La collaboration entre les secteurs public et privé et la société civile : parmi les éléments essentiels à la prospérité future du Canada
L’histoire de l’adaptation impressionnante d’une collectivité par l’entremise de l’innovation et de la coopération
Kirsten Hathaway
Parmi les nombreuses observations et leçons apprises pendant la crise de la COVID-19, les réponses les plus efficaces à l’échelle mondiale se sont avérées celles qui ont engagé de manière égale les secteurs public et privé et la société civile dans le but de collaborer et de trouver des solutions innovatrices aux graves problèmes auxquels étaient confrontés les gouvernements, les collectivités, les établissements, les entreprises et les citoyens.
Au premier coup d’œil, ce modèle tripartite relève du sens commun. Pourquoi les trois secteurs ne travailleraient-ils pas ensemble pour cerner des solutions aux défis communs? Cela doit se produire tout le temps pour que notre société fonctionne correctement.
Le fait est, cela se produit rarement et aucun modèle officiel facilement reproductible n’existe. La Corporation de l’employabilité et du développement économique communautaire (CEDEC), située au Québec, travaille activement pour combler le fossé entre les trois secteurs en bâtissant un modèle qui intègre les trois de manière égale et qui, par conséquent, accorde à tous des avantages. Ce type de collaboration tripartite organisée autour d’une possibilité peut produire des avantages économiques durables qui équilibrent les besoins de l’ensemble de la collectivité, particulièrement dans les régions rurales qui ont tendance à éprouver plus profondément les effets de forces économiques extérieures.
Un exemple concret, dont les grandes lignes se trouvent dans cet article, met en évidence comment ce type de modèle de collaboration peut affecter une collectivité, particulièrement quand sa création et son exécution tournent autour du rôle essentiel d’un facilitateur central comme la CEDEC.
Un apprentissage rémunéré au Mont Sutton
Le Mont Sutton est l’un des principaux moteurs économiques dans la ville québécoise homonyme, attirant les touristes en hiver et en été et générant une activité commerciale secondaire liée à l’hébergement. Comme plusieurs autres entreprises d’autres secteurs, de la province et du pays, le Mont Sutton fait face à une pénurie critique de main-d’œuvre qui a affecté sa capacité à exercer ses activités à plein rendement pour plusieurs saisons consécutives. Puisque la montagne sert une clientèle bilingue, l’entreprise exige qu’un certain nombre de ses employés occupant des fonctions importantes soient bilingues, ajoutant un défi supplémentaire au recrutement étant donné le bassin de main-d’œuvre restreint.
Un plan d’action dirigé par la CEDEC a rapidement permis au Mont Sutton, à la Commission scolaire Eastern Townships et à Services Québec de s’aligner sur un modèle intégré de formation de la main-d’œuvre. Le premier programme de francisation de la région, une formation rémunérée ciblant les anglophones et les nouveaux arrivants dans la province, était conçu pour aider à la fois des employés existants du Mont Sutton et d’éventuels employés à développer des compétences en service à la clientèle en français requises spécifiquement pour l’entreprise qui leur permettrait de travailler au Mont Sutton au cours de la saison hivernale 2019-2020.
« Il a fallu du temps pour que les trois secteurs se réunissent autour d’une table, mais lorsque tout le monde s’est mis d’accord sur une même vision, nous avons trouvé des façons innovatrices d’avancer », s’est rappelée Nina Kim, une gestionnaire de projet de la CEDEC.
Des stratégies tout aussi innovatrices auront été nécessaires pour assurer la réussite du projet. Alors, durant la saison morte, les partenaires ont élaboré un plan pour intégrer les participants du programme à la main-d’œuvre du Mont Sutton par l’entremise d’une formation en compétences essentielles à la fin de laquelle un emploi les attendait durant la période la plus achalandée du centre de ski.
Tous les partenaires ont reconnu le caractère innovateur de cette entreprise. « La francisation était déjà offerte par la commission scolaire », a dit l’enseignante du programme, Marie-France Argouin, « mais le fait de vraiment l’adapter au niveau du travail en tant que tel, ça, c’est vraiment nouveau, c’est vraiment quelque chose d’innovateur. »
« Ce type de collaboration tripartite organisée autour d’une possibilité peut produire des avantages économiques durables qui équilibrent les besoins de l’ensemble de la collectivité. »
La formation à même le site consistait, pour le Mont Sutton, en une valeur ajoutée. Les avantages sont clairs comme leur coordonnatrice aux ressources humaines, Véronique Dumont, l’a fait remarquer : « Dès que la saison commence, nos employés sont déjà qualifiés, formés, ils connaissent le jargon, ils connaissent bien la montagne parce que tout le programme a été axé sur nos opérations. »
Onze participants ont formé la première cohorte du programme rémunéré de formation et de francisation de 300 heures réparties en 10 semaines en novembre 2019. Les diplômés, en retour, sont devenus des ambassadeurs et des accompagnateurs idéaux pour trouver de nouvelles recrues pour le programme et des candidats de choix pour continuer leur expérience d’emploi au Mont Sutton pour la saison de tourisme estivale. Le centre de ski espère que la deuxième phase sera tout aussi gratifiante pour tous.
L’expérience est peut-être la mieux résumée par un des diplômés du programme, Arley Guzman : « Pour moi, cette formation c’est comme une porte qui vient de s’ouvrir. Une fois que l’on rentre, on peut faire en réalité tout ce qu’on aime faire dans la vie », ajoutant que l’amélioration de ses compétences en français lui a également ouvert la porte à la culture québécoise en dehors du travail.
Mais le travail de la CEDEC, comme le projet lui-même, ne faisait que commencer. Pendant que la CEDEC réfléchit à la façon dont le modèle peut être adapté pour d’autres secteurs, les partenaires de Sutton explorent comment le modèle peut être adapté pour satisfaire les besoins du secteur du tourisme à l’année.
Pendant ce temps, à la ville
Lorsque la ville de Sutton a été témoin de ce gain palpitant avec un acteur économique important de la région, les représentants ont été impatients de s’engager, eux aussi, dans une collaboration entre les secteurs public et privé et la société civile. Le but ultime étant d’accroître l’assiette d’imposition de la ville pour offrir des services communautaires, les conversations retournent sans cesse au manque imminent de travailleurs pour combler le manque de main-d’œuvre, le logement abordable pour ces travailleurs et une grande qualité de vie pour les attirer et les garder. La CEDEC a livré un portrait économique objectif et basé sur les faits pour éclairer les dialogues entre la municipalité et les parties concernées.
Les partenaires ont continué à explorer des possibilités internes et externes reliées aux trois domaines d’intervention ciblés (la mise en valeur de la main-d’œuvre, l’agroalimentaire et le logement abordable). Des rencontres ultérieures avec des entrepreneurs de la région ont fait progresser les projets. En particulier, ceci a mobilisé des parties concernées autour de possibilités agroalimentaires grâce à la création d’un « centre » de transformation d’aliments régionaux.
Bien que la pandémie de la COVID-19 ait créé des défis, l’utilisation de la vidéoconférence ajoutée à la bonne volonté et à la motivation des partenaires a atténué la perte de dynamisme.
Le Mont Sutton, après avoir préparé son personnel pour la saison hivernale, a grandement souffert en raison de la fermeture forcée au Québec à cause de la COVID-19. Toutefois, avec l’engagement continu de ses partenaires, il se mobilise déjà pour embaucher à nouveau les employés et les stagiaires pour la saison estivale, à la fois à la montagne et en collaboration avec une entreprise touristique d’accueil estivale située à proximité.
« Notre partenariat tripartite avec la CEDEC, la commission scolaire et le gouvernement provincial est resté fort durant la crise de la COVID-19 à cause de notre communication constante et de la solide relation que nous avons établie au cours de l’an dernier. Cette relation nous a permis de passer à travers cette pandémie en conservant les pieds sur terre tout en planifiant le début de la Phase II en juin », affirme madame Dumont.
L’histoire à succès de Sutton démontre les nombreux résultats positifs d’une collaboration entre les secteurs public et privé et la société civile : ce modèle a produit une plus grande mobilité des travailleurs au sein du Mont Sutton et il a augmenté la capacité du secteur touristique régional à cause d’un plus grand bilinguisme et de compétences en services à la clientèle. Il donne à l’un des plus grands employeurs de la région (350 employés) une réelle chance de relancer ses activités dans un contexte de « nouvelle normalité » après la COVID-19.
Kirsten Hathaway a dirigé le département de communication de la CEDEC depuis 2004 et elle est soucieuse de l’évolution de l’organisme alors qu’il mobilise la collaboration entre les secteurs public et privé et la société civile autour d’occasions de croissance et génère des avantages concrets pour les collectivités et les individus. Pour vous renseigner davantage sur le modèle et d’autres collaborations en cours comme celle du Mont Sutton, prenez en considération une participation à la conférence intitulée « Créer des économies inclusives, bâtir des ponts entre les secteurs public et privé et la société civile », coanimée par la CEDEC et la Fondation canadienne de la revitalisation rurale prévue à l’automne 2021 à Rimouski au Québec.