Coin lecture : Le bilan de compétences – regards croisés entre la théorie et la pratique
6 novembre, 2012Agir autrement en orientation scolaire : l’intervention de groupe
6 novembre, 2012par André Parent, c.o.
L’orientation auprès des personnes ayant des troubles de santé mentale présente certaines particularités que le conseiller doit connaître. Cet article propose quelques pistes de réflexion visant à lui permettre d’adapter sa pratique aux besoins spécifiques de ces personnes et à leur réalité.
La personne est-elle en mesure de suivre une formation ?
Le but premier d’une démarche d’orientation est généralement le choix d’une carrière, c’est-à-dire, ultimement, l’intégration au marché du travail. Cette insertion est habituellement, mais pas toujours, précédée d’une période de formation. Il paraît utile de rappeler ce fait avant de poursuivre parce que, lorsque l’on intervient auprès de personnes ayant des troubles de santé mentale, le processus ne se solde pas nécessairement par l’inscription à un programme de formation. Souvent, d’autres solutions comme un stage ou une démarche de recherche d’emploi sont privilégiées.
Plusieurs personnes vivant avec une problématique de santé mentale présentent une vulnérabilité au stress qui pourrait rendre un effort intellectuel soutenu ou l’adaptation au milieu scolaire difficiles, particulièrement lorsque la personne a connu antérieurement des difficultés scolaires. Il se pourrait aussi qu’un retour aux études entraîne un déménagement dans une autre ville, un endettement supplémentaire ou un bouleversement de la vie familiale susceptible d’engendrer un stress plus grand encore. Une résurgence ou une aggravation des symptômes de la maladie serait alors à craindre.
Il importe donc de s’assurer que l’état de santé de la personne est stable et qu’elle est en mesure de composer avec les effets d’un retour aux études avant d’envisager cette option.
Après la formation, la personne pourra-t-elle exercer sa profession ?
La réalité du monde scolaire et celle du marché du travail sont indissociables. Cependant, même si la personne obtient son diplôme, cela ne signifie pas pour autant que ses tentatives d’intégration au marché du travail seront couronnées de succès. Chacun de ces deux milieux a ses exigences particulières. Une personne étudiant en infographie peut fort bien réussir à l’école où l’accent est mis sur la créativité, mais éprouver plus de difficulté à s’adapter au rythme trépidant et aux échéanciers serrés qui prévalent dans le milieu de l’imprimerie.
Il faut également considérer la médication qui pourrait entraîner certains effets comme un ralentissement psychomoteur, des difficultés à se concentrer ou à s’éveiller le matin ou encore des pertes de mémoire. Tout cela peut empêcher l’exercice d’un métier qui correspond parfaitement, par ailleurs, aux intérêts, aux aptitudes et à la personnalité de l’individu.
Quelles sont les ressources dont dispose la personne pour réussir sa formation et son intégration au marché du travail ?
Beaucoup de gens qui ont une problématique de santé mentale doivent prendre quotidiennement leur médication. C’est justement cette dernière qui leur permet de mieux fonctionner, d’où l’importance d’une prise de médication régulière pour pouvoir entreprendre différents projets.
De nombreux essais peuvent être nécessaires avant de trouver le type de médicament et le dosage adéquats pour permettre à la personne d’occuper un emploi. Par conséquent, s’assurer la collaboration de son psychiatre ou de son médecin, de même que celle d’autres professionnels comme le psychologue, le travailleur social ou l’éducateur spécialisé qui gravitent autour d’elle, peut contribuer au succès de la démarche d’orientation. Cela permet au conseiller de mettre en place des ressources qui pourront faciliter l’insertion de la personne aussi bien en milieu scolaire qu’au marché du travail. De plus, leur aide peut s’avérer précieuse pour mieux cerner les limitations de la personne, leurs effets sur le rendement scolaire et professionnel de même que les accommodements nécessaires pour contrer ces inconvénients.
En milieu scolaire, certains établissements d’enseignement mettent à la disposition des étudiants handicapés des services d’aide à l’intégration. La personne pourra ainsi bénéficier de mesures comme l’octroi de délais pour remettre ses travaux ou passer ses examens, ou encore l’aide à la prise de notes qui favoriseront sa réussite scolaire.
Côté travail, il existe divers organismes faisant partie du Regroupement des organismes spécialisés pour l’emploi des personnes handicapées (ROSEPH) qui ont pour mandat d’aider les gens aux prises avec un handicap à intégrer le marché du travail. Parmi ces organismes, mentionnons ÉquiTravail, le seul service externe de main-d’œuvre spécialisé en santé mentale, déficience intellectuelle et troubles envahissants du développement reconnu par Emploi-Québec sur le territoire du Québec métropolitain et de Portneuf. Par l’intermédiaire de ses conseillers, la personne présentant un handicap du psychisme dûment diagnostiqué pourra avoir accès aux programmes de subvention conçus pour les personnes handicapées tels que le contrat d’intégration au travail (CIT), le Fonds SPHÈRE-Québec ou le Programme de développement de l’employabilité pour l’intégration des personnes handicapées au sein de la fonction publique (PDEIPH). Cela lui permettra d’offrir à l’employeur une compensation financière pour la perte de productivité, la période plus longue d’adaptation en emploi et le besoin accru d’encadrement que peuvent entraîner ses limitations. Notons que seuls les organismes membres du ROSEPH sont habilités à évaluer le niveau d’employabilité et à présenter les demandes de subvention pour les programmes mentionnés.
Outre ces organismes offrant des services d’orientation et de recherche d’emploi aux individus vivant des troubles de santé mentale, la personne pourrait également utiliser des ressources telles que les services de démarrage d’entreprise, les groupes d’entraide ou d’autres organismes membres de l’Alliance des groupes d’intervention pour le rétablissement en santé mentale (AGIR) qui proposent du soutien en situation de crise, dans la communauté, pour la défense des droits, etc.
Le conseiller souhaitant assister la personne dans sa démarche d’orientation ou de recherche d’emploi aura tout intérêt à être bien renseigné afin d’utiliser ces ressources à bon escient et de référer la personne au besoin.
Quel impact la problématique de santé mentale a-t-elle sur la démarche d’orientation?
Il est important de mentionner que les premiers symptômes des troubles mentaux surviennent habituellement pendant la vingtaine, alors que la personne est encore au collège ou à l’université ou fait son entrée sur le marché du travail. Au moment où elle consulte, elle a peut-être développé certaines craintes quant à une éventuelle insertion scolaire et professionnelle en raison d’échecs répétés.
Ces craintes peuvent, parfois plus que les symptômes eux-mêmes, rendre l’insertion ardue parce qu’elles affectent l’image de soi et la perception des capacités.
Enfin, comme toujours, il importe de tenir compte de la réalité de chaque personne. Des options apparemment idéales pourraient se révéler inacceptables pour elle parce qu’elles entraînent une insécurité importante. Ainsi, certains individus souffrant d’un trouble anxieux pourraient être particulièrement sensibles aux solutions comme un retour aux études non financé par Emploi-Québec. « Et si ce choix n’était pas le bon », peuvent-ils penser? Décrocher de l’assistance emploi signifierait pour eux perdre leur statut de personne handicapée (contraintes sévères) avec toute la sécurité et la stabilité financière que cela peut comporter. Ou alors, ils peuvent préférer un emploi manuel même s’ils ont une formation universitaire parce qu’un travail routinier leur semble moins anxiogène qu’une profession exercée dans un marché du travail compétitif.
Cette perception, d’ailleurs, peut ne pas être très réaliste, pas plus que celle que la personne a du monde scolaire ou du marché du travail. Toutefois, il convient de prendre la peine de vérifier ses hypothèses sur les liens existant entre les difficultés vécues par la personne et sa problématique de santé mentale avant de sauter aux conclusions. Distinguer un comportement normal d’un symptôme de la maladie mentale demande du doigté et de l’expérience, et ne s’improvise pas spécialiste en cette matière qui veut. On court toujours le risque d’être victime de ses propres croyances et préjugés sur la santé mentale.
Conclusion
La démarche d’orientation se doit, avec une clientèle vivant une problématique de santé mentale, de tenir compte à la fois des difficultés que pourrait vivre la personne en cours de formation et de celles qu’elle pourrait connaître en emploi. Ces difficultés peuvent être liées aussi bien aux symptômes qu’aux effets de l’état de santé des personnes. Les limitations peuvent être compensées en partie grâce à l’aide de ressources ou programmes divers, mais elles limitent tout de même les options sur le plan scolaire et professionnel.
Le choix de carrière peut également être influencé par l’idée que le conseiller et la personne se font des capacités de celle-ci. Cette perception peut être erronée en raison des préjugés liés aux troubles mentaux que le conseiller peut avoir ou des craintes parfois démesurées de la personne. Cela peut altérer l’objectivité nécessaire au processus. N’oublions pas que la personne aux prises avec une problématique de santé mentale est autre chose qu’un diagnostic. Elle est d’abord une personne à part entière avec, outre ses limitations, des forces, des aptitudes, des intérêts, des aspirations. Nous travaillons avec la personne et les contraintes que peut induire un diagnostic.
Quoi qu’il en soit, le processus d’orientation demeure une étape où plusieurs réalités différentes doivent être prises en compte parce qu’elles sont étroitement liées : celle de la personne, celle du monde scolaire et celle du marché du travail.
André Parent est conseiller d’orientation chez ÉquiTravail, un service d’aide à l’emploi pour les personnes qui présentent des difficultés d’intégration au travail en raison d’une problématique de santé mentale, de limitations intellectuelles ou d’un trouble envahissant du développement. Équitravail offre également des services de démarrage d’entreprise, de support à l’intégration et des groupes d’entraide pour les personnes en emploi. Courriel : equitravailap@hotmail.com.
Références :
Site Web d’ÉquiTravail [ www.equitravail.com ]
Site Web du Regroupement des organismes spécialisés pour l’emploi des personnes handicapées (ROSEPH) [ www.roseph.ca ]
Site Web de l’Alliance des groupes d’intervention pour le rétablissement en santé mentale (AGIR) [ www.agirensantementale.ca ]