Par André Parent, c.o.

De plus en plus de gens présentent un trouble du spectre de l’autisme (TSA). Savez-vous comment vous y prendre avec cette clientèle émergente?

Plusieurs études ont démontré que la prévalence des personnes présentant un trouble du spectre de l’autisme (TSA) augmente d’une manière importante. Selon un article du quotidien Le Soleil de Québec, paru le 6 janvier dernier, la ministre québécoise Véronique Hivon mentionnait que le nombre de diagnostics avait doublé depuis 10 ans. En tant que professionnel de l’orientation ou de l’information scolaire, il devient alors important de bien saisir les particularités des TSA. Cet article vous présentera les grandes lignes à considérer afin d’ajuster votre intervention auprès de cette clientèle émergeante.

Les personnes TSA présentent différentes particularités qu’il est important de relativiser en termes de niveau et d’intensité. Il a été démontré que ce trouble neuro-génétique est dû à un dysfonctionnement de certaines structures du cerveau. Les structures sont là, mais les connexions sont faites différemment des autres personnes. Cela affecte plusieurs aspects de leur mode de fonctionnement au niveau de la communication, des interactions sociales et de la présence d’intérêts restreints ou de comportements atypiques.

Messages non-verbaux

Bien saisir les messages non-verbaux et les conventions sociales peut être très difficile pour eux. Des gestes tels que regarder quelqu’un dans les yeux lorsqu’on lui parle, serrer la main lors d’une rencontre ou encore prononcer des formules de politesse d’usage ont une importance implicite que nous apprenons d’une manière spontanée durant l’enfance. Pour la personne TSA, il peut y avoir un écart important entre l’âge et le niveau attendu de maturité interpersonnelle. On voit souvent un tournant majeur dans la trentaine, âge où le TSA intègre et exploite plus facilement ses aptitudes communicationnelles. Néanmoins, être en groupe ou être confrontés à de nouvelles situations sociales peut être épuisant pour eux. Ils peuvent alors préférer la solitude et faire leurs petites affaires sans stress ni pression. Donc, dans notre travail professionnel, c’est un aspect très important à considérer dans le cheminement avec eux.

La personne TSA peut avoir de la difficulté à comprendre la globalité des choses. C’est plus facile pour lui de considérer les détails individuellement que de voir un tout. Il peut voir des arbres plutôt qu’une forêt. Le TSA ne sait pas qu’il ne sait pas. Ce qui est évident pour vous ne l’est surtout pas pour lui. Faire preuve de précision et bien décortiquer vos explications est très important afin de favoriser une bonne communication avec votre client TSA.

Une logique différente

La logique occupe habituellement une grande importance pour le TSA et elle est différente de la nôtre : plusieurs choses que nous pouvons faire spontanément n’ont pas nécessairement d’utilité rationnelle. S’il ne comprend pas le pourquoi du comment, il n’agira pas.

Beaucoup de TSA considèrent que les autres gens parlent trop et manquent de précision dans leurs propos. C’est pour cela que certains perdent le fil des conversations, étant donné la surcharge d’informations impertinentes qu’ils doivent filtrer. Réduisez votre débit verbal, allez à l’essentiel et soyez précis. Acceptez qu’il puisse y avoir un silence ou un délai après leur avoir posé une question. Ce délai peut permettre à la personne TSA de trouver un sens logique et cohérent à ce que vous lui dites.

Choisir ses mots

Le choix des mots est important à considérer. Comprendre le seul sens littéral des mots est courant chez eux. C’est pour cela que la compréhension des blagues, de l’ironie ou des métaphores est difficile pour beaucoup. Plus ils vieillissent, plus ils sont en mesure de se référer à leur bagage passé pour mieux saisir ces subtilités. Cette difficulté à bien saisir le non-verbal peut amener les TSA à être rejetés par leurs pairs en milieu scolaire ou professionnel.

Ces complications peuvent être alimentées par leur tendance à avoir des intérêts restreints très développés. Leurs pairs peuvent en avoir assez de n’entendre parler que d’un seul sujet. Néanmoins, leurs intérêts restreints les amènent à développer un vocabulaire très spécialisé et ils peuvent se montrer très passionnés et animés lorsqu’ils en parlent. Comme professionnel, notre défi est de faciliter la transposition d’une passion dans un futur travail, car les TSA peuvent se montrer très rigides et considérer que seul leur intérêt prime. Par exemple, un jeune qui se passionne pour les Lego ou un autre pour le dessin de plan peuvent-ils aboutir à une carrière en dessin de bâtiment ou en architecture? Considérer la rigidité de leurs pensées présente un autre défi intéressant ou difficile pour le professionnel; il sera indubitablement confronté à une résistance. L’amener à explorer concrètement différentes avenues et à vivre de nouvelles expériences en lui prodiguant un bon accompagnement devient alors une clé très intéressante pour votre client.

Aider votre client TSA

Vous qui intervenez auprès des TSA, sachez qu’il est possible de les aider dans la découverte d’un projet de vie scolaire et professionnelle réaliste et réalisable, selon leur réalité propre, selon leurs capacités et leurs différences. Prenez le temps de préciser votre rôle, votre façon de travailler, établissez des collaborations avec leurs parents ou d’autres intervenants. Prenez le temps de bien connaître le TSA que vous aidez. Je dis souvent que lorsqu’on travaille avec une clientèle différente, il est essentiel de se souvenir que la réussite d’un programme scolaire ne garantit pas toujours l’intégration réussie sur le marché du travail. Il y a trois réalités avec laquelle il faut composer : celle du client, celle du milieu scolaire et celle du marché du travail. Nous avons la responsabilité de trouver un juste milieu entre ces trois réalités pour que notre TSA puisse trouver sa voie et construire un projet de vie professionnelle valorisant, empreint d’un sentiment d’intégration dans une société trop souvent marginalisante.

Nous pouvons voir l’autisme comme une autre forme d’intelligence, une autre façon de penser. Les gens qui présentent cette condition peuvent trouver leur place dans nos écoles et dans nos entreprises. On reconnaît aisément chez eux la loyauté, l’honnêteté, la franchise, la fiabilité, la rigueur, le respect des règles et du cadre, leur simplicité toute logique. Ils sont souvent dénués de malveillance, de médisance et de préjugés. Certains considèrent qu’ils se sont trompés de planète et qu’ils ne peuvent pas repartir. Donc, accueillons-les et aidons-les à se faire une place parmi nous, car ils peuvent nous apporter beaucoup. De par leur façon différente de voir la vie et le monde, beaucoup d’entre eux ont contribué à faire avancer notre société.

On lit souvent que les Jobs, Einstein, Darwin, Mendel et Mozart pouvaient présenter un trouble du spectre de l’autisme, et ils ont notablement laissé leur marque. Temple Grandin, une militante TSA reconnue, a déjà mentionné que si les autistes n’avaient pas existé pour faire avancer les choses, nous serions encore dans des cavernes en train de nous parler de la pluie et du beau temps. Ajustons donc nos pratiques pour les inclure davantage à nos vies professionnelles et au profit de la société. Formons-nous, échangeons entre nous, expérimentons. Peu importe ce que vous faites, faites-le avec une bonne intention. Se tromper est humain et se réajuster est sage. Faites-vous confiance.

 

Au cours des 10 dernières années, André Parent a développé une spécialisation en orientation avec une clientèle qui présente un TSA ou une problématique de santé mentale. Basé à Québec, il reçoit des clients TSA venant de plusieurs régions du Québec. Il donne également une formation sur l’orientation avec les personnes TSA aux conseillers d’orientation qui veulent parfaire leurs connaissances avec cette clientèle