Les efforts pour encourager les filles et les femmes à poursuivre une carrière technique ne se reflètent pas dans la réalité du marché du travail

Par Rachel Morgenstern-Clarren

Nous vivons une période intéressante pour les femmes qui œuvrent dans le domaine des STIM (sciences, technologie, ingénierie et mathématiques). Il reste cependant encore beaucoup d’obstacles à surmonter avant que de véritables changements systémiques puissent faire en sorte que les femmes soient traitées de manière égale. Quelle est la situation actuelle des femmes dans les STIM au Canada? Quels sont les défis et les solutions? Et qu’est-ce qui peut être fait pour changer le statu quo?

Aperçu de la situation actuelle des femmes dans les STIM au Canada

Bien qu’il y ait eu de nombreuses initiatives destinées à encourager les filles et les jeunes femmes à poursuivre une carrière technique, et qu’il existe des programmes et des organismes qui défendent les femmes dirigeantes, une étude menée par le Center for Creative Leadership révèle que ces investissements ne se reflètent pas dans la réalité du milieu de travail. En effet, très peu de femmes sont nommées ou promues à des postes de direction dans les STIM[1]. Dans l’ensemble, le taux d’abandon est plus élevé chez les femmes que chez les hommes dans les STIM[1]; cela est particulièrement vrai dans le secteur technologique, où le taux d’abandon des femmes (41 %) est plus du double de celui des hommes (17 %)[1]. De plus, plutôt que de passer à des postes d’un niveau hiérarchique supérieur à mesure qu’elles acquièrent de l’expérience, beaucoup de femmes finissent par se retrouver à des postes en gestion de projet et en marketing. Cette situation représente une perte pour les entreprises œuvrant dans le domaine des STIM et il faut y remédier.

Fruit d’une collaboration entre l’organisme de Toronto #MovetheDial, MaRS et PwC Canada, le rapport Where’s the Dial Now? (2017), pour lequel plus de 900 sociétés canadiennes du secteur de la technologie ont été sondées, a confirmé l’inégalité entre les sexes dans ce secteur. Seulement 5 % des sociétés canadiennes du secteur de la technologie avaient une femme chef de la direction, et seulement 13 % des membres de la direction étaient des femmes; 53 % des sociétés du secteur de la technologie ne comptaient aucune femme parmi leurs dirigeants, et les femmes occupaient seulement 8 % des rôles d’administrateurs. De plus, 73 % des conseils d’administration de ces sociétés ne comptaient aucune femme; 70 % des sociétés de capital de risque qui financent les nouvelles entreprises du secteur de la technologie ne comptaient aucune femme parmi leurs associés; et les femmes représentaient seulement 12 % de tous les associés. Bien que cette étude portait uniquement sur le secteur de la technologie, les tendances sont malheureusement similaires dans tous les domaines liés aux STIM. Par exemple, selon une analyse des données du U.S. Census Bureau effectuée par le PEW Research Center, les femmes représentent 75 % des professionnels et techniciens de la santé, mais seulement 25 % des professionnels de l’informatique et 14 % des professionnels de l’ingénierie[1].

« … dans le secteur technologique, le taux d’abandon des femmes est plus du double de celui des hommes. »

Aperçu des difficultés vécues par les femmes dans les STIM

Différentes études ont été menées au cours des dernières années pour déterminer pourquoi les chiffres de la fidélisation et de la promotion des femmes dans les STIM sont si bas, dans l’espoir d’amener les sociétés à s’attaquer aux causes du problème. Des études révèlent plusieurs facteurs expliquant pourquoi les femmes quittent leur emploi ou sont incapables d’accéder à des postes de direction.

Au nombre des problèmes les plus courants liés à la culture d’entreprise, on compte la disparité salariale, le manque de mentorat et d’encadrement, le préjugé sexiste implicite, les congés de maternité non payés et le manque de souplesse relativement aux engagements externes, surtout familiaux[1]. Beaucoup de femmes finissent par changer d’entreprise pour pouvoir gravir les échelons ou par quitter complètement le domaine. Les entreprises doivent agir plus rapidement pour favoriser un milieu de travail inclusif, axé sur la collaboration, où les femmes sentent qu’elles sont libres de trouver de nouvelles idées et de les mettre à l’essai en toute sécurité.

Solutions pour fidéliser les femmes et améliorer leur accès à des postes de direction dans les STIM

Les problèmes expliquant pourquoi les femmes dans les STIM quittent leur emploi ou ne parviennent pas à gravir les échelons de la haute direction sont complexes et interreliés, tout comme les solutions. Il existe cependant quelques mesures simples que peuvent adopter les entreprises pour améliorer la culture du milieu de travail pour les femmes et contribuer à renverser ces tendances.

Au bureau, les employeurs peuvent fournir à leurs employées des occasions d’obtenir du mentorat et d’être encadrées par leurs pairs – reconnaissant leur talent et leur potentiel en investissant dans leur perfectionnement professionnel[1]. Tant le mentorat que l’encadrement par les pairs offrent un contexte sûr pour l’échange, le perfectionnement et l’apprentissage mutuel, ce qui profite non seulement aux femmes, mais aussi à l’entreprise[1].

À l’extérieur du travail, les femmes accordent souvent beaucoup d’importance à la capacité de poursuivre des intérêts personnels ou de consacrer plus de temps à leur famille. Dans le cas des employées ayant des enfants, l’employeur peut investir dans leur avenir professionnel en leur fournissant un congé de maternité payé, ainsi que des options de services de garde améliorées (et plus nombreuses) pour alléger leurs préoccupations financières tout en leur permettant d’avoir plus de temps et d’énergie à consacrer à leur carrière[1].

YES, un organisme à but non lucratif voué au développement des affaires et de la carrière des Québécoises et Québécois, a mis sur pied ces sept dernières années divers projets de promotion du recrutement, de la fidélisation et de l’avancement des femmes dans les STIM. Son projet Women in Tech (Les femmes en technologie), mené de 2012 à 2015, avait pour objectif d’appuyer et d’encourager les femmes désirant percer dans le secteur technologique, grâce à des séances d’encadrement, des mentorats, des stages et des ateliers.

Un nouveau projet de YES, Systemic Change: Advancing Women in STEM (Le changement systémique : faire progresser les femmes dans les STIM), vise à améliorer la compréhension des systèmes et des pratiques institutionnelles qui touchent les femmes dans les STIM; à donner accès à des stratégies, des outils et des cadres favorisant la promotion et la fidélisation des femmes dans les STIM; et à promouvoir des initiatives internes de soutien aux employées et d’influence sur leurs organisations pour contrer le préjugé sexiste.

Ce ne sont que deux des projets par lesquels YES tente de mobiliser les employés et les cadres à l’échelle du pays pour améliorer la situation des femmes dans les STIM.

Pourquoi les femmes donnent un avantage concurrentiel aux entreprises des STIM

Un milieu de travail diversifié est le reflet du monde diversifié dans lequel nous vivons. Les femmes sont elles-mêmes des clientes qui ont une perspective unique et diversifiée sur tout projet – sans mentionner que les équipes dirigées par des femmes tendent à être plus précises et à manifester un plus grand souci du détail[1], ce qui signifie qu’elles sont plus efficaces et plus productives. En résumé, embaucher et fidéliser les femmes dans les STIM est non seulement la bonne chose à faire, mais la chose intelligente à faire, pour toutes les entreprises canadiennes évoluant dans ce domaine.

Auteure, traductrice et rédactrice, Rachel Morgenstern-Clarren est titulaire d’un baccalauréat ès arts de l’Université du Michigan et d’une maîtrise en beaux-arts de l’Université Columbia. Originaire de Cleveland, en Ohio, elle vit à Montréal.

Références

[i] Leadership Development Training for Women in STEM Careers, www.ccl.org/blog/leadership-development-training-women-stem-careers/

[ii] Ibid.

[iii] Women in Tech: The Facts (NCWIT), https://www.ncwit.org/sites/default/files/resources/womenintech_facts_fullreport_05132016.pdf

[iv] 7 facts about the STEM workforce, http://www.pewresearch.org/fact-tank/2018/01/09/7-facts-about-the-stem-workforce/

[v] The Leadership Lab for Women: Advancing and Retaining Women in STEM through Professional Development, www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5737089/

[vi] Retaining Women in STEM Careers: Graduate Students as the Building Blocks of Change (NSF), www.nsf.gov/news/special_reports/gradchallenge/images/winners/entries/second-place-parasite-ladies.pdf

[vii] The Leadership Lab for Women: Advancing and Retaining Women in STEM through Professional Development, www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5737089/

[viii] How to Level the Playing Field for Women in Science, toolsforchangeinstem.org/how-to-level-the-playing-field-for-women-in-science/

[ix] The Competitive Advantage: A Business Case for Hiring Women in the Skilled Trades and Technical Professions (Status of Women Canada), https://cfc-swc.gc.ca/abu-ans/wwad-cqnf/bc-cb/index-en.html