Tandis que le Canada s’apprête à accueillir cette année 330 000 nouveaux résidents permanents – les plus hauts niveaux d’immigration depuis le début du 20e siècle – un nouveau rapport de recherche (en anglais) qui arrive à point nommé étudie la nature du secteur de l’établissement au Canada et les compétences des travailleurs qui forment ce secteur. Rédigé par Iren Koltermann (eCaliber Group) et Daniel Scott (Calience Research and Consulting), le rapport intitulé « The Competencies of Front-line Settlement Practitioners in Canada: A Background Research Report » (Les compétences des professionnels de première ligne du secteur de l’établissement au Canada : Un rapport de recherche contextuel) fait partie d’un projet financé par le CERIC qui vise à mieux comprendre le renforcement de la capacité parmi les travailleurs du secteur de l’établissement.

Bien que les avantages économiques et sociaux de l’immigration soient bien documentés, il est également largement reconnu que ces avantages sont fonction de la capacité du système, où les travailleurs de première ligne du secteur de l’établissement représentent fréquemment le premier point de contact. Les travailleurs en services d’établissement jouent des rôles clés : accueillir les nouveaux arrivants, les aider à participer davantage à la société canadienne, améliorer leur recherche d’emploi, accroître la capacité d’absorption des collectivités et préserver le soutien de la population à l’égard de l’immigration. Comme le cite le rapport, il est raisonnable de présumer qu’à mesure que s’élèveront les niveaux d’immigration, la valeur du service fourni par ces travailleurs s’accroîtra, tout comme leur charge de travail et les défis auxquels ils font face.

L’objectif du rapport est de définir la nature du travail de première ligne en services d’établissement et le contexte dans lequel il est exécuté, ainsi que de présenter les études et les travaux qui ont été entrepris dans le but de renforcer la capacité des professionnels de première ligne du secteur de l’établissement.

La partie 1 étudie le secteur de l’établissement au Canada, notamment :

  • la nature du secteur de l’établissement, hier et aujourd’hui;
  • les clients, programmes et services du secteur de l’établissement;
  • les rôles généraux et spécifiques des travailleurs en services d’établissement.

La partie 2 explore les compétences du secteur de l’établissement, notamment :

  • les considérations relatives à l’utilisation de compétences dans le secteur de l’établissement;
  • un examen des initiatives de renforcement de la capacité des travailleurs en services d’établissement;
  • les initiatives pancanadiennes et provinciales.

Le rapport dresse aussi un portrait des services d’établissement au Canada. Aujourd’hui, les services d’établissement sont assurés par divers types d’organismes. Les quatre principaux fournisseurs de services sont les organisations de la société civile (la catégorie la plus importante), les conseils scolaires, les gouvernements provinciaux et les gouvernements municipaux. Le rapport souligne que le gouvernement fédéral ne fournit pas lui-même de services d’établissement, mais qu’il impartit plutôt ces services à des tierces parties. Pour détailler davantage les types de fournisseurs de services d’établissement, les organisations de la société civile peuvent être divisées en cinq groupes :

  1. Les fournisseurs de services « universels » : Ce sont les organismes qui fournissent des services à la fois aux nouveaux arrivants et aux personnes nées au Canada.
  2. Les organismes d’aide aux immigrants : Également connus sous le nom d’« organismes de soutien à l’établissement », ces organismes, qui fournissent des services directs aux immigrants, peuvent être des fournisseurs de services multiples ou d’un seul service.
  3. Organismes cadres (associations du secteur de l’établissement) : Ils réunissent le secteur de l’établissement dans une région donnée aux fins de formation, de soutien, de défense des intérêts et de coordination.
  4. Organismes axés sur des problématiques précises: Un certain nombre de fournisseurs de services d’établissement assurent des services axés sur un besoin précis en matière d’établissement ou un enjeu prioritaire, comme l’emploi ou la langue.
  5. Collèges et universités : Les établissements postsecondaires acceptent chaque année beaucoup d’étudiants internationaux et de résidents permanents. Par conséquent, leurs services aux étudiants utilisés par les nouveaux arrivants peuvent être considérés comme des services d’établissement.
  6. Organisations non gouvernementales multiculturelles : Ces organisations sont axées sur les enjeux globaux liés à la diversité, cependant, elles reçoivent occasionnellement du financement dans le but de fournir des services d’établissement.

Le rapport analyse le secteur de l’établissement en se fondant sur un sondage mené en 2017 par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), le ministère fédéral qui finance les services d’établissement. Quatre-vingt-sept pour cent des organismes fournissent des services depuis moins de 40 ans; près de la moitié le font depuis moins de 20 ans. Bien qu’il existe de grands organismes qui desservent des milliers de clients chaque année, la vaste majorité sont de petits organismes comptant moins de 10 employés équivalents à temps plein. Tous les organismes comptent sur un bassin de bénévoles pour assurer la prestation des programmes et des services.

Comme le décrit le rapport, les organismes de soutien à l’établissement offrent un vaste éventail de programmes et de services. IRCC définit trois types de services : la prestation de services directs, les services de soutien et les services indirects.

  • Prestation de services directs : Comprend l’évaluation des besoins et les recommandations; les services d’information et d’orientation; les évaluations des compétences linguistiques; la formation linguistique; les services d’emploi et les liens avec la communauté.
  • Services de soutien : Services visant à aider les nouveaux arrivants qui veulent avoir accès aux programmes d’établissement à surmonter les obstacles auxquels ils se heurtent : soins pour enfants de nouveaux arrivants, traduction, transport, interprétation, soutien aux personnes handicapées et counseling en cas de crise.
  • Services indirects : Ces services comprennent les projets qui soutiennent la création de partenariats, le développement de capacités et l’échange de pratiques exemplaires entre fournisseurs de services d’établissement, comme, par exemple, le développement de nouvelles interventions, la mise à jour du contenu de formation et la tenue d’études.

En ce qui a trait au profil des travailleurs en services d’établissement, le rapport cite une étude qui révèle que plus de 86 % des travailleurs de ce secteur à Toronto sont des femmes, que 75 % ont immigré au Canada et que 63 % sont racialisés. Ces données sont considérées comme illustrant de façon globale le secteur, avec le double phénomène de la surreprésentation des femmes et de la racialisation. En ce qui a trait à la rémunération, les conseillers en services d’établissement seraient probablement catégorisés dans la Classification nationale des professions (CNP) sous le code 4212, « travailleurs/travailleuses des services sociaux et communautaires ». Les données de Statistique Canada pour 2015 indiquent que le salaire moyen s’élève à 38 503 $.

La sécurité d’emploi et l’avancement comptent parmi les préoccupations des travailleurs du secteur de l’établissement citées dans le rapport. Bon nombre de postes du secteur des services d’établissement sont à court terme et tributaires d’ententes de financement. Les perspectives d’avancement sont rares. L’absence de cheminements de carrière clairs et le manque de financement pour le perfectionnement professionnel compliquent l’avancement professionnel. Un point positif : le rapport souligne la professionnalisation croissante du secteur. Au cours des deux dernières décennies, un certain nombre de collèges canadiens et quelques universités ont commencé à offrir des certifications spécialisées et des programmes complets d’enseignement et de formation destinés à ceux qui font leur entrée dans le secteur de l’établissement.

L’exploration des compétences du secteur par le rapport a permis de découvrir que des études propres au secteur sont généralement requises pour occuper un emploi, mais que beaucoup d’organismes embauchent des personnes qui ne possèdent pas de qualifications précises en raison de leurs compétences linguistiques ou culturelles spécifiques. Le rapport mentionne qu’il s’est ensuivi une hausse des tensions « entre les travailleurs qui voient l’établissement comme une cause et ceux qui veulent faire carrière dans ce secteur ». On craint que « la professionnalisation n’augmente la marginalisation des immigrantes racialisées qui possèdent des années d’expérience dans le secteur, mais qui n’ont pas reçu une éducation systématique, et ne nuise à leurs perspectives d’avancement ».

Les échanges sur le développement des ressources humaines et le renforcement des capacités dans le secteur se sont déroulés à la fois au niveau national et provincial. D’après le rapport, il y a eu un soutien global au sein du secteur à l’égard de l’articulation de pratiques exemplaires et de l’élaboration de compétences de base pour les rôles des professionnels du secteur de l’établissement. Des pratiques et des normes ont été raffinées et utilisées par des organismes cadres provinciaux, comme l’Alberta Association of Immigrant Serving Agencies, qui en est à développer et à offrir du contenu de formation de base à la fois en personne et en ligne. Cependant, les auteurs suggèrent qu’il fait réfléchir attentivement à l’élaboration et à l’utilisation des compétences. Leurs recherches préliminaires indiquent que les compétences ne semblent pas être largement adoptées ni utilisées dans le secteur. Cette question devra faire l’objet d’un examen plus approfondi au cours de la deuxième phase du projet.