Faire ressortir les compétences et les talents des clients atypiques en leur demandant de partager leur réalité

Par Nathalie Bertrand

Dans ma pratique de coaching, je rencontre des dizaines de personnes par années qui ont des parcours de vie différents des parcours classiques. C’est-à-dire les parcours de ceux qui n’ont pas réussit à traverser l’école facilement. Ceux qui n’ont pas obtenus un diplôme, ceux qui ont un « trou » difficile à expliquer dans leurs CV. Ceux qui n’arrivent pas à obtenir un emploi parce que leurs CV ne sont pas « beaux » selon le jargon du métier.

Chacune de ces personnes a une raison différente d’avoir fréquenté les chemins les plus longs, périlleux et souvent difficiles, plutôt que le chemin attendu par la société. Si on leur demandait pourquoi, elles vous diraient probablement qu’elles n’ont pas eu le choix. Elles auraient toutes préféré avoir réussi sans avoir traverser les écueils de la vie pour un laissez-passer simple vers l’employabilité. C’est ainsi que j’ai eu le plaisir de faire la connaissance d’une magnifique jeune femme, discrète, souriante, un peu timide, qui n’avait qu’un désir: trouver un emploi où elle pourrait rendre service, faire une différence et être appréciée.

L’histoire d’Elizabeth

Elizabeth* est venue me rencontrer un matin d’automne, incertaine de ce que le coaching pourrait faire pour elle. Récemment sortie de l’hôpital et continuant ses traitements en psychiatrie externe pour une schizophrénie. Fortement médicamentée, elle avait conscience que ses capacités intellectuelles n’étaient plus ce qu’elles avaient été. Mais elle avait besoin de se sentir utile à la société et cela faisait partie de son plan de remise en forme. En collaboration avec son médecin traitant, nous avons convenu d’explorer les scénarios d’emploi qui pourraient lui plaire et l’aider à briser l’isolement.

La première chose que je fais quand je rencontre une personne comme Elizabeth (ou toute personne par ailleurs), c’est de lui demander de me parler d’elle et de sa réalité. J’essaie de faire ressortir ses compétences et ses talents. Je m’efforce de mettre en lumière ce qui la rend unique et ce qui illumine ses yeux et modifie positivement son langage corporel quand elle me parle. Dans le cas d’Élisabeth, j’ai rapidement compris qu’elle tirait une grande fierté de son besoin d’avoir de l’ordre, de classer les choses et d’organiser l’espace de façon ergonomique, claire et simple.

Cela lui donnait l’impression d’avoir un certain contrôle sur son environnement et l’aidait à se sentir bien. Grâce, ou à cause de ce besoin fondamental, Elizabeth est devenue une spécialiste de la classification, du rangement, de l’accès rapide, simple et facile aux documents et aux articles de la vie de tous les jours. Elle l’applique partout et en tout temps. Elle ne peut pas s’en empêcher. Elle voit immédiatement comment améliorer les choses. C’est un réel talent.

Ensemble nous nous sommes attardées aux milieux qui collaient à ses valeurs et à son interprétation de la réussite professionnelle de même qu’a son tempérament. Ses modèles de références étaient une célèbre série télévisée, qui mettait en vedette un milieu d’avocats.

Elizabeth aime son feutré des tapis dans le bureau et le calme qui règne dans les environnements professionnels, tels que les cabinets de juristes.

Après avoir travaillé sur ses habitudes d’autosabotage, Elizabeth fut prête à faire des demandes d’emploi. Il ne fallut que quelques semaines pour voir arriver dans mon bureau une jeune femme radieuse qui m’annonça avoir décroché un poste dans un cabinet de notaire.

Un emploi 3 jours par semaine lui fait été offert. L’entrée progressive fut nécessaire pour lui permettre d’assimiler les différents aspects liés au transport, à l’horaire, et aux tâches qui lui ont été assignées. Le sujet de sa santé mentale avait été abordé en entrevue et comme nous avions beaucoup discuté et pratiqué les différents scénarios, elle avait été en mesure de rassurer l’employeur qui n’a pas hésité à lui confier un poste créer sur mesure pour elle, au soutien administratif. Profitant de différents types de subventions et soutien à l’employeur, Elizabeth s’est épanouie, elle s’est bien intégrée et à développé de belles amitiés. Son psychiatre et elle ont espacé les visites, la médication a été doucement réduite et c’est avec éloge que son employeur parle d’elle. Les employés l’adorent et la côtoient même en dehors des heures de bureau. Sa santé mentale n’est, semble-t-il, un problème pour personne.

Des histoires comme celle d’Élisabeth j’en ai plusieurs. Que le client soit atteint d’un handicap mental ou physique, il est important de se rappeler que nous avons affaire à un humain. Et que cet humain a les mêmes besoins fondamentaux que tous les autres.

Reconnaître le potentiel des clients

Le cerveau humain à cette capacité incroyable de pouvoir déverser le potentiel non utilisé d’une partie handicapée, manquante ou déficiente de lui-même, pour le mettre à la disposition d’une autre partie de lui-même, afin de lui permettre de survivre et même de se développer de façon incroyablement innovatrice et de faire naître des talents insoupçonnés.

On regarde trop souvent la personne vivant avec un handicap, en considérant le manque d’une partie habituellement fonctionnelle. Si nous nous attardions à ce que cette personne a dû développer pour survivre et voir le potentiel incroyable que lui accorde la pratique assidue de ces nouvelles compétences, on y verrait tellement plus d’avantages que de désavantages.

Dans le monde végétal et même animal, nous utilisons, encourageons et même provoquons les anomalies de certaines espèces afin de créer de nouveaux spécimens, plus fort, plus résistants, plus colorés, plus riches (ou pauvre) en ceci ou cela. C’est avec un minimum de ce dont elles ont besoin que certaines plantes s’adaptent et croissent malgré les conditions arides auxquelles elles sont soumises. Elles développent une quantité d’énergie incroyable pour survivre algré tout. Nous les étudions, les multiplions, les reproduisons et les vendons à fort prix.

La Fondation Mira a développé le caractère avenant, loyal et patient de certains chiens pour en faire des chiens d’assistance particulièrement recherchés.

Chez l’humain, la nature a forcé les choses, parce que personne ne souhaite devoir vivre avec un handicap, un manque ou une déficience. Notre besoin d’uniformité nous empêche souvent de voir et d’apprécier l’énorme potentiel des personnes vivant avec un handicap. Telle une plante ou un animal, l’humain s’adapte, utilise son environnement, pour vivre et croître dans des conditions inhabituelles et développer des talents et compétences que les autres n’ont pas « besoin » de développer.

Prendre le temps d’écouter, de mettre en lumière, de valoriser sont les seules compétences requises pour aider une personne qui doit conjuguer avec un handicap, à trouver sa voie et développer son potentiel. Si on part du concept que tous les vivants sont sur Terre pour accomplir quelque chose et qu’il n’y a pas d’humains surnuméraires, il devient possible de garantir à chaque personne une façon de combler ses besoins fondamentaux et d’être utile à la société.

Il est souvent curieux de constater que rares sont les ingénieurs en fauteuil roulant qui créent les environnements destinés aux personnes à mobilité réduite. Les meilleures personnes pour perfectionner ou inventer plusieurs choses du quotidien sont celles qui n’ont pas l’usage « complet » ou habituel de leurs membres ou de leurs fonctions cognitives. Demandez à une personne handicapée ce qu’elle ferait pour améliorer les choses, vous aurez une mine d’or d’idées novatrices et révolutionnaires. Comme en toute chose, un généraliste fait une partie du travail, mais un spécialiste peut aller encore plus loin.

*Le nom a été changé pour préserver l’anonymat de la cliente.

IMPORTANT: Avant d’accompagner une personne atteinte d’un handicap quelconque, il est IMPÉRATIF de communiquer avec son médecin traitant et de bien comprendre les limitations du client de même que l’objectif attendu. L’accompagnement de client mentalement instable doit TOUJOURS être fait avec l’accord et la collaboration de son spécialiste en santé mentale.

Nathalie Bertrand est coach de vie certifiée Martha Beck. Sa spécialité est d’accompagner les personnes au parcours atypique vers la meilleure expression d’elles-êmes. Atypique ellemême ( Nathalie est dyslexique sévère), elle sait pertinemment ce que signifie se sentir différent et ne pas trouver l’aide et l’accompagnement nécessaire à ses besoins particuliers. Ayant travaillé comme conseillère à l’emploi, puis dans un cabinet de conseillers d’orientation afin d’accompagner les accidentés de toutes sortes, vers le retour à l’emploi, Nathalie a constaté les limites actuelles du système de réintégration en emploi offert par les différentes instances gouvernementales et privées. Elle a également travaillé comme orthésiste-prothésiste ce qui lui a permis de constater le manque de ressources offertes aux personnes vivant avec des limitations physiques importantes. C’est donc tout naturellement qu’elle a choisi de se spécialiser en coaching des personnes ayant des parcours de vies atypiques.