Par Lisa Sansom

Aider vos clients à se trouver un emploi revient parfois à les protéger contre leur propre pessimisme

Chercher un emploi peut être l’une des expériences les plus exigeantes dans une vie. Vivre le rejet, quelle qu’en soit la forme, est en soi difficile. Mais lorsqu’on a l’impression que c’est notre personne et l’ensemble de nos antécédents professionnels auxquels on ferme la porte, la situation est dévastatrice. Isolement social, dépression, problèmes de santé, difficultés familiales, l’incidence psychologique du chômage est vaste. Toutefois, nous savons que les employeurs cherchent des candidats optimistes, aimables et positifs, qui affichent une attitude gagnante et qui possèdent bien sûr les compétences requises. Arriver à une entrevue d’embauche l’air triste et découragé ne permet pas à vos clients de se présenter sous leur meilleur jour. Que faire? C’est le moment d’acquérir quelques compétences en matière de style explicatif optimiste.

Dans les années 1960 et 1970, Martin Seligman, professeur à l’Université de la Pennsylvanie, a étudié le phénomène qu’il a fini par appeler « impuissance apprise ». Quand certaines personnes se trouvent dans une situation terrible dont elles ne peuvent s’échapper (par exemple, exposition à des bruits désagréables dans une pièce verrouillée) et ensuite dans une situation dont elles peuvent s’échapper (exposition à des bruits désagréables dans une pièce déverrouillée), elles n’essaient pas d’améliorer leur sort. La première situation leur a appris à être impuissantes dans la deuxième.

Vous vous dites peut-être : « Moi, je me lèverais et j’irais ouvrir la porte de la deuxième pièce! » Et vous auriez raison. Cependant, il est probable que nous ayons tous des zones, dans notre vie, où nous avons appris l’impuissance. « Je suis nul avec la technologie! » ou « Je ne comprends rien aux voitures. » Vous avez certainement déjà entendu cela. Ce genre d’affirmation découle de situations antérieures négatives, qui ne se sont parfois produites qu’une seule fois. La personne s’est trouvée dans une posture difficile où elle a eu l’impression d’échouer. Elle se dit que maintenant, ça ne sert à rien d’essayer de nouveau.

Lorsque vos clients enchaînent les entrevues d’embauche et se voient opposer rejet sur rejet, ils se culpabilisent peut-être de ces échecs successifs. La clé de leur style explicatif se trouve peut-être dans ce qu’ils pensent de l’entrevue et d’eux-mêmes.

Imaginons ainsi que votre client vienne d’apprendre, par téléphone, qu’il n’a pas été retenu à la suite de son entrevue d’embauche. Le lendemain, vous lui demandez : « Que s’est-il passé pour cet emploi? » « Je ne l’ai pas eu, vous répond-il. Je ne suis pas bon en entrevue. J’ai fait tellement de gaffes. Je suis nul pour ce genre de choses. »

En étudiant ses sujets humains, M. Seligman a découvert que certains d’entre eux ne succombaient pas à l’impuissance apprise. Lorsqu’on les mettait dans une nouvelle situation, ils essayaient de nouvelles tactiques. Ils semblaient persévérer plus longtemps et réussir plus souvent. M. Seligman était intrigué par ces déviants à l’esprit positif, et a décidé d’en apprendre plus à leur sujet. S’il découvrait la clé de leur réussite, peut-être pourrait-il l’enseigner à d’autres?

Ceux qui continuaient d’essayer dans de nouvelles situations utilisaient un style cognitif que M. Seligman allait qualifier de « style explicatif positif ». Il s’agit de la façon dont on explique les choses qui nous arrivent. M. Seligman a par la suite défini trois facteurs :

  • Permanence
  • Omniprésence
  • Personnalisation

Voici ce que signifie chacun de ces termes.

Permanence

Les personnes qui abandonnent facilement croient que les causes de leur échec perçu sont permanentes. Revenons à votre client convaincu de passer de piètres entrevues. Appelons-le Jean le pessimiste. Jean le pessimiste s’est forgé une explication plutôt permanente des raisons pour lesquelles son entrevue ne s’est pas bien passée. Il y a peut-être une explication temporaire, non permanente : peut-être sa journée ne se passait-elle pas bien ou n’avait-il pas assez dormi la nuit précédente. Les optimistes, dans une situation défavorable, adoptent une explication plus temporaire. La prochaine fois, l’optimiste est convaincu que la situation sera différente et plus positive.

Omniprésence

Jean le pessimiste croit peut-être que non seulement il n’est vraiment pas bon pendant les entrevues, mais aussi qu’il n’est pas habile pour réseauter ou rencontrer de nouvelles personnes. Un incident désagréable se répercute sur d’autres situations; c’est ce que veut dire « omniprésence ». Le pessimiste croit qu’un mauvais résultat se propagera à d’autres domaines de sa vie. On parle aussi parfois de « dramatisation » : un petit problème grossit avec chaque pensée et devient énorme. L’optimiste, au contraire, voit que l’incident désagréable n’est qu’un incident désagréable. Rien de plus. Il s’agissait simplement d’une mauvaise entrevue. La prochaine fois, la situation sera différente et plus positive.

Personnalisation

Jean le pessimiste pense qu’il n’a pas eu l’emploi à cause de sa mauvaise performance en entrevue. Il est convaincu que tout est de sa faute. Il croit peut-être même qu’il a un défaut menant à l’échec de toutes ses entrevues. Il y a pourtant de nombreux autres facteurs qui pourraient expliquer pourquoi Jean n’a pas obtenu cet emploi, des facteurs externes qui n’ont rien à voir avec lui. Il y avait peut-être une candidate mieux qualifiée. La personne qui l’interrogeait n’a peut-être pas très bien écouté ses réponses. L’optimiste sait que tout ne dépend pas toujours de lui. La prochaine fois, la situation sera différente et plus positive.

Que faire si votre client ressemble à Jean le pessimiste et voit les situations négatives comme étant permanentes, omniprésentes et personnelles? M. Seligman a une bonne nouvelle : on peut changer son style explicatif. En adoptant l’approche ABCDE, Jean le pessimiste peut modifier son mode de pensée, s’alléger l’esprit de sorte que la prochaine entrevue se passe mieux.

Le A représente l’événement déclencheur (activating event). Il s’agit de ce qui s’est produit, de simples faits. Poursuivons avec Jean. On l’appelle et on l’informe qu’il n’a pas été retenu pour l’emploi. Nous n’analysons pas la situation. On se contente de l’exposé des faits.

Le B représente les croyances (beliefs). Pour Jean, qu’est-ce qui est vrai dans cette situation? Il est convaincu qu’il est nul pendant les entrevues. Il est convaincu d’avoir dit tout ce qu’il ne fallait pas dire. Il est convaincu que s’il n’a pas eu l’emploi, c’est uniquement de sa faute.

Le C représente les conséquences de ces croyances. Que dit Jean? Que fait-il? Que ressent-il en raison de ces croyances? Il est fort probable que Jean se sente très déprimé, triste, démoralisé et contrarié. Son estime est au plus bas. Il n’a pas très confiance en l’avenir.

À ce stade, la plupart des gens veulent s’accrocher un sourire aux lèvres et aller de l’avant. Ils ont pourtant l’impression de manquer d’authenticité, et pour cause : ces croyances négatives sont toujours à l’œuvre. C’est également la raison pour laquelle votre mot d’encouragement ou votre tape dans le dos ne donnera rien à cette étape. Passons maintenant au point D.

Il s’agit de la remise en question (dispute) de ses croyances. Vous pouvez procéder à l’aide de quatre questions :

  • Quelle preuve avez-vous pour soutenir ces croyances?
  • Y aurait-il d’autres explications possibles?
  • Quelles sont les conséquences, même si vos croyances sont vraies?
  • Quelle est l’utilité de ces croyances?

C’est à ce stade que votre intervention peut être précieuse : en guidant votre client à travers les étapes ABC et en lui posant les quatre questions de l’étape D, vous l’aiderez dans sa prise de conscience.

Jean réalisera peut-être que sa croyance ne repose sur rien de sérieux, même s’il réussit à trouver des preuves. Il peut certainement communiquer avec les personnes qui l’ont interviewé et leur demander des commentaires. Supposons que ces personnes lui font des commentaires confirmant ses pires craintes : il a vraiment raté son entrevue. Et après? Avec votre aide, Jean peut choisir d’agir de façon positive et d’aller de l’avant en s’exerçant pour des entrevues à venir, en suivant un cours et en se préparant davantage. Enfin, Jean se rendra peut-être compte qu’il n’a aucun intérêt à conserver cette croyance selon laquelle il rate toutes ses entrevues. Cette situation deviendra une expérience d’apprentissage inestimable et aidera Jean à aller de l’avant. Nous sommes arrivés à la dernière lettre, E, action énergisante(energization). Jean a entre les mains un plan d’action qui lui permet d’envisager l’avenir de façon positive et constructive.

Cette énergie positive et inspirante est ce dont vos clients ont besoin dans leur processus de recherche d’emploi. À l’aide du style explicatif positif et de l’approche ABCDE, ils seront mieux préparés pour leurs entrevues et plus susceptibles de voir leurs efforts couronnés de succès, grâce à leur détermination et à leur croissance positive.

 

Lisa Sansom est consultante en développement organisationnel et accompagnatrice en leadership à Kingston, en Ontario. En 2010, elle a obtenu une maîtrise en psychologie positive appliquée de l’Université de la Pennsylvanie et adapte cette approche à son travail, qu’il s’agisse de conférences, de formation, de consultation ou d’accompagnement.