poursuivra un objectif pour éviter la culpabilité, ou principalement pour obtenir de la reconnaissance et des récompenses (Deci et Ryan, 2000), ce qui nuit à son bien-être (Koestner et al. 2002). Par exemple, il a été démontré que choisir un programme d’études pour des motivations contrôlées peut mener à une plus grande détresse psychologique, de moins bons résultats académiques, ainsi qu’un plus grand risque de décrochage scolaire (Taylor et al., 2014).

Compte tenu des difficultés d’orientation professionnelle éprouvées par les étudiants, il est essentiel de se questionner sur des interventions qui leur permettraient de mieux se connaître, afin qu’ils puissent se fixer des objectifs de carrière porteurs de sens. Le développement de la présence attentive apparaît comme une piste d’intervention intéressante, puisqu’elle permet à l’individu de reconnaître avec clarté ses besoins, ses intérêts et ses valeurs (Deci et al., 2015). La présence attentive est définie comme un état de conscience dans lequel une personne dirige délibérément son attention vers son expérience interne et externe du moment présent, avec ouverture et sans jugement (Kabat-Zinn, 2003). Il s’agit d’une habileté qui peut se développer avec de la pratique, que ce soit par des exercices ponctuels ou des programmes d’intervention (Grégoire, Lachance et Richer, 2016). Au cours des dernières années, plusieurs études ont démontré les bienfaits de ces interventions pour favoriser le bien-être d’étudiants universitaires (Grégoire, Bouffard et Vezeau, 2012). Or, peu d’études se sont penchées sur les effets de la présence attentive sur la connaissance de soi, dans un contexte de choix de carrière.

Une méthodologique expérimentale longitudinale est envisagée afin de développer des interventions permettant aux étudiants universitaires de mieux se connaître et de se fixer des objectifs de carrière correspondant à leurs réelles valeurs, favorisant ainsi leur bien-être. Nous proposons de faire plusieurs communications écrites afin de présenter les résultats de ce projet.

Gabrielle Beaupré, M.A., c.o, est étudiante au doctorat en éducation à l’UQAM. Elle s’intéresse à la présence attentive, à la motivation envers les buts de carrière et au bien- être auprès des étudiants universitaires. Son projet doctoral est financé par les Fonds de Recherche du Québec Société et Culture. Elle pratique également à titre de conseillère d’orientation et elle a obtenu en 2018 le Prix Wilfrid-Éthier de l’Ordre des conseillers et conseillères d’orientation du Québec.