On présume généralement que les sciences assurent aux étudiants un avenir « sûr ». Même si de nombreuses occasions s’offrent à eux, les attentes ne correspondent pas toujours à la réalité

Par Lucie Demers

Ils sont passionnés de sciences: ils lisent, visionnent, expérimentent. Ils sont très performants en mathématiques, en chimie et en physique. Ils rêvent de contribuer à un effort mondial pour améliorer la santé et de la qualité de la vie des populations. Ils ont confiance en l’avenir : les carrières scientifiques offrent de bons emplois, stables et bien rémunérés, n’est-ce pas?

Bien que ce domaine offre de nombreuses possibilités, le marché du travail n’est pas toujours favorable. Le taux de chômage des étudiants diplômés en « sciences pures » est malheureusement parmi les plus élevés[i], comparé aux sciences appliquées, aux sciences humaines, aux lettres, etc. Alors pourquoi est-il encore si répandu que les sciences offrent un avenir « sécuritaire »?

Il y a des éléments importants à savoir sur les carrières en sciences et en recherche. L’objectif ici n’est pas de les louanger ou les critiquer, mais de présenter les informations essentielles pour bien accompagner les jeunes qui envisagent une carrière dans le domaine scientifique.

Les statistiques sur l’emploi des nouveaux diplômés

Les statistiques d’emploi indiquent la facilité (ou non) avec laquelle les diplômés d’un domaine spécifique entrent sur le marché du travail.

En sciences, les données des enquêtes statistiques sont souvent très encourageantes. Par contre, certaines doivent être interprétées avec prudence.

  • Dans les disciplines accueillant peu d’étudiants (ex. : sciences physiques), la très petite taille de l’échantillon doit nous interroger sur la fiabilité du taux de chômage.[ii]
  • 73% des bacheliers en génie civil occupent un emploi à temps plein lié à leur formation, contre 5,3% en sciences physiques.[iii]
  • Les personnes qui poursuivent des études de maîtrise le font-elles par choix ou faute d’avoir trouvé un emploi?
  • Il peut même y avoir différentes réalités au sein d’une même discipline (ex. : la chimie) en fonction de la spécialisation choisie par les diplômés (ex. : chimie organique, chimie des matériaux, chimie analytique, etc.). Pourquoi? Les statistiques sur les programmes de formation ne montrent que la moyenne de leur catégorie (ici, la chimie). Les difficultés d’intégration professionnelle rencontrées par les diplômés de certaines spécialisations sont ainsi camouflées.

La rémunération des employés, les perspectives d’emploi par région et l’évolution du marché du travail peuvent également expliquer pourquoi certains diplômés en sciences (physique, chimie, mathématiques) ont plus de difficulté à intégrer le marché du travail que les diplômés en génie ou en sciences appliquées.[iv]

Évaluer les statistiques d’emploi avec un œil critique

Les statistiques d’emploi constituent un trésor de données précieuses, mais ne permettent pas de faire un choix de carrière éclairé. Il est donc essentiel de consulter d’autres sources, mais il est important de connaître leurs limites et de savoir valider les informations fournies.

Premièrement, les données fournies par certaines institutions peuvent sembler fiables, mais il faut garder en tête que certaines sont en conflit d’intérêts. En effet, chaque étudiant est une source de revenus potentielle pour les universités. Certaines peuvent donc utiliser les données à leur avantage pour attirer un maximum d’étudiants. Même chose pour les regroupements professionnels, qui doivent soutenir leur industrie en comblant les besoins de main d’œuvre des entreprises. Il ne faut donc pas hésiter à contre-vérifier les statistiques d’emploi communiquées dans certaines publicités.

Les articles de journaux sont une autre source d’information potentielle, mais il faut également faire preuve d’esprit critique. Par exemple, il faut se méfier des articles qui ne citent qu’une source d’information, qui ne citent que des représentants de l’industrie ou qui utilisent une statistique de manière isolée.

Dans certaines sources d’information gouvernementales, qui sont par ailleurs tout à fait neutres, les indicateurs de perspectives d’emploi sont plutôt vagues (ex. : bonnes, acceptables, faibles). D’autres sources sont très utiles pour prendre le pouls d’un domaine (offres d’emploi, associations étudiantes, nouveaux diplômés, mentors, etc.), mais les informations recueillies sont subjectives:  elles risquent de ne pas être représentatives de l’ensemble du domaine.

Bref, chaque source d’informations a ses avantages et ses inconvénients. C’est pourquoi les professionnels de l’orientation sont une excellente source à consulter pour prendre une décision éclairée.

3 choses à savoir sur les études supérieures et la recherche

Vous connaissez un étudiant qui souhaite faire une maîtrise ou un doctorat, ou qui s’intéresse à la recherche? Voici certaines choses que vous devez savoir.

  • Dans certains domaines, un diplôme d’études supérieures n’est pas une condition d’embauche. Pour l’employeur, un doctorat n’est pas une garantie de débrouillardise ni de capacité à innover.
  • La recherche est un domaine extrêmement compétitif, et ce, à l’échelle mondiale. Quel chercheur publiera ses résultats en premier? Plusieurs d’entre eux travaillent les soirs et les fins de semaine pour rester dans la course.
  • Les chercheurs doivent rendre des comptes à l’organisation qui les embauche ou qui finance leurs recherches, sans quoi leur poste pourrait être remis en question.
Devenir chercheur

Seulement 20% des titulaires de doctorat obtiennent un emploi de chercheur universitaire.[v],[vi] Voici comment les étudiants intéressés par ce type de carrière peuvent s’y préparer.

  • Lire des articles scientifiques;
  • Acquérir une première expérience (stages)
  • Se différencier des autres étudiants de leur classe en obtenant de bons résultats scolaires, qui sont le principal critère de sélection pour l’octroi d’un stage de recherche d’été et d’une bourse de maîtrise
  • Approchant rapidement les chercheurs qu’ils souhaitent avoir comme superviseurs
  • Faire un stage postdoctoral
  • Cibler les laboratoires qui accueillent les chercheurs les plus éminents. Ce sont eux qui ont plus de facilité à financer de grands projets;
  • Appliquer aux bourses pour le financement de la recherche

Au final, les meilleurs choix sont ceux qui sont faits avec sagesse, en toute connaissance de cause et en respectant ses valeurs et ses intérêts.

Cet article est inspiré du livre Les carrières en sciences – Astuces pour éviter les pièges (2017), de Maxime Bergeron.

Lucie Demers est conseillère d’orientation et directrice éditoriale chez Septembre éditeur, une maison d’édition spécialisée dans les contenus liés à l’orientation et à la carrière. Depuis 2012, elle a contribué au développement de plusieurs livres et outils numériques.

Références

[i] Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES). «Enquêtes Relance», MEES, http://www.education.gouv.qc.ca/references/indicateurs-et-statistiques/enseignement-superieur/enquetes-relance/

[ii] Idem.

[iii] Idem.

[iv] Paquin, G. (2012). «Inscriptions universitaires: le génie minier trouve le bon filon», La Presse, http://affaires.lapresse.ca/portfolio/ ingenieurs/201211/08/01-4591617-inscriptions-universitaires-le-genie- minier-trouve-le-bon-filon.php

[v] Braün, D. (2014). «Faire de longues études pour mal gagner sa vie», Radio-Canada, https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/656835/postdoctorants-canadiens-difficultes

[vi] Munro, D. (2015). «Where Are Canada’s PhDs Employed?», Le Conference Board du Canada, https://www.conferenceboard.ca/press/newsrelease/15-11-24/Where_Are_Canada_s_PhDs_employed.aspx