par Nadine Gamache, c.o.

J’œuvre depuis plus de dix-neuf ans en orientation auprès de diverses clientèles. Durant ces dix-neuf années, environ quatorze ans ont été consacrés davantage à la clientèle « femme » dont treize années au sein de l’Atelier de Préparation à l’Emploi (APE) inc.  Actuellement, je coordonne les programmes « femme » de l’APE qui s’inscrivent dans une formule de projets préparatoires à l’emploi. Le volet PPE-général s’adresse à des femmes éloignées du marché du travail car elles sont lourdement défavorisées tant au niveau de l’emploi qu’au niveau personnel. Le volet PPE-Virage cible des femmes aussi lourdement défavorisées mais également aux prises avec des situations liées à la délinquance ou qui évoluent au sein de milieux en lien avec la délinquance. Ces femmes démontrent un désir de réintégrer le marché du travail afin de devenir ou de redevenir des travailleuses actives. Cependant, plusieurs problématiques font surface durant le programme.

La confiance et l’estime de soi

Plusieurs femmes qui participent à des mesures de préemployabilité de type PPE présentent peu de confiance ainsi qu’une faible estime de soi.  L’estime de soi se tisse sur nos réussites, nos compétences développées, nos acquis scolaires, nos expériences professionnelles et nos expériences personnelles. Ainsi, l’an passé, 67 % des femmes que nous avons accueillies sur les projets « femme » possédaient des années d’études de niveau secondaire ou primaire et 55 % d’entre elles avaient peu ou pas d’expérience significative. De plus, 47 % des participantes étaient des femmes monoparentales.  Également, l’estime de soi provient de nos premières expériences en milieu familial telles que l’amour des parents et la sécurité affective. En ce qui concerne les femmes en situation de délinquance, 40 % étaient issues d’un environnement dysfonctionnel. Cependant, malgré un départ plus difficile dans la vie, elles ont des compétences qu’elles continuent à développer, souvent à leur insu, par le biais d’autres sphères d’activité que le travail rémunéré. Malheureusement, elles éprouvent beaucoup de difficultés à reconnaître et à s’approprier leurs compétences. C’est ce qui peut expliquer que 72 % des femmes qui ont pris part à l’une des deux mesures préparatoires à l’emploi ont manifesté un manque d’estime de soi et 78 % un manque de confiance en soi. Il devient donc primordial de s’attarder à cet aspect lorsqu’on désire accompagner des femmes vers une réinsertion professionnelle. Le travail en groupe combiné aux rencontres individuelles apporte énormément de renforcement positif.  Tout cela aide ces femmes à prendre leur place, à développer ou à accroître leurs compétences relationnelles en plus de se réapproprier leurs propres réalisations.

Les démêlés avec la justice

Les femmes en situation de délinquance présentent diverses problématiques qui ont un impact important sur la réinsertion socioprofessionnelle. Ainsi, 69 % des femmes du programme PPE-Virage nommaient avoir eu des problèmes de dépendance, 12 % disaient avoir évolué dans le milieu de la danse érotique et 8 % dans le milieu de la prostitution.

Selon la Gendarmerie royale du Canada, près de 4 millions de Canadiens ont un casier judiciaire, soit 15 % de la population adulte. L’an passé, 47 % des femmes ayant participé au programme PPE-Virage possédaient un casier judiciaire. Il est très important de valider avec la participante ayant un casier judiciaire depuis combien d’années ce casier est actif.  Plusieurs personnes ont des casiers de plus de 10 ans et n’ont jamais cru bon d’entreprendre des démarches pour obtenir leur pardon. Il est alors justifié de sensibiliser l’individu à l’impact d’un casier judiciaire sur son employabilité.  Plusieurs femmes judiciarisées éprouvent des craintes face à la possibilité de se réinsérer sur le marché du travail grâce à l’obtention d’un nouvel emploi. « Lorsqu’une personne judiciarisée rencontre des difficultés par rapport à la recherche d’un emploi, la situation devient alors une problématique majeure, puisqu’elle met en péril la réhabilitation sociale d’un individu. » (ASRSQ, Impact du casier judiciaire, 2007).

Ainsi, certains types d’emploi font l’objet d’une vérification. On pense notamment au gouvernement fédéral, aux garderies, aux compagnies d’assurances, à l’enseignement, à la santé, aux services de sécurité, aux institutions financières, etc. Ceci ajoute un facteur de réalité très important dans le cadre du processus d’orientation lié à la démarche de réinsertion socioprofessionnelle. Il est alors important de soutenir la participante qui a un deuil à faire d’une profession qui était envisagée mais qui s’avère inaccessible en raison du casier judiciaire. Nous devons donc axer l’intervention sur le grand potentiel que présente ces femmes ainsi que sur les compétences transférables qu’elles ont développées tout au long de leur vie.

Les peurs

Plusieurs femmes participant à des ateliers de groupe en préemployabilité manifestent des peurs quant à leur réinsertion socioprofessionnelle. Les peurs paralysent ces dernières qui éprouvent alors beaucoup de difficultés à se mettre en mouvement.  Famery (2006) parle du « Labyrinthe des peurs ».  Il s’agit d’une « peur symptôme » à laquelle nous avons accès, qui camoufle une ou des peur(s) cachée(s) intermédiaire(s) qui elles, cachent la peur source. Ainsi, la « peur symptôme » peut être une peur envers des activités telles que les visites de milieu, la recherche-action ou les entrevues, la « peur cachée intermédiaire » peut être la peur de faire un choix final et la « peur source » peut être la peur de ne pas être à la hauteur en emploi.

Les peurs sont un facteur très présent chez les femmes lors d’un processus de réinsertion socioprofessionnelle. Être à l’écoute du discours qui cache ces peurs permet d’aller au fond des choses, de démystifier les craintes et les non-dits et de remettre la participante en mouvement.

L’élaboration d’un projet

L’ensemble de la démarche de réinsertion socioprofessionnelle des femmes doit s’inscrire à l’intérieur d’un projet socioprofessionnel. Selon Côté (2000), le projet permet d’anticiper par le rêve et l’imaginaire en plus de servir à organiser et de permettre l’action grâce à la volonté, la décision, la planification et la réalisation. Tout le contraire d’une résolution qui sous-entend une analyse superficielle et une décision irréfléchie.

Il est important de miser sur la notion d’élaboration de projet, car il tient compte des aspirations de l’individu, de ses motivations, de ses besoins, de ses valeurs et de ses propres facteurs de réalité.  N’oublions pas que plusieurs femmes qui désirent redevenir actives sur le marché du travail sont des mères monoparentales.

En conclusion, les femmes lourdement défavorisées et/ou étant aux prises avec des situations de délinquance nécessitent un soutien particulier et surtout plus soutenu afin d’accéder à la réinsertion socioprofessionnelle tant désirée tout en y ressentant une grande satisfaction.  En effet, nous devons travailler l’augmentation de la confiance et de l’estime de soi, démystifier les peurs, informer et parfois même éduquer au sujet de divers thèmes tels que les impacts du casier judiciaire et l’importance de la demande de pardon et le tout, à l’intérieur d’un projet d’intégration socioprofessionnelle qui permettra à chaque femme de se réaliser, d’établir sa propre identité, de donner un sens à sa vie et d’acquérir une reconnaissance sociale. (Inspiré de Côté, 2000)


Références:

Association des services de réhabilitation sociale du Québec (ASRSQ), Impacts du dossier judiciaire, 2e édition, 2007

Gendarmerie royale du Canada, Services canadiens d’identification criminelle en temps réel (SCICTR) http://www.rcmp-grc.gc.ca/qc/index-fra.htm (mai 2009)

Famery, Sarah, Se libérer de ses peurs, Eyrolles pratique, 2006

Côté, Dominique. L’importance de l’élaboration d’un projet de vie chez les jeunes adultes, LB 5.5 2000 C843


Originaire de Québec, Nadine Gamache est conseillère d’orientation diplômée de l’Université Laval. Elle a œuvré en milieu scolaire à titre de conseillère d’orientation et d’enseignante et a occupé des postes de c.o. en employabilité. Depuis les treize dernières années, elle fait partie de l’équipe de l’Atelier de Préparation à l’Emploi (APE) inc. comme conseillère d’orientation et depuis plus de deux ans comme coordonnatrice de programmes.