par Véronique Grenier, Sarah-Caroline Poitras et Frédéric Guay

Depuis plusieurs années, on ne cesse d’entendre parler de motivation. On recherche des employés motivés au travail, des adolescents motivés par leur processus d’orientation scolaire et professionnelle et, bien sûr, des élèves motivés envers leurs études. Bref, on semble penser que la motivation est la clé du succès de toutes les démarches ou implications d’ordre personnel, social ou professionnel. Cette pensée populaire est-elle fondée au plan scientifique? La réponse à cette question pourrait paraître simple, mais dans les faits, elle est loin d’être évidente. En effet, à prime à bord, on pourrait penser que toutes les stratégies qui soutiennent la motivation (ex. : étudier fort pour un examen) soient efficaces pour favoriser la réussite scolaire. Toutefois, de plus en plus d’études suggèrent qu’il faut demeurer prudent lorsqu’on parle de motivation. En effet, la motivation varierait en qualité. En d’autres mots, la motivation déployée par un élève envers ses études ou son choix de carrière n’est pas nécessairement de bonne qualité. Certains types de motivation sont plus efficaces que d’autres pour favoriser la réussite scolaire. Tout comme certaines voitures sont plus efficaces au plan énergétique que d’autres pour parcourir une distance donnée!

Cet article de vulgarisation a donc pour but de vous sensibiliser au concept de la motivation que nous utilisons dans nos recherches menées à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval. À cette fin, nous vous présenterons un bref aperçu de la théorie sur laquelle repose nos recherches et quelques pistes d’intervention pour favoriser la motivation scolaire des élèves.

Qu’est-ce que la motivation?

De manière générale, la motivation humaine est définie comme étant les forces internes et/ou externes produisant le déclenchement, la direction, l’intensité et la persistance du comportement (Vallerand & Thill, 1993). Évidemment, il existe plusieurs perspectives théoriques qui portent sur la motivation. Parmi celles-ci, nous retrouvons la théorie de l’autodétermination qui a été proposée, il y a plus de 30 ans, par Edward L. Deci et Richard M. Ryan, tous deux professeurs à l’Université de Rochester aux États-Unis.

Selon cette théorie, le comportement des élèves (ex. : étudier) est façonné par des forces internes et externes. Lorsqu’on parle de forces internes, on fait surtout référence à la motivation intrinsèque. Elle se définit, de façon générale, par le fait de faire une activité pour la satisfaction et le plaisir qui en découlent (Deci, 1975). L’élève motivé intrinsèquement étudie parce que cette activité est intéressante en soi. Elle lui permet de découvrir de nouvelles choses et de faire des apprentissages. Les recherches menées auprès des élèves du primaire, du secondaire, du collégial et même de l’université indiquent que plus l’élève est motivé intrinsèquement meilleures sont ses notes à l’école et plus il a de chance de persévérer jusqu’à l’obtention du diplôme.

Toutefois, vous devez vous dire que bien peu d’élèves vont à l’école pour des raisons intrinsèques mais que bon nombre d’entre eux persévèrent et obtiennent de bonnes notes. Vous avez parfaitement raison. C’est pourquoi la théorie de l’autodétermination a introduit la notion de la motivation extrinsèque qui regroupe principalement deux types de motivation, soient celles identifiée et contrôlée. La motivation extrinsèque identifiée consiste à effectuer une activité non pas parce qu’elle est intéressante mais parce qu’on la juge importante. Un élève qui présente ce type de motivation s’investit dans ses études parce qu’elles représentent pour lui un moyen d’atteindre des buts importants pour son bien-être (ex. : l’importance de développer des compétences professionnelles pour accéder au marché de l’emploi). La recherche a montré que les élèves motivés par régulation identifiée obtiennent également de bonnes notes et persévèrent jusqu’à l’obtention du diplôme. Donc, ce n’est pas parce qu’on éprouve peu de plaisir à l’école qu’on est à risque d’éprouver des difficultés scolaires. Ce manque de plaisir sera largement compensé par l’importance que nous accordons aux activités scolaires. Là où les choses se gâtent un peu, c’est lorsque les élèves ont des motivations que l’on appelle contrôlées.

La régulation contrôlée fait appel à des sources de pressions internes ou externes qui amènent l’élève à étudier. Des sources de pressions internes sont : la culpabilité, la honte, la peur de l’échec, etc. Les sources de pressions externes sont : les récompenses, les punitions, la compétition, etc. Un élève motivé par régulation contrôlée peut, par exemple, poursuivre ses études dans le but de plaire à ses parents ou pour obtenir une récompense promise par eux s’il obtient son diplôme. Les recherches tendent à démontrer que les élèves animés par un type de motivation contrôlée affichent un plus faible niveau de persévérance et de satisfaction envers leurs études et sont moins créatifs que les élèves qui sont motivés intrinsèquement ou extrinsèquement par identification.

Cela dit, la théorie identifie également des comportements associés à une absence relative de motivation. On parle alors d’amotivation. L’élève amotivé a l’impression que ses comportements ne lui procurent plus les résultats escomptés. Il ne comprend plus pourquoi, par exemple, il va à l’école et ne voit plus l’importance de cette fréquentation pour son développement. Il s’investit que très peu dans ce qu’il entreprend. Un élève qui est dans cet état d’amotivation est habituellement plus enclin à décrocher (Vallerand et al., 1997).

Comment favoriser la motivation dans un contexte scolaire?

En tant qu’intervenant, il vous est possible de favoriser le développement d’une motivation intrinsèque ou extrinsèque identifiée chez les élèves. Pour ce faire, nous vous proposons quatre ingrédients soit : l’implication, la structure, le soutien à l’autonomie et le feedback. L’implication fait référence au fait de donner des ressources à l’élève qu’elles soient affectives ou matérielles. Il importe que vous soyez disponible et que vous vous intéressiez à ce que l’élève fait non seulement à l’école mais aussi dans d’autres contextes de vie. Il est également important que vous offriez une structure aux activités ou aux interventions que vous proposez aux élèves. Communiquez vos attentes et vos objectifs tout en spécifiant clairement les conséquences qui pourront survenir si ces attentes et objectifs ne sont pas atteints. Soutenir l’autonomie des élèves est également un ingrédient important. Le soutien à l’autonomie consiste à prendre en considération la perspective de l’élève, l’écouter, reconnaître ses sentiments, lui offrir des choix et lui permettre de prendre des décisions appropriées pour son âge et, évidemment, éviter le contrôle. Ici, l’absence de contrôle ne signifie pas qu’il n’y a pas de structure et que l’élève peut faire ce que bon lui semble. Cela signifie plutôt de ne pas utiliser des stratégies contrôlantes (ex. : les récompenses, les punitions et la menace) pour motiver l’élève. Un contexte où l’autonomie est supportée fait en sorte que l’élève se sent l’acteur « principal » de son comportement. Plusieurs études ont montré que les parents et autres personnes significatives (ex. : enseignants, intervenants, entraîneurs) qui soutiennent l’autonomie et la compétence suscitent davantage de motivations intrinsèque et extrinsèque identifiée chez autrui (Ryan et Deci, 2000). Puis, un dernier élément est l’importance d’offrir un feedback suite à la réalisation d’une activité ou d’une intervention. Ce feedback doit se faire suite à la tâche. Il doit être axé sur l’effort, personnalisé aux actions et comportements de l’individu, et éviter la comparaison à autrui. Le feedback doit être constructif pour l’élève.

Cela dit, dans vos interventions en milieu scolaire, il est suggéré de favoriser la motivation intrinsèque. Bien sûr, nous sommes conscients qu’il est utopique de penser que tous les élèves seront motivés intrinsèquement. Toutefois, il est possible d’envisager des stratégies qui favoriseront une régulation identifiée envers leurs études. Pour ce faire, nous vous invitons à être à l’écoute de leur discours à l’égard de leurs études. Posez-leur des questions sur les raisons qui les poussent à fréquenter l’école ou à poursuivre des études professionnelles ou postsecondaires. Ceci dans le but d’orienter vos interventions afin de leur permettre de constater à quel point leurs études sont importantes dans leur cheminement personnel et professionnel. En faisant ceci, vous favoriserez fort probablement leur réussite et leur persévérance scolaires!

 

Références

Deci, E.L. (1975). Intrinsic motivation. New York: Plenum Press.

Ryan, R.M. et Deci, E.L. (2000). Selfdetermination theory and the facilitation of intrinsic motivation, social development, and wellbeing. American Psychologist, 55(1), 68-78.

Vallerand, R.J., Fortier, M.S. et Guay, F. (1997). Self-determination and persistence in a real-life setting : Toward a motivational model of high school dropout. Journal of Personality and Social Psychology, 72(5), 1161-1176.

Vallerand R.J. et Thill E.E. (Éds.) (1993). Introduction à la psychologie de la motivation. Laval, QC : Études Vivantes.

Véronique Grenier et Sarah-Caroline Poitras sont toutes deux étudiantes à la maîtrise en sciences de l’orientation, à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval. Sous la supervision de monsieur Frédéric Guay, elles termineront sous peu la rédaction de leur mémoire qui porte sur l’application de la théorie de l’autodétermination à des problématiques de counseling et d’orientation. Elles s’intéressent au secteur scolaire où elles y ont d’ailleurs effectué leurs stages aux études supérieures.

Courriels : veronique.grenier.1@ulaval.ca et sarah.poitras@fse.ulaval.ca.

Frédéric Guay est professeur au Département des fondements et pratiques en éducation de l’Université Laval depuis décembre 1998. Il enseigne des cours qui portent sur l’orientation scolaire et professionnelle et supervise des étudiants diplômés qui travaillent sur la problématique de la motivation, de la réussite et de l’orientation scolaires. Ses travaux de recherche visent à mieux comprendre la persévérance, la réussite et l’orientation scolaires des enfants et des adolescents à partir de facteurs contextuels (parents, professeurs et pairs) et motivationnels. M. Guay est également titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la motivation et la réussite scolaires.

Courriel : frederic.guay@fse.ulaval.ca.

Site Web : www.motivation.chaire.ulaval.ca.