Quatre manières de changer les systèmes de développement des compétences au Canada

Karen Myers et Malika Asthana

Author headshotsAu Canada, les systèmes de développement des compétences ont somme toute peu évolués puisqu’ils reposent encore sur le principe que notre éducation de base nous permettra de réussir notre vie professionnelle. Il s’agit d’une manière linéaire d’envisager le parcours personnel et professionnel : Éducation, rémunération, retraite. Cette façon de penser ne correspond pas à la réalité des travailleurs qui peuvent quitter le marché du travail et y revenir plus d’une fois en raison de leurs responsabilités familiales, ou qui doivent se perfectionner ou se requalifier en raison de mises à pied dans un secteur donné, des changements technologiques ou de la transition vers la carboneutralité.

Les données les plus récentes montrent que l’amélioration des compétences des adultes qui travaillent est bénéfique, mais limitée. Une récente étude de Statistique Canada a révélé qu’une petite partie des travailleurs ayant récemment perdu leur emploi s’inscrivent à des cours ou à des formations. Cette étude révèle aussi que ceux et celles qui suivent des formations qui permettent d’obtenir des crédits (certificat ou diplôme d’une école professionnelle ou d’un cégep) après une perte d’emploi ont enregistré des augmentations des gains annuels nettement plus importantes comparativement aux personnes qui ne s’étaient pas inscrites à des formations.

Il est clair que nous devons en faire plus pour informer les adultes qui travaillent des possibilités d’amélioration des compétences. Inspiré par le travail de l’experte en compétences Michelle R. Weise, nous présentons quatre manières de changer les systèmes de développement des compétences au Canada :

  • Un meilleur alignement : De nombreux adultes qui travaillent ne savent pas dans quelle mesure leurs compétences et leurs centres d’intérêt correspondent aux métiers les plus recherchés ni quelles nouvelles compétences ils pourraient devoir acquérir. Nous devons fournir aux adultes qui travaillent l’information et le soutien dont ils ont besoin pour prendre en charge leur parcours professionnel.
  • Davantage d’aide financière et de mesures d’accompagnement : Il est temps de concevoir des programmes adaptés aux besoins et à la situation des adultes qui travaillent. Il faut comprendre comment ils apprennent le mieux, leurs principales motivations et l’aide dont ils ont réellement besoin (conseils en santé mentale, subventions au transport, services de garde pour leurs enfants).
  • Une formation ciblée : Les gens ont du mal à trouver ce dont ils ont besoin sur le marché actuel de la formation. Nous devons investir dans la création d’un marché organisé de formations accessibles, ciblées et de qualité. Et comme les formations donnant droit à des crédits continuent d’inonder le marché les apprenants ont besoin d’aide pour comparer les programmes en ce qui a trait aux coûts, au temps nécessaire pour les réussir, à la méthode d’apprentissage et aux compétences acquises, afin de s’assurer qu’ils optimisent leur retour sur investissement.
  • Intégration du travail et de l’apprentissage : Attendre que les travailleurs soient mis à pied pour les aider à se perfectionner est inefficace et préjudiciable. Les employeurs doivent considérer le développement des talents comme une exigence opérationnelle et veiller à ce que les employés disposent du temps et des ressources nécessaires pour apprendre tout en étant rémunérés.
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Pour réussir, nous aurons besoin de services d’orientation professionnelle de grande qualité et offerts par des professionnels du développement de carrière compétents qui pourront aider les adultes qui travaillent à établir leur parcours professionnel et d’apprentissage.

La bonne nouvelle est que nous voyons déjà des germes d’innovation :

Par exemple, Blueprint – avec du financement du Centre des Compétences futures – collabore avec la Fondation canadienne pour le développement de carrière et MixtMode pour créer et mettre à l’essai sur le terrain un modèle de prestation de formations qui sert à la fois les employeurs et les individus, quel que soit leur statut d’emploi. Ce modèle vise à garantir que les employeurs ont les gens de talent dont ils ont besoin et que les travailleurs disposent des outils et des ressources qui leur permettent de prendre activement en charge le développement de leur carrière.

Des innovations passionnantes qui présentent les options de formation directement aux employeurs et à leurs employés dans une interface transparente ont aussi vu le jour. Par exemple, D2L a créé une plateforme de formation continue, D2L Wave pour assurer aux employés que la formation qu’ils suivent sera reconnue par leurs employeurs et qu’elle aura des effets positifs sur leur développement de leur carrière. D2L collabore avec les employeurs pour élaborer un catalogue de cours menant à des crédits qui répondent aux besoins des entreprises. Les employés peuvent s’inscrire à ces formations données par des établissements d’enseignement postsecondaire et d’autres fournisseurs dans des domaines tels que la stratégie, les finances, les ressources humaines et le marketing, en utilisant les prestations de formation fournies par l’employeur.

Ces innovations sont un pas dans la bonne direction, mais il reste encore beaucoup à apprendre. Nous avons besoin de plus de données de meilleure qualité pour nous aider à retracer les parcours d’apprentissage des personnes et à cerner les lacunes afin de déterminer comment nous pouvons miser sur ce qui fonctionne ou nous détourner de ce qui ne fonctionne pas.

Le moment est venu d’engager un débat politique plus large sur la manière dont nous pouvons améliorer l’accès aux possibilités d’amélioration des compétences et faire en sorte que les adultes qui travaillent soient réellement préparés à l’avenir du travail.

Karen Myers est la présidente et cheffe de la direction de Blueprint. Karen tire parti de ses quelque 20 ans d’expérience pour diriger un organisme sans but lucratif dont la mission est d’utiliser des données et des faits pour améliorer le bien-être social et économique des Canadiens. Elle s’est forgé une solide réputation à titre de gestionnaire de projets complexes et de grande envergure dans un ensemble de domaines liés à l’élaboration de politiques, notamment l’emploi et la formation, la réduction de la pauvreté et la sécurité du revenu.

Malika Asthana est directrice chez D2L, une société internationale d’innovation en matière d’apprentissage. Elle mise sur son expérience en stratégie, en affaires publiques et en recherche sur les politiques pour faciliter les conversations et partager les points de vue sur l’avenir de l’éducation et du travail.