par Érick Beaulieu c.o.

Parmi tous les discours écologiques qu’on entend de nos jours, plusieurs tournent autour des symptômes observables (pollution, disparition d’espèces animales, etc.) et peu sensibilisent au principe de fond qui guide ce regard sur notre monde.

En lien avec l’orientation des personnes, plusieurs discours nous informent (savoirs), peu nous apprennent les principes de fond qui guident une personne à s’orienter heureusement (savoir-être, savoir-devenir) dans ses études ou à travers le marché du travail. Autrement dit, à l’image de l’écologie, peu de discours expliquent comment trouver l’équilibre.

L’écologie dans son sens large

« Le premier principe de l’écologie est que chaque être vivant est en relation continuelle avec tout ce qui constitue son environnement. On dit qu’il y a un écosystème dès qu’il y a interaction durable entre des organismes et un milieu. » (cité de Wikipédia : Écologie). Au fil des millénaires, les espèces animales et végétales qui coexistent sur notre planète se sont taillées une place en fonction de leur capacité à négocier ou non les exigences/contingences de leur environnement. De par leur façon d’actualiser leur nature entre elles et envers les autres, les espèces sont tantôt en état d’équilibre (maintien), tantôt en état de déséquilibre (menacées de disparaître). Je n’entrerai pas dans plus de détails puisque mon but vise surtout à rendre le principe directeur de l’écologie plus évident. Je résumerais donc l’écologie en réitérant l’importance de cette capacité à se maintenir (ou s’orienter) en équilibre durable avec son environnement. Chez les animaux et végétaux, les modes d’adaptation sont implantés dans leurs gènes et sont essentiellement inconscients. Mais qu’en est-il de l’espèce humaine?

L’avènement du choix individuel et ses impacts psychosociaux

Depuis des millénaires, l’être humain s’est d’abord orienté/motivé en fonction de sa survie physique. Ce n’est que depuis quelques générations que la civilisation occidentale assure de façon plus généralisée cette survie physique pour une majorité de sa population. Choisir son travail est un phénomène tellement nouveau dans l’histoire de l’humanité, que ce sont encore les instincts de survie qui continuent majoritairement de guider la façon de trouver sa place ou son équilibre dans la société. On nous invite (voire même contraint) à choisir, mais on ne nous dit pas comment, comme si l’analyse d’une quantité toujours plus grande d’informations allait de soi pour la personne. On ne naît pas avec son livre d’instruction personnel, mais on en possède un pour son grille-pain. Trouvez l’erreur… On s’oriente donc instinctivement au nom de prérogatives de survie (i.e. un choix sécurisant!), négligeant plus ou moins la tâche à accomplir (épanouissante ou pas pour soi), au nom de conditions rassurantes (statistiques de placement ou emplois d’avenir, par exemple).

La révolution industrielle (fin XVIIIe siècle) a vu naître une profonde transformation dans l’organisation sociale de l’espèce humaine. On se promettait alors l’atteinte éventuelle d’une société de loisir, puisqu’on croyait que l’évolution technologique assurerait l’essentiel des besoins de production de la société. Que s’est-il passé pour qu’on passe à côté de ce paradis terrestre annoncé? La consolidation de nos besoins matériels était censée fonder une organisation sociale axée sur l’épanouissement de l’individu. À la place, nous nous retrouvons face à une progression toujours plus fulgurante du phénomène de burnout : LA maladie occidentale du XXIe siècle selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Les preuves sont faites, l’écosystème social de l’Homme est en train de compromettre l’écosystème de la biosphère. Pourquoi autant de déséquilibres? Nous maîtrisons notre environnement physique à coups de prouesses technologiques comme jamais dans l’Histoire, mais nous n’arrivons pas à fonder un écosystème durable entre nous. Croissance économique oblige, nous semblons avoir perdu les pédales face à notre rythme de consommation, moteur psychosocial de l’homo-consommateur, partie prenante d’une consommation avide qui aveugle son besoin d’équilibre avec le monde qui l’entoure. Je vous propose une vision où l’acte orientant aide à rétablir une saine contribution entre la personne et son environnement.

L’acte orientant ou le cœur de notre expertise

Qu’est-ce que l’acte orientant? Phénomène découlant de l’ère industrielle, il a surtout impliqué une concordance à sens unique, entre les besoins du marché et les profils d’individus. Relisez ici l’ordre dans lequel je viens de les mettre. C’est là que repose le problème. Cet ordre (système > personne) est à l’origine du désordre actuel. Est-ce que l’économie est au service de l’Homme ou est-ce que l’Homme est au service de l’économie? Avouez que les médias véhiculent nettement l’impression que nous sommes à la seule merci de l’économie, comme si c’était une loi de la nature, indépendante de l’Homme. Un système doit être au service de la personne pour qu’il soit écologique ou viable.

Jusqu’à quel point orientons-nous d’abord nos clients en fonction des contingences de l’environnement? Prenons-nous un temps de qualité pour d’abord puiser en eux leur raison d’être, afin de la mettre au service de la société et l’économie? Sommes-nous si serviles de nos structures d’appartenance que nous avons perdu de vue le principe écologique ou d’équilibre qui guide toutes les espèces vivantes? Sommes-nous là pour prendre le temps de réanimer/réhabiliter ce qui habite nos clients, pour les aider à l’actualiser dans la société? Sommes-nous d’abord au service d’une logique extérieure aux personnes, prioritairement liée aux systèmes pour qui nous travaillons? Ce positionnement de l’acte orientant est crucial si nous souhaitons devenir des agents de changements, en vue d’une meilleure congruence, d’un équilibre plus satisfaisant entre « être » et « faire ». Conjuguer « avoirs » et « être », ça vous dit quelque chose? Voulons-nous être des tuteurs écologiques ou des techniciens de systèmes?

Positionner la vision orientante au nom d’une vision écologique

Si nous choisissons de canaliser l’acte orientant vers cette optique écologique, où la personne est coachée à se redécouvrir pour donner un meilleur sens à son projet (scolaire/professionnel), nous contribuons à rétablir un meilleur équilibre individu-société, à une meilleure santé sociale. Nous positionnons alors l’acte orientant comme étant préventif à bien des maux psychosociaux, puisque le travail et les études prennent une place centrale dans nos vies. L’acte orientant devrait toujours avoir comme fil conducteur l’éveil à une activité professionnelle aimée, en soi. La confusion entre tâches souhaitables et conditions recherchées se doit d’être clarifiée avec nos clients. Amener la personne à redécouvrir la conjoncture des facteurs extrinsèques et intrinsèques qui pointe une activité professionnelle sur mesure (ou s’en rapprochant) ne peut faire autrement que rétablir un meilleur équilibre pour la personne et son environnement.

Pour prendre un exemple de non rectitude politique, la personne qui souhaite travailler dans l’industrie forestière par amour pour la nature sera peut-être plus soucieuse d’améliorer les méthodes d’exploitation de la forêt, dans une optique plus durable. Celle qui s’orientera là d’abord parce qu’on y fait plus d’argent, risquera de s’attarder plus impersonnellement/machinalement à son activité professionnelle. On aurait aussi pu prendre des exemples dans l’industrie minière, du nucléaire, etc. Il ne s’agit donc pas d’aider les personnes à s’orienter en fonction de repères écologiquement acceptables (comme le suggérait un article paru dans la revue de l’Association Internationale d’Orientation Scolaire et Professionnelle (erickbeaulieu-co.com/articles/orientation_ecolo.pdf). Il s’agit plutôt d’aider la personne à identifier des facteurs (extrinsèques comme intrinsèques) potentialisant pour ses atouts personnels, qui aura un impact écologique en soi, puisque le lien qui en découlera optimisera la contribution de la personne à son environnement.

La vertu écologique d’aimer son activité professionnelle

Lorsqu’une personne aime fondamentalement son activité professionnelle (versus prioriser ses conditions de travail; sécurisantes avant tout), cela ne peut faire autrement que générer une amorce d’écosystème dans son environnement de travail. L’énergie d’amour pour son activité contamine positivement les fruits du travail (un produit ou un service), ainsi que potentiellement, les relations avec les collègues, le patron et les clients qui gravitent autour.

Le problème avec le monde du travail est qu’une majorité de personnes s’y retrouvent d’abord au nom de l’apport d’un revenu et de conditions les sécurisant. Une personne qui n’adhère pas aux tâches qu’elle doit accomplir au quotidien mise davantage sur le dédommagement financier (ou autre) pour le travail accompli. C’est ce que Karl Marx appela l’aliénation lorsqu’il analysa le rapport au travail des travailleurs d’usines au début de la révolution industrielle, vers le milieu du XIXe siècle. Contrairement au stéréotype, pas besoin d’être sur une chaine de montage pour participer à cette logique d’aliénation, où dédommagements pour service insignifiant rendu est la seule raison d’être au travail. J’ai d’ailleurs déjà rencontré un médecin aliéné, qui n’aimait pas faire son travail : ça paraît quand on rencontre quelqu’un qui n’aime pas ce qu’elle fait, ça se sent. L’importance de discuter les enjeux de cette logique d’aliénation avec nos clients est un devoir incontournable pour moi. Cela dit, un travailleur d’usine sur une chaine de montage peut aussi véritablement aimer son travail, puisqu’il n’existe pas de travail aliénant en soi. L’aliénation serait donc relative à soi dans cette optique : localisée là où la tâche ne fait pas de sens pour soi et non pas dans une tâche en soi.

Tiré de Wikipédia : aliénation « … dans le monde capitaliste, le travailleur vend sa force de travail … En ce sens, le travail humain étant assimilable à celui de la machine, le risque est grand pour que le gestionnaire de la production considère l’homme comme un rouage parmi d’autres, comme une pièce interchangeable. En conséquence, il s’instaure un climat aliénant lorsqu’une activité humaine est dépossédée de sa finalité immédiate… Une conséquence immédiate du fait que l’homme est rendu étranger au produit de son travail : l’homme est rendu étranger à l’homme. (Karl Marx) ».

Pas besoin d’adhérer au communisme pour constater ce principe autour de nous! Questionnez autour de vous pour découvrir ce qui motive d’abord les personnes à accomplir le travail qu’elles font : vous risquez de démasquer une partie de l’équation responsable de la dégradation de notre planète. Quand on travaille d’abord pour des conditions, pour engraisser ses avoirs, au dépend du qui suis-je, on évite de prendre conscience de l’insignifiance de ce que l’on fait. On participe alors à une logique qui (dé)compense par la consommation (l’opium du peuple moderne, qui remplace la religion), qui garde le citoyen bien engourdi dans ses « faires à croire ». Car c’est en monnayant sa vraie valeur que la personne évite de pervertir/déséquilibrer son rapport au monde du travail. N’est-ce pas justement au nom de cette déconnexion de sens au travail accompli que nos clients viennent surtout nous consulter? Quelqu’un qui ne se retrouve pas dans ses études ou son activité professionnelle, via l’actualisation de ses atouts, qui se retrouve seulement dans un salaire ou d’autres conditions, ne respecte pas son écologie terrestre. Et quand notre vie est basée sur un non-respect de soi, on risque de perdre de vue le respect de l’autre et/ou de son environnement. Constatez-vous cette tendance comportementale autour de vous… sur la planète?

À nous de s’orienter

Peu importe où nous œuvrons, l’urgence de s’atteler sur le cœur de notre expertise ne fait plus l’ombre d’un doute. Voulons-nous être des guides vers ce mieux-être, définissant ainsi l’orientation dans une optique de santé publique? Avons-nous le goût de participer à notre remise en forme écologique? Voulons-nous continuer à justifier un système ou souhaitons-nous contribuer à rétablir un écosystème?

Passionné pour la profession de conseiller d’orientation depuis 1995, Érick travaille actuellement en pratique privée (http://www.erickbeaulieu.co) et pour l’Université de Montréal (http://www.umontreal.ca/). Il est également administrateur au bureau de l’Ordre des c.o. (OCCOPPQ), membre du conseil d’administration d’Orientaction et co-fondateur (1997) du groupe de discussion virtuel COinternet.