fountain pen on notebookAutomne 2022

Mot de l’éditrice

Author headshot« Tout le monde a des comportements tellement bizarres! »

Un fil conducteur relie ce sentiment, exprimé dans un article publié dans The Atlantic au début de l’année, et le numéro d’automne de notre magazine Careering qui a pour thème « la reprise, la réflexion et la résilience ».

Lorsque le comité consultatif sur le contenu et l’apprentissage du CERIC s’est réuni au printemps pour choisir le thème de ce numéro, l’un des membres a mentionné cet article pour évoquer l’étrangeté du moment. Le confinement était terminé et, peu à peu, les choses redevenaient normales. Mais, pour beaucoup de gens, quelque chose continuait à clocher.

À cause de l’épuisement et du stress, les gens avaient des comportements inédits. Les travailleurs et travailleuses étaient aux prises avec de nouveaux sentiments concernant leurs plans de carrière et le rôle du travail dans leur vie. Les étudiants et étudiantes avaient du mal à communiquer et à se réintégrer. Les gestionnaires ont dû relever de nouveaux défis en matière de leadership, alors que le désir du personnel de continuer à travailler à distance s’est heurté à l’obligation d’avoir une présence sur place.

« La “nouvelle normalité” n’a rien à voir avec ce que nous imaginions, a déclaré un membre du comité. La perspective prépandémique a disparu et ce qui est normal reste à découvrir. »

« Se remettre rapidement d’une telle situation est impossible. Les gens se sentent donc dépassés », a observé un autre membre, faisant remarquer que deux années de réponse à des crises avaient privé les personnes et les organisations de temps crucial pour réfléchir.

Le thème de notre magazine Careering, « la reprise, la réflexion et la résilience », vise à tenir compte de cette réalité complexe. Il reconnaît que la normalité se recrée au fur et à mesure, et qu’elle n’est pas nécessairement comme nous l’avions imaginée.

Nous avons donc demandé à des collaborateurs de réfléchir à la manière dont le domaine du développement de carrière peut s’adapter à la situation actuelle et se préparer pour l’avenir.

Voici quelques perles de sagesse transmises par les collaborateurs dans ce numéro :

  • Les soins personnels ne guérissent pas l’épuisement professionnel.
  • Trouver des possibilités dans l’incertitude est essentiel pour se préparer aux défis futurs.
  • Il faut sortir de sa zone de confort pour creuser la surface en matière de racisme au travail.
  • Il n’existe pas de modèle de travail unique.
  • Une crise professionnelle peut cacher une occasion en or.

Au minimum, rappelez-vous que nous avons connu notre lot d’épreuves. C’est correct d’avoir des comportements bizarres.

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Careering

Le paradoxe du déficit de compétences

Les petites et moyennes entreprises du Canada disent qu’elles sont confrontées à un manque de compétences. Alors, pourquoi n’investissent-elles pas dans les talents?

Malika Asthana

Author headshotLes compétences ne sont pas éternelles, mais nombre de nos modèles actuels de développement des compétences partent du principe qu’elles le sont. Comme les besoins en compétences évoluent parallèlement aux progrès technologiques rapides et aux changements démographiques, les employeurs devront réfléchir à la manière de maintenir les compétences de leurs employés à jour – et nos systèmes d’apprentissage doivent également s’adapter. Cela est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit de petites et moyennes entreprises (PME) qui soutiennent des millions d’emplois. Mais sont-elles bien armées pour le faire?

Pour mieux comprendre la dynamique à laquelle sont confrontées les PME pour soutenir les employés dans l’apprentissage tout au long de la vie, D2L a demandé à Innovative Research Group de réaliser deux sondages auprès des employeurs et des employés. Axée sur les PME comptant de 20 à 499 employés, cette nouvelle étude donne un aperçu de l’état actuel de l’apprentissage tout au long de la vie dans les PME aux États-Unis et au Canada et révèle des lacunes importantes que les employeurs et les décideurs doivent combler.

Ce qui se passe avec les PME

L’étude de D2L montre que les PME canadiennes sont confrontées à une situation inquiétante lorsqu’elles examinent leurs besoins futurs en matière de talents par rapport à leurs réalités actuelles. Seuls 21 % des décideurs des PME canadiennes déclarent être très confiants dans le fait qu’ils disposeront des compétences et des talents nécessaires à la croissance de leur entreprise au cours des trois prochaines années, contre 47 % des décideurs américains qui sont du même avis. La plupart d’entre eux sont préoccupés par le recrutement et la rétention de talents qualifiés, un pourcentage important de décideurs indiquant qu’il s’agit du défi le plus important auquel ils sont confrontés en matière de ressources humaines, devant les préoccupations concernant la rémunération, l’adaptation à la technologie ou la diversité sur le lieu de travail.

Ces conclusions, qui sont examinées de manière plus approfondie dans le dernier livre blanc de D2L, Enabling Upskilling at Scale: Adapting to Meet the Needs of the Working Learner (Favoriser l’amélioration des compétences à grande échelle : s’adapter pour répondre aux besoins de l’apprenant actif), font écho aux résultats d’autres sondages récents sur le manque de compétences. Par exemple, huit cadres canadiens sur dix (81 %) interrogés par le CERIC à la fin de 2021 ont déclaré qu’il était difficile de trouver des travailleurs qualifiés – et plus de la moitié d’entre eux ont attribué cette difficulté à la recherche de personnes possédant les bonnes compétences.

Les résultats de l’étude de D2L confirment qu’il existe un décalage fondamental entre les besoins des employeurs des PME (c’est-à-dire des employés qualifiés) et ce qu’ils obtiennent avec leurs stratégies actuelles de formation et de développement.

L’inadéquation des compétences

Avec des budgets réduits, de nombreuses PME ont du mal à créer et à fournir à l’interne des programmes de formation solides et de grande envergure. Une autre solution consiste à aider leurs employés à suivre une formation en dehors du lieu de travail, mais l’amélioration des compétences ne se fait pas à l’échelle nécessaire.

Seulement 34 % des PME au Canada et aux États-Unis offrent un soutien financier ou des congés pour la formation dispensée par des fournisseurs externes. Parmi les employeurs qui l’offrent, les budgets de formation des PME canadiennes sont nettement inférieurs à ceux de leurs homologues américaines. Les PME canadiennes sont également moins susceptibles d’embaucher à l’interne pour les nouveaux postes. Lorsqu’on leur a demandé d’indiquer les principaux obstacles qui les empêchent d’investir davantage, les décideurs des PME ont répondu que la formation interne ou l’apprentissage sur le lieu de travail étaient suffisants.

« … il existe un décalage fondamental entre les besoins des employeurs des PME (c’est-à-dire des employés qualifiés) et ce qu’ils obtiennent avec leurs stratégies actuelles de formation et de développement. »

De l’autre côté de l’équation, il y a les employés, qui ont largement déclaré vouloir continuer à apprendre. L’étude de D2L a révélé que 72 % des employés sont intéressés par le développement professionnel en dehors du travail. Ils ont déclaré qu’ils considéraient ces occasions principalement comme des moyens de renforcer leurs compétences, plutôt que comme un moyen d’augmenter leur salaire ou de se qualifier pour une promotion professionnelle. Mais l’accès reste clairement un problème. Plus de la moitié des employés canadiens des PME interrogées ont déclaré ne pas avoir suivi de formation professionnelle au cours des 12 derniers mois. Le principal obstacle – signalé par 43 % des employés canadiens – est le coût financier de la formation.

Les employeurs ont besoin d’options pour aider leurs employés à se perfectionner et à évoluer. Les employés veulent poursuivre leur développement professionnel et apprendre de nouvelles choses. Le coût est un obstacle pour les deux. Quelles options cela laisse-t-il aux PME pour faciliter le développement professionnel qui répond à la fois aux besoins des employeurs et des employés?

L’occasion à saisir

 La formation continue des employés, qui permet d’améliorer le recrutement et la rétention dans les PME, est une responsabilité partagée entre les employeurs, le gouvernement et les établissements d’enseignement supérieur en Amérique du Nord.

Les employeurs doivent d’abord reconnaître le problème qui se pose et réfléchir d’urgence à la manière dont ils vont investir dans le développement des compétences de leur personnel. Compte tenu de la rapidité de l’évolution technologique, les employeurs ne peuvent raisonnablement prévoir toutes les compétences dont ils auront besoin des années à l’avance. C’est pourquoi ils doivent mettre en place des processus qui favoriseront l’amélioration continue des compétences et créeront des réserves de talents pour des emplois qui n’existent peut-être pas. Offrir un soutien financier et des congés aux employés est un investissement essentiel de premier ordre pour les entreprises de toutes tailles. La technologie peut être utilisée pour fournir un accès rapide et facile à l’apprentissage qui s’aligne sur les besoins de l’entreprise ou du secteur, en tirant parti de l’enseignement supérieur et des associations sectorielles pour fournir des formations.

Les professionnels en développement de carrière peuvent également jouer un rôle clé en servant d’intermédiaires entre les étudiants ou les demandeurs d’emploi et les employeurs. Ceux qui assurent la liaison avec les employeurs peuvent préconiser le développement de supports de gestion de carrière pour les employés, ainsi que s’associer aux entreprises pour fournir des ressources ou des formations pour le développement de carrière du personnel. Les professionnels de la carrière travaillant dans le secteur postsecondaire peuvent également encourager les employeurs à s’engager auprès des étudiants en leur offrant des possibilités à valeur ajoutée telles que des programmes d’éducation au choix de carrière.

Pour leur part, les établissements d’enseignement supérieur doivent repenser leur définition de l’apprenant afin de mieux servir les adultes qui travaillent et qui ont besoin d’une formation professionnelle de haute qualité dans le cadre d’horaires et de délais flexibles et plus personnalisés. Ils doivent penser au-delà des heures de crédit et imaginer de nouveaux programmes et partenariats avec les employeurs, les associations et les syndicats pour rendre la formation continue plus accessible.

Il est clair que le gouvernement a également un rôle à jouer, car il doit reconsidérer ses offres de financement pour les PME afin d’accroître la sensibilisation générale et l’admissibilité à la formation et au développement des compétences. Le gouvernement doit également faire entendre la voix des PME dans les consultations et envisager des incitations fiscales pour encourager les employeurs à investir dans les fonds de formation. Enfin, le gouvernement peut également jouer un rôle unificateur essentiel, en rassemblant les parties prenantes et en contribuant à façonner une vision commune du développement de la main-d’œuvre qui garantit que personne ne sera laissé pour compte.

Malika Asthana est responsable de la stratégie et des affaires publiques pour D2L. Elle dirige le développement d’un leadership stratégique, de soumissions de politiques et de propositions pour soutenir, étendre et améliorer les occasions d’apprentissage pour tous les étudiants au Canada. Elle est passionnée par l’établissement de liens entre les disciplines et apprécie les recherches au croisement des espaces politiques – de l’éducation et de l’emploi aux compétences et au développement économique.

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People and clipboard with job candidates list and magnifying glass.Careering

Aider avant d’embaucher : Repenser les stratégies de recrutement postsecondaire des employeurs

Les efforts passifs, tels que les kiosques et les babillards d’emploi, ne suffisent pas à capter l’intérêt des étudiants 

Gena Hamilton et Liana Thompson 

La pandémie de COVID-19 a entraîné des changements dans le marché du travail, les besoins en matière d’embauche et la réactivité des candidats. Parallèlement, la génération Z est de plus en plus présente sur le marché du travail. La concurrence est rude pour recruter des diplômés récents possédant les compétences recherchées afin de pourvoir les postes vacants. Pourtant, de nombreux employeurs continuent d’utiliser des méthodes traditionnelles pour recruter des étudiants de niveau postsecondaire.  

Les employeurs s’attendent à ce que les étudiants cherchent eux-mêmes à soumettre leur candidature pour un emploi et à ce que des interactions ponctuelles suffisent à mobiliser les candidats. Les exemples de pratiques de recrutement conventionnelles sont les kiosques et les babillards sur le campus, les séances d’information et les tableaux d’affichage d’emplois pour étudiants. Ces stratégies sont passives et surtout transactionnelles; ni les employeurs ni les étudiants n’obtiennent ce qu’ils veulent du processus. 

Les intervenants en développement de carrière sont très bien placés pour faire prendre conscience de l’insuffisance des méthodes de recrutement dépassées et pour positionner une organisation comme employeur de choix auprès des étudiants. Par exemple, lors d’un récent salon de l’emploi, un employeur était mécontent de la faible fréquentation de son kiosque. Gena a constaté que cet employeur avait choisi toutes les formes passives d’engagement – attendant des étudiants qu’ils fassent le travail pour prendre contact avec lui. Au cours d’une série de brèves discussions d’encadrement, Gena a aidé cet employeur à voir le lien entre les efforts de recrutement passif et le faible engagement des étudiants, et elle l’a encouragé à s’adresser aux candidats potentiels en adoptant une approche « aider avant d’embaucher ». 

Les attentes des étudiants ont changé 

L’attitude des étudiants envers leurs futurs employeurs n’est plus la même. Liana a récemment sondé les étudiants de l’Université de Fraser Valley sur la question suivante : « Que pourraient faire les employeurs pour vous inciter à postuler à un emploi? » Parmi les réponses attendues, citons les employeurs qui offrent des avantages sociaux, des possibilités de travail à distance et des salaires raisonnables. Cependant, de nouveaux thèmes sont apparus concernant l’attitude des étudiants envers leurs futurs employeurs et leurs attentes à leur égard.  

Les étudiants pensent que les employeurs devraient abaisser leurs exigences en matière de qualifications professionnelles, reconnaître les compétences transférables et se montrer disposés à former le bon candidat. Voici quelques-uns des commentaires recueillis : 

  • « Arrêtez de vous attendre à 27 ans d’expérience avec un MBA pour 17 $ de l’heure » et « Je pense qu’il est important de ne pas exiger uniquement un certain nombre d’années [d’expérience], mais de prendre en considération les compétences transférables et l’expérience de vie, ou le fait que le candidat soit ou non enthousiaste à l’idée d’apprendre! » 
  • « Les travailleurs temporaires sont plus flexibles et possèdent un éventail de compétences plus large. Cela leur permet de s’adapter plus facilement à des rôles pour lesquels on n’aurait peut-être pas envisagé leur candidature au départ. » 
  • « Les employeurs devraient offrir une formation adéquate et ne pas s’attendre à ce que quelqu’un arrive et sache comment ils veulent que les choses soient faites sans le lui montrer. » 

Les services d’orientation professionnelle postsecondaires peuvent aider les employeurs à répondre de manière proactive aux besoins des étudiants. Au cours des discussions d’encadrement, les intervenants en développement de carrière peuvent encourager les employeurs à favoriser une culture de croissance et à adapter leurs attentes en élargissant les qualifications professionnelles, en reconnaissant les compétences transférables et en formant le bon candidat. 

En outre, les candidats potentiels attendent de la transparence, afin d’avoir la certitude qu’ils sont qualifiés pour le poste et que celui-ci leur convient. Les intervenants en développement de carrière peuvent poser diverses questions aux recruteurs :  

  • Avez-vous réfléchi à la façon dont les étudiants vivent votre processus de recherche d’emploi et de recrutement? 
  • Les étudiants ont-ils l’impression d’être bien traités?  
  • Comment avez-vous montré un intérêt authentique pour le développement de carrière des étudiants?  
  • Les étudiants quittent-ils la rencontre en ayant l’impression que votre organisation s’occupera d’eux en tant qu’employés, partage leurs valeurs et sera un lieu favorisant leur croissance? 

Les employeurs doivent se demander si leurs pratiques de recrutement correspondent aux attentes des étudiants, axées sur les personnes, et s’appuyer sur la culture, les valeurs et l’impact sociétal de leur entreprise pour susciter l’intérêt des candidats potentiels. 

Young job applicants in waiting room before interview.
iStock
Établir des liens intentionnels tôt et souvent 

Comment les intervenants en développement de carrière peuvent-ils aider les employeurs à changer leur état d’esprit et à penser différemment à leurs pratiques de recrutement?  

Premièrement, nous pouvons aider les employeurs à reconnaître que tous les étudiants ne sont pas prêts à postuler à un emploi. Il est donc important que les recruteurs utilisent des approches permettant d’établir rapidement des liens et des relations avec leurs futurs travailleurs. Les étudiants progressent à des rythmes différents dans les étapes de préparation au marché du travail. Ils ont des attentes différentes à chaque étape de sensibilisation, de considération et d’intérêt avant d’être prêts à postuler à un emploi. L’exposition répétée à la marque d’un employeur au fil du temps, avec des interactions intentionnelles qui le positionnent comme une ressource pour les étudiants, permet d’aligner les approches de recrutement sur les besoins de ces derniers pour chaque étape de préparation au marché du travail.  

Deuxièmement, une bonne approche de gestion des relations, au lieu de tactiques de vente, permet de créer des liens avec les candidats potentiels. Grâce au mentorat et au soutien, les étudiants peuvent s’imaginer évoluer et réussir chez un employeur. Le secteur de la technologie offre un bon exemple de l’utilisation d’approches axées sur l’étudiant, en faisant participer les clubs et associations d’étudiants à des défis de codage, des marathons d’idées, des rencontres et des espaces de fabrication. De cette façon, il est possible d’aider les étudiants à apprendre des professionnels et à prendre part à une communauté de pratique. Ces approches de recrutement démontrent qu’une organisation est investie dans les étudiants, soutient leurs causes et partage leurs valeurs. De plus, ceux-ci se souviennent des employeurs qui leur offrent des occasions motivantes.  

Troisièmement, les intervenants en développement de carrière peuvent inviter les employeurs à participer à la mise en œuvre de programmes d’éducation au choix de carrière pertinents pour les étudiants. Cette coopération permet aux étudiants d’établir une relation précoce avec les employeurs, tandis qu’ils développent leur préparation au marché du travail et leur confiance pour postuler à des postes.  

Offrir des programmes d’éducation au choix de carrière centrés sur l’étudiant  

Les employeurs doivent faire profiter les étudiants de leur mentorat avant de mettre en valeur leur organisation. Pour devenir une ressource pour la clientèle étudiante, les méthodes à fort impact doivent être prioritaires pour les recruteurs, notamment les entretiens d’information, les discussions sur la carrière, les événements de réseautage rapide, les visites d’organisations sur place, les panels d’employeurs et le soutien aux clubs et associations d’étudiants.  

Au lieu d’organiser des séances d’information traditionnelles sur leur organisation, les employeurs peuvent créer du contenu et proposer des activités attrayantes afin de fournir des conseils sur les carrières dans des domaines qui intéressent fortement les étudiants, notamment des stratégies pour : 

  • surmonter l’impasse du niveau d’entrée;  
  • demander, mener et assurer le suivi d’un entretien d’information;  
  • répondre aux questions d’entrevue comportementale; et  
  • négocier le salaire. 

Les employeurs peuvent également fournir des expériences de première main pour présenter la culture de leur organisation par le biais de programmes d’observation au poste de travail et d’occasions rémunérées d’enseignement coopératif, de stages et de travaux pratiques. Les étudiants acquièrent ainsi des compétences et des expériences, et les employeurs bénéficient d’un regard neuf de la part des étudiants. En outre, grâce aux étudiants travailleurs, les employeurs peuvent bénéficier d’ambassadeurs informels sur le campus pour promouvoir la marque de leur organisation auprès de pairs qui partagent des valeurs communes. Les employeurs peuvent offrir des exemples de transitions professionnelles par le biais d’un contenu intéressant sur les médias sociaux, par exemple en mettant en scène des employés qui sont d’anciens élèves ou des étudiants qui donnent des conseils sur leur carrière.  

Les résultats du sondage auprès des étudiants donnent un aperçu de l’évolution des attitudes et des attentes des nouveaux demandeurs d’emploi. Pour mieux attirer les talents, les employeurs devront peut-être ajuster les exigences des postes, élargir leur champ de recherche et adapter leurs méthodes de recrutement. Les intervenants en développement de carrière peuvent aider les employeurs à passer de l’embauche à l’aide : ils peuvent s’engager dans des activités de recrutement qui sont intentionnelles et axées sur les relations en mettant les étudiants au premier plan. Ces approches « aidantes » permettront aux employeurs d’accroître l’engagement des candidats et le succès du recrutement.  

Gena Hamilton est coordinatrice de l’éducation au choix de carrière à l’Université de Fraser Valley. Elle se passionne pour la conception de l’apprentissage et l’innovation dans l’éducation au choix carrière. 

Liana Thompson est la directrice du Centre for Experiential and Career Education de l’Université de Fraser Valley. Elle est une leader dans le domaine de l’éducation, une stratège et une spécialiste de la formation professionnelle. De plus, elle s’intéresse au leadership communautaire et organisationnel fondé sur des valeurs. 

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La main-d’œuvre immigrante au Canada : Essentielle, mais surqualifiée

Des changements systémiques seront nécessaires pour résoudre les problèmes persistants liés à l’emploi des nouveaux arrivants au Canada

Yilmaz E. Dinc

author headshotLa surqualification est un problème courant et bien connu de la main-d’œuvre immigrante. Toutefois, la pandémie a jeté un éclairage différent sur la question : les produits et services que nous considérons comme essentiels sont également fournis par des immigrants dont le potentiel de talent est sous-utilisé.

Le sous-emploi des immigrants au Canada est ce que nous appelons, au Conference Board, un « problème complexe » qui existe depuis des décennies. De nombreux nouveaux arrivants, en particulier ceux qui n’ont pas de qualifications et d’expérience professionnelle acquises au Canada, et ceux qui ont une expérience dans une profession réglementée, ont beaucoup de mal à trouver un emploi correspondant à leurs compétences. Pour joindre les deux bouts, ils doivent souvent accepter des emplois à faible revenu qui ne font pas appel à toutes leurs compétences.

Le sous-emploi affecte les carrières des immigrants même à long terme – et nulle part ailleurs cet effet n’est plus prononcé que dans les emplois essentiels. Une étude que nous avons menée au Conference Board du Canada l’année dernière a montré que les immigrants constituent un élément primordial de la main-d’œuvre essentielle, puisqu’ils représentent près d’un tiers de tous les travailleurs dans des secteurs tels que la fabrication de produits alimentaires, le transport par camion et les soins infirmiers et résidentiels. Cependant, beaucoup d’entre eux sont surqualifiés pour leur rôle. Par exemple, 28 % des conducteurs de camions de transport nouvellement arrivés ont un baccalauréat, même si leur emploi ne l’exige pas, contre seulement 1,6 % de leurs homologues nés au Canada.

Ce que nous révèlent ces données, c’est que même si de nombreux immigrants effectuent un travail essentiel, les emplois qu’ils occupent ne leur permettent que rarement de développer leur potentiel de talent. Qui plus est, cela limite leurs revenus et affecte négativement leur trajectoire professionnelle. Cet impact négatif est généralement beaucoup plus prononcé pour les femmes et les travailleurs racialisés nouvellement arrivés.

« Le sous-emploi affecte les carrières des immigrants même à long terme – et nulle part ailleurs cet effet n’est plus prononcé que dans les emplois essentiels. »

De plus, ce phénomène ne s’applique pas seulement aux nouveaux arrivants. Parmi les personnes titulaires d’un visa temporaire, plus de 20 % des travailleurs des usines de poisson et de fruits de mer et plus de 30 % des ouvriers de la transformation des aliments et des boissons sont surqualifiés. Au fur et à mesure que nous accueillons davantage de personnes ayant une expérience antérieure au Canada et que nous élargissons nos objectifs en matière d’immigration, la question de la surqualification devient encore plus prépondérante.

L’inadéquation des qualifications n’est pas seulement un problème sur le plan individuel. Le Canada perd jusqu’à 50 milliards de dollars chaque année en raison des écarts en matière d’emploi et de rémunération entre les immigrants – y compris les travailleurs essentiels – et les personnes nées au Canada.

Dans le même temps, cela crée des obstacles pour les employeurs, qui continuent de faire état de difficultés pour attirer et retenir les talents. Les employés qui se sentent surqualifiés pour leur rôle seront probablement moins satisfaits de leur travail et plus enclins à chercher un autre emploi. Il convient de se demander dans quelle mesure les pénuries de compétences pourraient être résolues en faisant mieux correspondre les compétences des immigrants à la demande de main-d’œuvre.

Faire progresser la reconnaissance des titres de compétences

Les causes de la surqualification sont multiples. Malgré des décennies de consultations et d’efforts pour améliorer la reconnaissance des titres de compétences, celle-ci demeure un processus complexe, coûteux et long pour de nombreuses professions réglementées. Toutefois, des mesures prometteuses sont également prises pour faire avancer les choses.

Le gouvernement de l’Ontario a récemment éliminé les exigences en matière d’expérience de travail au Canada pour de nombreuses professions, notamment les électriciens, les ingénieurs et les plombiers. Cette mesure aidera certainement les nouveaux arrivants ayant une formation dans ces professions à trouver des emplois de meilleure qualité. D’autres provinces prendront probablement note des résultats et adopteront une approche similaire.

Toutefois, les récents changements apportés par l’Ontario n’incluaient pas les professions du secteur de la santé, qui demeurent la partie la plus épineuse du problème. Notre rapport a révélé que les aides-infirmiers, aides-soignants et préposés aux bénéficiaires étaient les professions présentant le plus haut degré de surqualification (dépassant les ouvriers agricoles, les chauffeurs de camion et les ouvriers de l’industrie alimentaire).

Les données indiquent que la délivrance de permis aux professionnels de la santé formés à l’étranger devrait être une priorité gouvernementale, tant au niveau fédéral que provincial. Un rapport de l’Université métropolitaine de Toronto datant de mars 2022, par exemple, a souligné la nécessité d’une « stratégie de ressources humaines en santé » en Ontario, qui permettrait de combler les lacunes en matière d’octroi de licences, de trouver des alternatives à l’expérience canadienne et d’améliorer l’accès à la résidence permanente.

Lutter contre les préjugés

Le problème, cependant, ne s’arrête pas à la reconnaissance officielle des titres de compétences. Certaines professions nécessitent une pratique plus poussée, mais sont soumises à des restrictions supplémentaires, comme le nombre réduit de places en résidence pour les médecins formés à l’étranger.

Les préjugés constituent également un problème. Certains employeurs ne tiennent pas compte de la valeur de l’expérience professionnelle et des qualifications acquises à l’étranger. La discrimination à l’égard des diplômes et expériences internationaux, combinée aux préjugés liés à la race, au sexe et à l’origine ethnique, pousse de nombreux nouveaux arrivants à occuper des emplois essentiels difficiles que les personnes nées au Canada ne veulent pas occuper. Les groupes tels que les femmes racialisées nouvellement arrivées se retrouvent face aux défis les plus complexes lorsqu’il s’agit d’obtenir un emploi de qualité.

La voie à suivre

Alors, comment relever le défi de la surqualification? Le problème ne sera pas résolu du jour au lendemain, car les changements systémiques impliquant de multiples acteurs prendront du temps. Outre les mesures prises par le gouvernement pour accélérer l’octroi des permis, les employeurs doivent créer des lieux de travail plus inclusifs qui aident les immigrants à trouver des emplois correspondant à leur niveau de compétences et qui luttent contre les préjugés et la discrimination.

Les employeurs auront également besoin du soutien du gouvernement, des organismes sans but lucratif et du secteur des services d’établissement pour évaluer l’expérience professionnelle et les qualifications obtenues à l’étranger de manière plus efficace et plus objective. C’est particulièrement vrai pour les petites entreprises.

Pour de nombreux immigrants déjà sous-employés au sein du système, il est essentiel de créer et de renforcer la mobilité ascendante et intersectorielle. Il s’agit notamment d’identifier et de développer leurs compétences transférables afin de les aider à accéder à des occasions d’emploi plus adaptées à leurs compétences. Des outils tels qu’OpportuNext pourraient aider à tracer la voie dans cette direction. La requalification et le perfectionnement professionnel peuvent être nécessaires pour les immigrants dont les compétences ne sont plus à jour.

Alors que le gouvernement et les employeurs s’efforcent de relever les défis à l’échelle des systèmes, il sera du ressort des professionnels en services d’établissement et en développement de carrière d’aider les immigrants surqualifiés à rechercher des possibilités d’emploi plus adaptées. Il pourrait s’agir d’identifier les secteurs offrant des perspectives d’emploi croissantes et d’aider les travailleurs immigrants à évaluer et à repenser leurs compétences en conséquence. Les immigrants peuvent également avoir besoin de conseils sur la manière de diversifier leur recherche d’emploi et sur le moment où ils doivent acquérir des qualifications et des formations supplémentaires pour obtenir un emploi correspondant à leurs compétences.

La pandémie nous a montré que le Canada compte beaucoup sur les immigrants pour occuper les emplois essentiels, mais beaucoup de nouveaux arrivants ne devraient pas occuper ces emplois pour commencer. Nous ne pouvons pas nous permettre d’ignorer le défi de la surqualification si nous voulons que l’immigration fonctionne mieux pour tous.

Yilmaz E. Dinc, PhD, est associé de recherche principal pour le domaine de connaissances sur l’immigration au Conference Board du Canada. Il compte une dizaine d’années d’expérience en recherche appliquée, et il travaille passionnément en faveur de l’inclusion, afin de stimuler la réflexion sur l’immigration. Auparavant, il a travaillé comme directeur de la recherche et de l’évaluation au Toronto Region Immigrant Employment Council et au centre mondial du secteur privé du Programme des Nations Unies pour le développement.

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Un outil d’orientation pour atteindre de meilleurs résultats en matière de développement de carrière

Quel que soit le programme offert ou la matière enseignée, les apprenants cherchent des solutions afin que leurs expériences se traduisent en un avenir meilleur

Mark Franklin, Rich Feller and Lisa Bauman

Author headshotsOn dit souvent que l’expérience est le meilleur professeur. Cependant, comme le philosophe John Dewey l’a fait observer de manière plus juste : « Nous n’apprenons pas de notre expérience, mais de la réflexion suscitée par notre expérience. »

Des intervenants de partout au Canada ont confirmé cette conviction dans le cadre du projet financé par le CERIC intitulé La valeur du développement de carrière dans un cadre d’apprentissage par l’expérience, dirigé par OneLifeTools. À tous les niveaux, les concepteurs d’apprentissage par l’expérience recherchent des pratiques et des outils de réflexion pour relier l’apprentissage par l’expérience et les résultats de développement de carrière.

Quel que soit le programme offert ou la matière enseignée, les apprenants cherchent des solutions afin que leurs expériences se traduisent en un avenir meilleur. Les récits qui présentent des atouts essentiels à la réussite professionnelle et personnelle sont un résultat important de l’apprentissage intégré au travail.

Heureusement, nos intervenants ont mis en commun leurs meilleures pratiques en complément d’une recherche documentaire, d’une analyse contextuelle, d’entrevues avec des informateurs clés et d’un sondage, afin de créer un centre de ressources que nous avons appelé Wayfinder. Cet outil numérique permet aux intervenants – et à d’autres « créateurs » de la pratique réflexive tels que les superviseurs en milieu de travail – de trouver des ressources pertinentes en matière de pratique réflexive, afin d’exploiter la valeur du développement de carrière dans leurs programmes d’apprentissage par l’expérience. Bien que l’outil soit en anglais, il contient également des ressources en français.

Réflexions : Avant, pendant et après

Les apprenants évaluent intérieurement leurs expériences avant, pendant et après celles-ci. Ils rassemblent des images d’eux-mêmes, donnent un sens aux rétroactions verbales et non verbales, et se lancent dans des discours intérieurs sur les possibilités et les obstacles sur leur chemin. Ces monologues intérieurs contiennent des informations importantes qui doivent être clarifiées par la pratique réflexive. Si elles sont prises en considération, ces informations peuvent venir éclairer la prise de décision de l’apprenant et l’orienter dans la bonne direction.

« La pratique réflexive est un examen volontaire, actif et critique de ses expériences, tant positives que négatives, et de soi-même. »

Nos informateurs clés, composés de dix-neuf intervenants et leaders d’opinion de partout au Canada, nous ont apporté des réponses pour nous aider à décrire la façon dont la réflexion peut être comprise.

Il n’existe actuellement aucune définition convenue de la pratique réflexive. Cependant, les éléments communs qui sont ressortis de nos discussions nous mènent à proposer la définition suivante :

La pratique réflexive est un examen volontaire, actif et critique de ses expériences, tant positives que négatives, et de soi-même (Thejll-Madsen, 2018). C’est un outil qui permet à la théorie et à la pratique ou à l’expérience de se renforcer mutuellement en permanence (Thompson et Thompson, 2008).

Le point de vue d’étudiants révèle les possibilités de croissance liées à cette pratique

Des étudiants de notre groupe de discussion affirment avoir vécu leur meilleure expérience de réflexion dans le cadre de conversations individuelles avec des superviseurs en milieu de travail et des membres du personnel du secteur postsecondaire. Ces conversations leur ont permis de se poser des questions plus approfondies et plus nuancées qui ont soutenu « l’apprentissage transformateur » que promet une pratique réflexive de qualité.

La pratique réflexive leur a également apporté une plus grande liberté et un sentiment de sécurité accru leur permettant de faire preuve de sincérité dans leurs commentaires.  Certains étudiants, qui n’avaient pas recours à des outils de réflexion significatifs et bien structurés, ont fait part de leur scepticisme à l’égard de certaines activités :

  • Ils ne veulent entendre parler que d’expériences positives, mais la mienne n’a pas été entièrement positive. J’ai laissé de côté les aspects négatifs.
  • Comment puis-je être honnête lorsque l’école transmet mes réflexions à l’employeur? Je dois mentir pour ne pas nuire à mes chances qu’il m’embauche ultérieurement.
  • La tâche consistait à écrire 1 000 mots sur l’expérience, sans aucune autre consigne. Je ne connaissais pas leurs attentes.

Ces commentaires qui donnent à réfléchir soulignent la nécessité pour les intervenants de communiquer à leurs étudiants des outils qui fonctionnent et qui peuvent leur être utiles. En effet, les intervenants peuvent offrir à leurs étudiants une feuille de route qui les mènera à des résultats plus riches en les aidant à prendre conscience du pouvoir de la pratique réflexive, à acquérir les compétences requises pour l’utiliser et à découvrir des notions menant à un apprentissage plus approfondi.

Le point de vue d’intervenants sur la pratique réflexive

Nous avons mené un sondage auprès d’intervenants (n=72) sur l’intégration des objectifs de développement de carrière ou des résultats escomptés de celui-ci dans la pratique réflexive. Les deux tiers des intervenants ont répondu que les apprenants étaient invités à déterminer leurs propres objectifs, et la moitié d’entre eux que leurs programmes s’accompagnaient d’objectifs de développement de carrière explicites. Certains répondants ont affirmé qu’ils demandaient aux apprenants de déterminer leurs compétences à partir de listes ou de cadres, comme les compétences qui favorisent la préparation à la carrière de la National Association of Colleges and Employers (NACE).

Lorsque nous leur avons demandé de décrire la pratique réflexive intégrée plus largement dans leurs programmes, 76 % des répondants ont indiqué qu’ils utilisaient une approche autonome structurée par des questions et des incitations à la réflexion, telles que les suivantes : « Quelles compétences avez-vous acquises? Comment celles-ci ont-elles influencé vos objectifs de carrière? Que pensez-vous de ce que vous avez appris? »

D’autres intervenants utilisaient diverses approches, notamment des rencontres individuelles avec les employés, les membres du corps professoral, les superviseurs ou les employeurs pour pratiquer la réflexion, des ateliers de groupe, des discussions en classe et des réflexions autonomes, ouvertes et non structurées.

Lorsque nous leur avons demandé quels étaient les obstacles à la pratique réflexive, 68 % ont répondu le manque de temps du personnel ou du corps professoral, 47 % la capacité, la volonté ou la motivation limitées des apprenants à utiliser la pratique réflexive et 35 % un budget comprimé.

Quant aux raisons de ces obstacles, les réponses ont été les suivantes : Le manque d’accès à une gamme de questions et d’amorces pertinentes à la pratique réflexive qui peuvent être adaptées à des scénarios d’apprentissage par l’expérience ; l’adhésion restreinte des membres du corps professoral et de l’administration de l’établissement ; et le manque de formation sur la pratique réflexive donnée aux intervenants.

Pour surmonter certains de ces obstacles, les intervenants ont cherché à perfectionner leurs compétences et leurs connaissances afin de savoir comment :

  • Mieux motiver et inciter les apprenants à utiliser la pratique réflexive ;
  • Déterminer si les ressources de pratique réflexive sont utilisées efficacement ;
  • Créer une gamme de questions et d’amorces à la pratique réflexive qui peuvent être adaptées à de multiples scénarios d’apprentissage par l’expérience.
En route vers des solutions et de meilleurs résultats

Nous avons demandé aux répondants si un outil permettant de faciliter la recherche de ressources pertinentes leur serait utile en tant qu’intervenants : 90 % ont répondu par l’affirmative.

En réponse à ce que nous avons appris, nous avons rédigé l’énoncé d’une solution, dont voici un extrait : « Diriger les intervenants (créateurs) vers des ressources qui soutiennent leurs programmes ou leurs cours afin de créer ou d’améliorer la pratique réflexive sur l’apprentissage par l’expérience, et d’élargir la portée du développement de carrière. »  (Pour obtenir l’énoncé complet de la solution et les résultats du sondage, consultez le rapport de projet.)

Ensuite, nous avons créé une base de données en ligne, facilement consultable, que nous avons appelée Wayfinder. Elle comprend plus de 300 ressources de pratique réflexive (dont plus de 50 en français) liées au développement de carrière. Nous avons également créé un guide pour les intervenants intitulé Maker’s Audit & Guide (Outil de vérification et guide du créateur), offert en version anglaise sur le site, pour aider à clarifier les lacunes de la pratique réflexive et les besoins liés au développement de carrière, et pour optimiser l’utilisation de l’outil Wayfinder.

Vous aimeriez en savoir plus? Consultez l’enregistrement du webinaire gratuit du CERIC et de OneLifeTools intitulé « How Experiential Learning Supports Career Development Through Reflective Practice » (Comment l’apprentissage par l’expérience soutient le développement de carrière par la pratique réflexive).

Mark Franklin est cofondateur de OneLifeTools, chef des services professionnels à CareerCycles, coauteur du jeu primé Who You Are Matters! et enseignant à l’Université de Toronto. Il est également conseiller en matière d’intégration de la pratique réflexive, de la ludification et de l’apprentissage fondé sur la technologie dans les programmes d’études et la programmation.  

Rich Feller est professeur en orientation et en développement de carrière à l’Université d’État du Colorado, ancien président de la National Career Development Association, cofondateur de OneLifeTools, conseiller pour YouScience et formateur principal pour la certification JCTC destinée aux accompagnateurs en gestion et transition de carrière.  

Lisa Bauman est directrice de programme et professeur à temps partiel en développement de carrière au Conestoga College Institute of Technology and Advanced Learning. Depuis plus de 10 ans au Conestoga College, Mme Bauman a occupé de nombreux postes, notamment directrice de programme, membre du corps professoral, accompagnatrice en gestion et transition de carrière, et conseillère en orientation par les pairs et en programmes d’études. En 2015, elle a obtenu sa maîtrise en éducation de l’Université de Calgary.

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fountain pen on notebookCareering

Mot de l’éditrice

Lindsay Purchase

Author headshotD’accord, je l’admets. Je suis fatiguée d’entendre parler de « la grande démission ».

Tout comme « l’avenir du travail » et d’autres termes surutilisés et souvent mal compris, parler de « la grande [vous savez quoi] » est devenu un substitut pour toute discussion générale liée au développement de carrière.

Alors, pourquoi en revenir à ce concept et publier un numéro du magazine Careering sur « la profonde dissociation affectant les carrières »? Parce que dans cette conversation sur l’évolution du marché du travail, il y a beaucoup de non-dits. Et les professionnels de la carrière sont prêts à dire tout haut ce qui passe sous silence.

Compte tenu du fait que, selon un récent sondage du CERIC et d’Environics, 45 % des employeurs disent ne pas connaître l’existence des professionnels du développement de carrière, et qu’une étude du Conseil de l’information sur le marché du travail montre que seul un adulte sur cinq a eu recours à des services d’orientation professionnelle, il n’est pas surprenant que les conversations publiques sur les carrières soient étroitement circonscrites. Pas surprenant, mais problématique.

Pour ce numéro de Careering, nous avons demandé à des personnes travaillant dans tous les domaines du développement de carrière de réfléchir à la question suivante : Quelles lacunes constatez-vous dans les services d’orientation professionnelle, l’éducation au choix de carrière, le marché du travail et le lieu de travail, et quelles sont vos idées pour y remédier?

Ceux qui travaillent avec les jeunes ont constaté une dissociation entre les pratiques d’embauche des employeurs et les besoins des étudiants, ainsi que dans l’approche fragmentaire du développement de carrière de la maternelle à la 12e année à l’échelle du pays. Un auteur s’est demandé pourquoi les professionnels de la carrière ne parlent pas davantage des syndicats, tandis qu’un autre a exploré la question de la déconnexion des valeurs au travail.

Bien que les articles s’efforcent de cerner les principaux enjeux concernant « la profonde dissociation affectant les carrières », ce numéro vise également à mettre en lumière des solutions créatives et à jeter des ponts.

Plusieurs articles reflètent le désir d’améliorer l’équité, la diversité et l’inclusion au sein des systèmes de développement de carrière, notamment en construisant un avenir professionnel durable pour la communauté noire et en aidant les demandeurs d’emploi handicapés à faire valoir leurs forces. D’autres articles se penchent sur les principales améliorations qui peuvent être apportées pour soutenir les professionnels et les étudiants internationaux nouvellement arrivés.

Bien sûr, nous ne pouvons couvrir tous les sujets. Si ce numéro vous inspire des idées sur la dissociation entre le travail et l’éducation, parlez-en! Engagez la conversation avec vos collègues. Plaidez en faveur du changement. Écrivez sur les questions épineuses qui vous tracassent et sur les solutions judicieuses qui vous viennent à l’esprit (publicité éhontée : pourquoi pas sur le site Web OrientAction du CERIC? Toutes les idées sont les bienvenues).

Pour l’instant, bonne lecture!

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Concept of communication and communicating a message between two head shaped trees with birds perched and flying to each other as a metaphor for teamwork and business or personal relationship with 3D illustration elements.Careering

Un état d’esprit de carrière en trois étapes

Les trois étapes de l’Écoute, l’Apprentissage et le Service offrent une façon unique de considérer les carrières

Laurent Boualleg 

Author headshotCarrière vient de char ou charriot. Un état d’esprit de carrière, c’est donc une façon de penser qui fait avancer autrui dans les études et dans le monde du travail.

Après plus de deux décennies de pratiques dans le conseil en orientation scolaire et professionnelle, il m’est apparu légitime de m’interroger sur ce qu’est un état d’esprit de carrière. Après réflexion, celui-ci m’est apparu en trois étapes qui se suivent et se chevauchent : Écouter, Apprendre, Servir. Elles sont issues de l’interaction entre mon expérience professionnelle, ma réflexion personnelle, l’utilisation du focusing selon Gendlin et l’opportunité offerte par la revue Careering d’écrire sur cette question.

Étant un adepte à la fois des questionnaires RIASEC et de l’humour en orientation, j’ai souhaité faire un clin d’œil humoristique au modèle de Holland, qui a forgé mon état d’esprit de carrière depuis ma formation initiale jusqu’à aujourd’hui. Ainsi, mes trois étapes correspondent à l’acronyme EAS. Toute ressemblance avec des étapes existantes en counseling de carrière selon Lecomte et Savard serait purement non fortuite.

Bien que cet état d’esprit de carrière partage des points communs avec le profil EAS de Holland, je décrirai surtout l’état d’esprit de carrière EAS avec ces trois étapes.

Écouter 

Lorsque nous écoutons, nous portons attention à nos mouvements intérieurs. Nous dirigeons notre attention vers nos centres d’intérêt, valeurs, aptitudes, croyances, traits de personnalité et motivations. Il s’agit d’une expérience subjective que nous tentons d’objectiver.

En parallèle, nous observons notre environnement de formation et notre milieu professionnel. Cette écoute et cette observation permettent de faire des liens, de créer des ponts, d’établir une correspondance entre personnalité vocationnelle et milieu de travail. Un premier clin d’œil à la théorie de Holland!

« Lorsque nous écoutons, nous portons attention à nos mouvements intérieurs. »

Cette correspondance individu-environnement simplifie la dynamique complexe de l’interaction Individu-Études-Travail sans lui retirer de sa pertinence, bien au contraire.

Prendre l’initiative d’être attentif, d’écouter l’intérieur et l’extérieur de soi, d’observer ses interactions avec les autres, de choisir de diriger son attention sur ses rôles sociaux, d’être porteur d’un projet de soi, de prendre en main son développement de carrière… N’est-ce pas un ensemble de comportements et de démarches qui font penser au type Entreprenant?

Disons simplement qu’être attentif et orienter notre écoute vers la dynamique Individu-Études-Travail est une première marche vers l’apprentissage.

Apprendre

L’interaction constante au sein de la dynamique Individu-Études-Travail nous offre l’occasion d’apprendre sur nous-mêmes, en particulier sur notre personnalité et sur nos talents à développer, mais aussi sur nos émotions et sur notre conscience. L’apprentissage est une réponse à la curiosité. Il satisfait aussi nos besoins de croissance et de compétence. Apprendre, c’est choisir de miser sur les ressources disponibles, sur des besoins psychologiques positifs. C’est donc combler un besoin fondamental d’autonomie. Être capable de satisfaire notre curiosité et de prendre en main nos besoins psychologiques nourrit par exemple nos besoins de sécurité et d’estime de soi, deux besoins psychologiques positifs, selon Sheldon. Ceux-ci s’ajoutent aux trois autres besoins psychologiques positifs que sont l’autonomie, la compétence et l’appartenance, trois besoins étudiés par Deci et Ryan.

Observer notre environnement nous permet d’apprendre sur notre contexte professionnel et ses enjeux. Aussi, apprendre sur la communication et sur les relations au sein d’une organisation stimule notre processus de croissance et notre besoin d’appartenance, un autre héritage de la théorie de l’autodétermination. Bref, apprendre c’est intégrer et s’intégrer.

Apprendre touche toutes les dimensions du RIASEC. Un type de personnalité défini par Holland peut être considéré comme une motivation intrinsèque du point de vue de la théorie de l’autodétermination, surtout s’il s’agit de notre type dominant. Apprendre par intérêt et par plaisir nous lie intrinsèquement au contenu de notre apprentissage.

Il y a aussi un clin d’œil à la sensibilité du type Artistique du modèle de Holland. En effet, l’apprentissage n’est pas un acte purement intellectuel. C’est aussi un acte affectif. Le profil Artistique apprendra plus volontiers ce qui touche sa sensibilité, son imagination et sa créativité.

Apprendre continuellement représente une compétence développementale. Apprendre, c’est se développer. Et entre apprentissage et développement de carrière, il y a nécessairement un lien dynamique, mais il y a aussi une marche qui conduit vers le service.

Servir

Apprendre nous permet de mieux servir les autres, nos organisations et notre communauté au sens large. Servir nous permet de nous ouvrir davantage. Ce que nous avons appris, nous pouvons l’offrir. Ainsi, nous facilitons la vie d’autrui. Partager ce que nous avons appris procure du bien-être, de la satisfaction à l’égard de la vie et conduit à une meilleure intégration socioprofessionnelle (on pourrait parler aussi de développement psychosocial optimal).

Servir nous fait grandir encore et encore. En aidant autrui à s’élever, on s’élève aussi, car nous faisons partie d’une communauté. Contribuer au développement d’une personne, d’un groupe, d’une organisation, d’une communauté, c’est se forger un état d’esprit de carrière, c’est-à-dire créer et développer volontairement un état d’esprit qui fait avancer les choses.

Cette fois, le parallèle existe entre la dimension Service et le type Social de notre cher Holland! Bon, on pourrait aller plus loin dans les parallèles entre les dimensions de l’état d’esprit de carrière Écouter-Apprendre-Servir et les types de personnalité Entreprenant-Artistique-Social, mais il y a une sérieuse limite.

Un profil Holland diffère d’un état d’esprit de carrière, car on ne choisit pas notre profil de personnalité. Inversement, nous pouvons choisir notre état d’esprit de carrière.

Encore une fois, ces trois étapes ne reflètent qu’une analyse personnelle de mon expérience. Pendant plus de deux décennies j’ai voyagé professionnellement entre Écouter-Apprendre-Servir et je crois que je continue de le faire.

Comment aider notre clientèle à développer leur propre état d’esprit de carrière?

Il s’agit de les aider à créer une culture de l’attention portée sur la carrière, soit un état d’esprit de carrière qui va plus loin que l’intervention ponctuelle. De cette culture de l’écoute, qui consiste à rester attentif, découle l’étape 2, qui consiste à apprendre, à développer un état d’esprit d’apprentissage continu concernant sa carrière. Autrement dit, un état d’esprit d’éternel débutant. Enfin, notre besoin d’appartenance nous procure du plaisir lorsque nous partageons et apprenons ensemble, mais aussi lorsque nous partageons notre expérience pour faciliter la vie d’autrui. Les autres bénéficient alors d’autres façons de penser, d’agir, d’apprendre, de réagir et de se développer. Ainsi, il me semble qu’un état d’esprit de carrière d’Écoute, d’Apprentissage et de Service produit de la richesse sur le plan humain.

Laurent Boualleg : Psychologue de l’éducation nationale en Centre d’Information et d’Orientation à Marseille Spécialisé en Education, développement et conseil en orientation scolaire et professionnelle. En 2019, j’ai publié chez Enrick B. Editions Voyage au pays du développement de carrière.

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Carpenter and apprentice in workshopCareering

Mentalités sociales : Une nouvelle approche aux états d’esprit de carrière

La compréhension des besoins de chacun au travail et de la manière dont ils peuvent varier d’une personne à l’autre, peut contribuer à favoriser des relations de travail plus positives

K. Jessica Van Vliet et José F. Domene

Author headshotsÀ la base, la plupart des types de travail impliquent des relations interpersonnelles. La façon dont les gens entrent en relation avec leurs collègues peut refléter des modèles de relations interpersonnelles qui se manifestent dans d’autres sphères de la vie des gens. Paul Gilbert (2009), l’un des plus grands spécialistes mondiaux sur la compassion, a inventé le terme « mentalités sociales » pour classifier sommairement les modes de relations sociales des gens. Les mentalités sociales sont des types d’états d’esprit qui influencent les pensées, les sentiments et les comportements d’une personne et qui l’incitent à agir de manière particulière envers les autres. Parmi les principales mentalités sociales identifiées par Gilbert, on trouve l’offre de soins pour autrui, la recherche de soins pour soi, la compétition et la coopération. Après avoir brièvement résumé la description de ces mentalités de Gilbert (1992), nous discutons des implications potentielles des mentalités sociales sur le travail et la carrière.

Les mentalités sociales

L’offre de soins pour autrui : Cette mentalité se caractérise par une forte motivation à favoriser la croissance et le développement d’autres personnes. Les sentiments de plaisir et de satisfaction proviennent du soutien au bien-être des autres. Avec cette mentalité, une personne est sensible à la détresse des autres et réagit avec bienveillance et compassion. Offrir aux autres confort et protection face à un danger potentiel peut être une source importante de satisfaction personnelle.

Recherche de soins pour soi : La recherche de soins est le revers de la médaille. Une personne ayant cette mentalité peut manifester un besoin intense d’être couvée et protégée par les autres. L’anxiété, la dépression et d’autres formes de détresse peuvent résulter du manque de soutien à portée de main. Lorsque le soutien est accessible, l’individu peut éprouver un plus grand sentiment de sécurité et de satisfaction; à partir de ce sentiment accru de sécurité, une personne est mieux à même de se concentrer sur d’autres objectifs.

Compétition : Cette mentalité est marquée par la préoccupation d’une personne de se comparer aux autres. Dans cette mentalité, une personne est très attentive aux signaux d’infériorité ou de supériorité et de victoire ou de perte. L’évaluation qu’ils font de leur position par rapport aux autres peut parfois les mener à adopter des comportements visant à les dominer (c’est-à-dire à être « au sommet » ou à gagner). Par ailleurs, afin d’éviter d’être attaquée ou rejetée, une personne peut tenter d’apaiser des individus considérés comme plus puissants. La mentalité de compétition est associée à toute une série d’émotions, allant de la colère, de l’anxiété et du ressentiment à l’exaltation de la victoire.

Coopération : Contrairement à la compétition, cette mentalité ne se préoccupe pas de questions de hiérarchie sociale, mais plutôt de confiance mutuelle, de respect, d’appartenance, de partage et d’appréciation. Ces qualités facilitent les interactions collaboratives visant à atteindre les objectifs du groupe. Comme dans le cas des soins, les expressions de la sollicitude peuvent être présentes. Cependant, avec la coopération, la bienveillance est généralement mutuelle et contribue à créer un environnement de travail convivial et agréable qui favorise la réussite de l’équipe.

Implications pour le développement de carrière

Appliquée au travail et à la carrière, la compréhension des mentalités sociales peut être utile tant aux individus qu’à l’ensemble de l’organisation. Les mentalités sociales peuvent fournir un cadre utile pour éclairer les décisions liées à la carrière. Par exemple, une personne très motivée par une mentalité d’offre de soins peut rechercher activement les occasions de favoriser l’épanouissement de collègues ayant moins d’expérience. Une personne dotée d’une mentalité compétitive peut choisir de travailler dans une organisation où la compétition pour la promotion et la reconnaissance est hautement valorisée et encouragée. Sur le plan organisationnel, prendre conscience des mentalités sociales qui motivent différents travailleurs peut aider les organisations à mieux répondre aux besoins et aux préférences de ceux-ci. De plus, une compréhension de la manière dont les mentalités sociales influencent la dynamique sociale sur le lieu de travail peut être utilisée pour améliorer la culture du lieu de travail.

Bien que la plupart des recherches sur les mentalités sociales aient porté sur la santé mentale, dans le cadre de notre programme de recherche à l’Université de l’Alberta et à l’Université de Calgary, nous avons exploré comment les mentalités sociales peuvent influencer le développement de carrière des gens et leur expérience du travail. Dans une étude récente où nous avons exploré qualitativement les expériences d’adultes en matière de soins sur le lieu de travail, ces derniers avaient des significations différentes selon que la personne se concentrait sur la coopération ou sur le fait de donner des soins ou de chercher à en donner. Par exemple, quelqu’un qui vient d’une mentalité de recherche de soins peut interpréter la bienveillance comme l’engagement de son superviseur envers la croissance et le perfectionnement du travailleur, ou comme la disponibilité émotionnelle des collègues dans les moments de détresse personnelle. Du point de vue des autres travailleurs, elle peut se traduire par des conversations amicales et des activités sociales agréables qui servent les objectifs de la coopération.

En d’autres termes, en ce qui concerne les soins sur le lieu de travail, il n’y a pas de réponse universelle. Comprendre que les besoins de chacun en matière de soins au travail, et que la définition de ces mêmes soins peut varier d’une personne à l’autre, peut favoriser des relations de travail plus positives. Pour les organisations qui s’efforcent de créer un environnement de travail plus humain, il est important d’examiner sous quelles formes les soins seraient bénéfiques, et pour qui.

« En d’autres termes, en ce qui concerne les soins sur le lieu de travail, il n’y a pas de réponse universelle. »

Nous sommes en train de créer un questionnaire pour mesurer les mentalités sociales des gens dans le contexte du travail, ainsi qu’un questionnaire visant à tirer profit des perceptions des gens sur les mentalités sociales en milieu de travail. Les questionnaires peuvent approfondir la compréhension de l’influence des mentalités sociales sur le développement de carrière et le bien-être. En attendant, nous proposons les questions suivantes que les intervenants en développement de carrière pourront trouver utiles pour discuter des mentalités sociales avec leurs clients et stimuler leur réflexion sur la façon dont ce concept peut être lié à leur carrière :

  • En réfléchissant aux quatre mentalités sociales, quelles sont les mentalités qui semblent le mieux me décrire lorsqu’il s’agit de mes relations avec les autres personnes sur mon lieu de travail?
  • Quelle est l’importance de chaque mentalité pour moi?
  • Pour ces mentalités qui reflètent mon identité ou mes aspirations, comment mon lieu de travail me soutient-il?
  • S’il semble y avoir un décalage entre mes mentalités sociales préférées et mon lieu de travail, quels changements puis-je apporter dans ma vie personnelle ou professionnelle sur mon lieu de travail?

Il est également important de reconnaître que les mentalités sociales peuvent être assez fluides. Elles peuvent devenir plus ou moins actives, selon le contexte. Par exemple, une personne peut avoir tendance à adopter une mentalité coopérative lorsqu’elle travaille avec ses pairs, mais fonctionner plutôt selon une mentalité de recherche de soins avec son superviseur. Le stade de la carrière de la personne peut également être pertinent, la recherche de soins étant plus présente au début de la carrière et la prestation de soins prenant de l’importance dans les étapes ultérieures du développement de carrière. Au fil des apprentissages sur la façon dont les mentalités sociales influencent le travail et la carrière, les travailleurs et leurs superviseurs pourraient mieux comprendre comment contribuer à un environnement de travail sain et harmonieux.

Dre K. Jessica Van Vliet (jvanvliet@ualberta.ca) est une psychologue agréée et professeure de psychologie de l’orientation à l’Université de l’Alberta. Elle a passé plusieurs années à étudier la compassion dans divers volets de la vie. Plus récemment, elle a élargi son intérêt pour la compassion en l’appliquant au contexte du lieu de travail.

Dr José Domene (jfdomene@ucalgary.ca), psychologue agréé et professeur de psychologie de l’orientation à l’Université de Calgary, a acquis une renommée internationale pour ses recherches sur le développement de carrière, qui portent notamment sur les contextes relationnels de la carrière.

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MontrealCareering

Accompagner les professionnels ayant immigré au Québec : entre obstacles systémiques et états d’esprit de carrière

Les professionnels du développement de carrière ont besoin de mieux comprendre les obstacles vécus par les professionnels immigrants

Anna Maria Zaidman

Author headshot« Si tu as besoin de voir un médecin, va prendre un taxi! ». Cette blague illustre les difficultés vécues par les professionnels immigrants pour trouver un travail à la mesure de leurs compétences et qualifications.  Il est bien connu que plusieurs professionnels immigrants ont commencé à « faire du taxi », faute de pouvoir exercer leur profession au Canada. Cette situation est principalement due au manque de reconnaissance, par les employeurs canadiens et québécois, de l’expérience professionnelle et des diplômes acquis à l’étranger.

État de situation

Les personnes immigrantes installées au Québec sont celles qui rencontrent le plus d’obstacles pour trouver un emploi qui correspond à leur niveau de compétences, en comparaison avec celles qui résident en Ontario ou en Colombie Britannique. À Montréal, ces personnes ont des taux de chômage plus élevés que dans les autres grandes villes canadiennes (Institut du Québec, 2016). En 2020, le taux de chômage des personnes immigrantes arrivées au Québec il y a 5 ans et moins était de 16,5 %, alors que celui des personnes nées au Québec était de 8% (Institut de la statistique du Québec, 2021). Le taux de surqualification des personnes immigrantes formées à l’étranger à Montréal est de 63,2%, contre un peu plus de 30 % pour le reste de la population. Le revenu moyen des personnes immigrantes, en particulier celles provenant d’Asie, d’Afrique ou d’Amérique latine est bien inférieur à celui des personnes nées au Québec ou provenant d’Europe et des États-Unis (Statistiques Canada, 2016).

« Les personnes immigrantes installées au Québec sont celles qui rencontrent le plus d’obstacles pour trouver un emploi qui correspond à leur niveau de compétences … »

En 2013, la Commission des droits de la personne de l’Ontario a émis un avis et publié un guide où elle affirme qu’exiger une expérience canadienne peut être considéré comme de la discrimination fondée sur la couleur de peau et l’origine ethnique. De son côté, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec a montré en 2012 qu’à compétences égales (incluant la maîtrise du français), quelqu’un avec un nom à consonance canadienne-française a au moins 60 % plus de probabilité d’être contacté pour une entrevue d’embauche que quelqu’un avec un nom à consonance africaine, arabe ou latino-américaine. Ces obstacles contreviennent au droit à l’égalité et à la possibilité des personnes immigrantes de développer leur plein potentiel; ils constituent des injustices sociales flagrantes.

Comment les conseillers en développement de carrière peuvent-ils aider ces personnes immigrantes à atteindre leurs objectifs?

Tout d’abord, connaître et comprendre ces réalités est une nécessité incontournable lorsqu’on accompagne les personnes immigrantes. Ensuite, il est important d’en tenir compte et de faire preuve d’empathie sociale, c’est-à-dire d’une empathie consciente des inégalités créées par les diverses formes de discrimination.

Le conseiller en développement de carrière peut d’abord accepter l’expression des émotions suscitées par le vécu de ces injustices et se positionner comme un allié de la personne qu’il accompagne, lorsqu’elle fait face à ces obstacles. Ceci l’amène à concevoir son rôle d’une manière qui inclut un volet d’éducation et de défense des droits. Ainsi, certains conseillers peuvent accompagner les personnes immigrantes dans leurs démarches auprès de la Commission des droits de la personne ou d’autres organismes de défense des droits. D’autres peuvent aider au transfert de compétences en faisant un important travail de recherche avec les personnes pour éviter la déqualification. D’autres encore peuvent négocier avec les agents de Services Québec pour faciliter l’accès à des formations. Lorsque les professionnels ont besoin d’un permis délivré par un ordre professionnel pour exercer leur profession, ils peuvent proposer un accompagnement personnalisé.

Au Québec, les professionnels du développement de carrière qui travaillent auprès des personnes immigrantes intègrent peu les enjeux de discrimination et les inégalités sociales qui en résultent dans leur pratique. Plusieurs se concentrent uniquement sur le choix professionnel ou l’acquisition des méthodes de recherche d’emploi; trop peu intègrent des approches axées sur la justice sociale (Patton, et McMahon, 2021).

Ceci dit, malgré les obstacles décrits précédemment, plusieurs personnes immigrantes réussissent tout de même à occuper des postes qui correspondent à leurs niveaux de qualifications et de compétences. On qualifie leur parcours de « parcours de combattant », puisqu’il est parsemé d’embûches et d’obstacles difficiles à surmonter. Bien connaitre les éléments facilitant le parcours des professionnels immigrants permettrait aux conseillers d’adapter leur accompagnement pour faciliter l’atteinte de leurs objectifs professionnels.  Ceci pourrait notamment être influencé par l’état d’esprit des professionnels immigrants eux-mêmes.

Le rôle de l’état d’esprit

Carol Dweck, scientifique rattachée à l’université Harvard et auteure du livre Mindset, the new psychology of success (2016), suggère qu’il y a essentiellement deux types d’état d’esprit :

  • L’état d’esprit fixe consiste à croire que l’intelligence ou les talents sont stables. Certains les possèdent et d’autres pas.
  • L’état d’esprit de développement consiste à croire que l’intelligence et les talents peuvent toujours être développés, à travers l’effort, la motivation et le soutien des autres.

Les personnes ayant un état d’esprit de développement réussiraient mieux à atteindre leurs objectifs à travers leurs efforts et leur persévérance dans les difficultés. Pour elles, pas question de s’arrêter devant des échecs. Tout est une occasion d’apprentissage.

A travers l’exemple du parcours professionnel de Mehdi et de Vivien, on peut entrevoir comment l’état d’esprit interagit avec les obstacles systémiques et le rôle possible des conseillers en développement de carrière dans ce contexte.

Mehdi était conseiller d’orientation au Maroc et avait aussi travaillé comme enseignant de mathématiques. La profession de conseiller d’orientation étant réglementée au Québec, il ne pouvait donc pas y accéder facilement. À son arrivée au Québec, il entend parler du certificat en développement de carrière et s’y inscrit. En parallèle, il envoie sa candidature comme conseiller en emploi à plusieurs endroits, en vain. Après avoir terminé son certificat, il cherche du travail dans son domaine mais ne trouve rien. Pendant trois ans, il accepte de petits boulots : dépanneurs, stations d’essence, etc. Dans cette situation difficile, Mehdi doit s’accrocher pour garder le moral et éviter de se décourager. Puis, grâce à une suggestion du conseiller qui supervise son stage, Mehdi choisit de devenir enseignant de mathématiques dans le Nord québécois. Il demeure cinq ans dans ce poste et durant ce temps, il obtient son permis d’enseigner. En réfléchissant à son parcours, Mehdi reconnait qu’il a fait plusieurs fois l’expérience de la discrimination mais qu’il a aussi rencontré des gens formidables qui l’ont aidé à développer sa carrière.

Originaire de Chine, Vivien a vécu 10 années en France où elle enseignait les mathématiques. À cette époque, elle voulait déjà changer de profession. À son arrivée au Québec, elle cherche du travail un peu partout mais ne trouve rien. Elle consulte un premier conseiller en emploi très directif, ce qu’elle n’apprécie pas. La deuxième conseillère lui suggère de chercher un travail plutôt que de retourner aux études. Vivien décide tout de même de s’inscrire à une maîtrise en statistiques, qu’elle complète en quatre ans car elle doit s’occuper de ses deux enfants en bas âge. Dès lors, elle trouve un travail dans son domaine. Vivien considère que sa conseillère en emploi l’a beaucoup aidée (même si elle n’a pas écouté ses conseils), car elle l’a beaucoup encouragée et a valorisé ses compétences. Cela lui a permis d’avoir confiance en elle, malgré les refus essuyés.

Le bref résumé du parcours de ces deux professionnels immigrants offre quelques pistes sur l’interaction entre l’état d’esprit et les obstacles systémiques ainsi que le rôle significatif joué par les conseillers en développement de carrière. On peut observer, dans le cas de Mehdi, qu’un conseiller a reconnu ses compétences en tant qu’enseignant au Maroc et lui a suggéré de chercher un emploi équivalent, en s’appuyant sur sa connaissance du marché du travail. La conseillère de Vivien a aussi reconnu ses compétences, même si celle-ci a choisi plutôt de changer d’orientation.

Les parcours de Mehdi et de Vivien montrent aussi comment plusieurs personnes immigrantes redoublent d’efforts et sont prêtes à bien des adaptations pour atteindre leurs objectifs et ce, en dépit des obstacles rencontrés. A première vue, leur état d’esprit s’apparente davantage à un état d’esprit de développement qu’à un état d’esprit fixe. Ainsi, l’accompagnement des conseillers en emploi, lorsqu’il est adapté et tient compte de leurs réalités, peut les aider à conserver cet état d’esprit, plus propice au développement de leur carrière qu’un état d’esprit fixe. Il s’agit donc pour les professionnels du développement de carrière de mieux comprendre les obstacles vécus par les professionnels immigrants et les facteurs facilitants, dont l’état d’esprit, pour mieux les aider à atteindre des objectifs professionnels qui correspondent à leur niveau de qualification et de compétence.

Anna Maria Zaidman est Coach de carrière, formatrice ainsi que Consultante à l’Institut de recherche pour l’intégration professionnelle des immigrants. Chargée de cours en éducation et formation des adultes et candidate au doctorat, elle s’intéresse au développement de l’empathie chez les conseillers en emploi qui accompagnent les personnes immigrantes et racisées. Elle cumule aussi plusieurs années d’expérience à titre de conseillère en emploi et formatrice auprès des professionnels formés à l’étranger.

Références

Dweck, C. S. (20016). Mindset: The new psychology of success. New York: New York Ballantine Books.

Institut du Québec (2016). Plus diplômés, mais sans emploi. Comparer Montréal : le paradoxe de l’immigration montréalaise. Rapport de recherche. https://institutduquebec.ca/wp-content/uploads/2021/02/201612-IDQ-Plusdiplomes.pdf

Institut de la statistique du Québec (2021). État du marché du travail au Québec, bilan de l’année 2020. https://statistique.quebec.ca/fr/fichier/etat-du-marche-du-travail-au-quebec-bilan-de-lannee-2020.pdf.

Patton, W., & McMahon, M. (2021). Theories of Career Development: Social Justice, Culture, and Context. In Career Development and Systems Theory (pp. 262-329). Brill.

Statistiques Canada (2016). Tableau 43-10-0047-01, Revenu des immigrants selon la région du monde, Québec, inactif. DOI : https://doi.org/10.25318/4310004701-fra

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Mot de l’éditrice

Lindsay Purchase

Author headshotLorsque, en mars 2020, on nous a annoncé qu’il fallait désormais travailler à la maison, je pensais naïvement que nous serions de retour au bureau quelques semaines plus tard. Il m’était plus facile de faire face à cette nouvelle réalité en me disant que tout cela ne durerait qu’un temps. J’avais laissé un pot de beurre d’arachide à moitié fini dans mon tiroir et des chaussures sous mon bureau – c’est dire à quel point j’étais optimiste (ou irréaliste).

Bien que, au début, cet état d’esprit ait pu m’aider à accepter une telle transition, en rétrospective, je peux maintenant reflechir à des stratégies qui auraient pu m’être plus utiles au cours de ces premières semaines. J’aurais pu réfléchir aux outils, aux soutiens et aux ressources dont j’aurais éventuellement besoin pour mieux gérer le changement. J’aurais pu penser à l’utilité d’établir un plan pour moi-même, tout en reconnaissant la nécessité de faire preuve d’une certaine souplesse, et me demander quelles compétences me serviraient alors que le CERIC devait changer ses façons de travailler – et quelles nouvelles compétences il me faudrait peut-être développer.

Se connaître, savoir s’adapter et cultiver la résilience sont des compétences essentielles pour gérer tous les types de changement dans nos carrières. Parfois, ces changements sont attendus – la transition de l’école au travail, par exemple –, alors que d’autres fois, ils nous prennent par surprise – comme une perte d’emploi ou un déménagement inattendu. L’état d’esprit dans lequel nous abordons ces expériences peut jouer un rôle déterminant dans leur déroulement.

Dans ce numéro du magazine Careering , nous explorons les nombreuses facettes des états d’esprit de carrière. Comme il n’existe pas une seule définition de ce terme dans le domaine du développement de carrière au Canada, nous avons laissé la porte ouverte à l’interprétation, et ce qui en résulte est fascinant. Les auteurs ont lié ce concept à différents thèmes, comme l’art, l’exploration, les mentalités sociales, les croyances limitatives, l’attitude figée et l’attitude de croissance, la pensée conceptuelle et le retour au travail. Ils nous parlent aussi de la façon dont ils utilisent le concept des états d’esprit de carrière pour soutenir les étudiants, depuis les premières années d’école jusqu’aux études supérieures, et comment il peut s’appliquer aux nouveaux arrivants au Canada, au domaine du développement de carrière, ainsi qu’aux demandeurs d’emploi à toutes les étapes de leur carrière.

Alors, comment définir l’état d’esprit de carrière? Est-ce une question d’exploration et de réflexion? S’agit-il d’un engagement à continuer d’apprendre tout au long de la vie, ou d’avoir les compétences nécessaires pour gérer sa propre carrière? Bien que ce numéro ne vous offre pas de réponse unique, nous espérons qu’il vous aidera à réfléchir aux liens entre les états d’esprit de carrière et votre travail, quelle que soit la sphère du développement de carrière dans laquelle vous travaillez.

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