S’intégrer et se maintenir en emploi avec une maladie dite invisible
Problématique
Imaginez-vous vivre avec de la douleur, des étourdissements, de la confusion, de l’euphorie et aussi vous sentir irritable, et ce, de façon cyclique pour toute votre vie ou une période de celle-ci (Comité de classification des céphalées, 2018). Vivre avec un mal qui est peu connu, un mal que personne dans votre entourage ne semble comprendre. Au mieux, on vous conseille de prendre de l’acétaminophène et d’attendre que cela passe. On confond malheureusement un simple mal de tête (céphalée) avec la condition de migraine chronique (Leroux, 2015) qui est une maladie invalidante (Donnet, 2018). Elle touche près de 8,3% de la population Canadienne âgée de plus de 15 ans (Ramage-Morin et Guilmour, 2014). Elle est considérée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS; 2016) comme étant la 7e cause d’invalidité dans le monde. Cette condition de santé causerait une perte de 25 millions de jours/an de travail ou scolaire au Royaume-Uni (OMS, 2016). S’il est aisé de trouver des données pharmaceutiques ou statistiques sur l’absentéisme et le présentéisme au travail des personnes vivant avec une condition de migraine chronique, trouver des données sur le vécu professionnel de ces personnes s’avère une tâche plus ardue. L’objectif de cette étude réalisée dans le cadre d’un mémoire en science de l’orientation à l’Université Laval est de mieux comprendre l’expérience vécue au travail des personnes atteintes de migraine chronique et les dimensions qui influencent les choix professionnels, l’intégration au travail et le maintien en emploi.
Méthodologie
Dans le cadre de cette recherche, 8 personnes actuellement en emploi (âgées entre 20 et 65 ans), ayant reçu un diagnostic de migraine chronique il y a plus de 5 ans ont été rencontrées pour participer à une entrevue individuelle de recherche qualitative. Les entrevues ont été transcrites, codifiées, puis analysées selon la méthode de l’analyse thématique de Paillé et Mucchielli (2021).
Résultats
Les résultats préliminaires démontrent que le choix de la profession a été fait sans considération pour la maladie. Or, l’arrivée sur le marché du travail présente quelques défis pour cette population : des rapports aux collègues difficiles en lien avec une incompréhension de la condition de santé pour certaines personnes, des effets secondaires liés à la médication ou aux symptômes de la maladie qui impactent le travail (par exemple : tremblements, discours décousu, photosensibilité), la dynamique travail et phases de la migraine, ne sont que quelques éléments soulevés par ces personnes. Ces différents impacts amènent ces personnes à centraliser leur condition de migraine chronique dans leur vie (personnelle et professionnelle) afin de se maintenir en emploi. Ce changement amène certaines personnes à se réorienter dans un environnement qui est plus en adéquation avec leur autogestion de la maladie.
Discussion
Cette condition de santé impacte le vécu professionnel de la personne qui doit naviguer entre crise de migraine, intégration au travail, maintien en emploi, dévoilement ou non-dévoilement du diagnostic et mener un combat pour avoir sa place dans la sphère professionnelle. Combat avec les autres, mais aussi avec soi-même. Un combat pour la compréhension de la dynamique de la migraine chronique avec toutes les sphères de vie. L’acceptation des deuils et tenter de gérer sa maladie avec toutes les exigences provenant du marché du travail, mais aussi le respect de soi, de la reconnaissance de ses limites et le souhait de se développer professionnellement, sur un continuum parfois chargée d’émotions. L’ensemble des participants à la présente étude ont soulevés qu’ils ont besoin d’une ressource professionnelle afin de les aider à s’intégrer et se maintenir en emploi dans un contexte d’un vécu avec la migraine chronique.
Daniel Trudel est étudiant à la maîtrise en sc. de l’orientation recherche et intervention avec mémoire à l’école de counseling et orientation de l’Université Laval sous la direction de Mariève Pelletier. Ses sujets d’intérêts sont notamment : réadaptation, maladie chronique, migraine chronique, l’équité et l’intégration et maintien en emploi.
Références
Comité de classification des céphalées (ICHD3). (2018). Société international des céphalées : La classification internationale des céphalées (3è edition) https://ichd-3.org/wp-ontent/uploads/2019/06/ICHD3-traduction-française-VF-à-publier.pdf
Donnet, A (2018). La migraine chronique : du concept à la prise en charge thérapeutique, Pratique Neurologique. FMC, Volume 9, Issue 2, p.105 – 110 https://doi.org/10.1016/j.praneu.2018.01.014.
Leroux, E. (2015) La migraine : Au-Delà du mal de tête. Les éditions du TRÉCARRÉ. ISBN 978-2- 89568-614-9
Organisation mondiale de la santé (2016). Céphalées https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/headache-disorders
Paillé, P., & Mucchielli, A. (2021). L’analyse qualitative en sciences humaines et sociales-5e éd. Armand Colin.
Ramage-Morin, P., et Guilmour, H. (2014). Prévalence de la migraine chez la population à domicile au Canada. Statistique Canada https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/82-003-x/2014006/article/14033-fra.htm